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Saint Bonaventure

Dans son bref traité des Sept Degrés de la Contemplation, saint Bonaventure s’étend le plus sur le quatrième degré, qu’il appelle spécifiquement « la contemplation » :

La contemplation est la recherche pieuse, intellectuelle et affectueuse des richesses bienheureuses placées au-dessus des cieux et connues de Dieu seul. L'intelligence et la volonté concourent à cette action, mais la première d'une manière bien différente de la seconde ; car lorsque l'âme contemplative, tenant suspendus ses sens spirituels, porte son regard sur les objets éternels, la partie la plus pénétrante de l'intelligence et l'affection la plus ardente de la volonté s'élancent à la fois vers les choses divines, s'excitent mutuellement et montent également, l'une en considérant, l'autre en désirant. Mais l'intelligence qui ouvre la marche ne peut entrer, car elle voit comme par un miroir et elle est contrainte à demeurer dehors. L'amour, au contraire, agissant sans intermédiaire, entre et s'unit à son objet, selon cette parole : « Celui qui s'attache au Seigneur est un même esprit avec lui. » Alors l'intelligence, qui d'abord n'avait pu pénétrer par ses propres forces, ayant été reçue, la volonté est admise à la félicité par cette bonté déifique et surintellectuelle qui est au-dessus de toute essence. Après avoir agi de la sorte vis-à-vis de cette âme, en cédant à la violence embrasée de ses désirs et à ses efforts pour s'élancer en haut, Dieu l'attire plus intimement en lui-même. Là, il embellit son intelligence en versant sur elle la splendeur inépuisable de ses rayons éblouissants, et il nourrit la sainte ardeur de sa volonté pour sa douceur divine et infinie en lui communiquant une suavité pleine de lumière. Pendant que toutes deux jouissent ainsi de leur enivrement et que leurs désirs s'accroissent, la divine bonté se donne elle-même et répand sa clarté avec encore plus d'abondance, à cause de l'amour extraordinaire qu'elles ont pour la vérité suprême. Et c'est là le souverain bonheur. Heureux celui qui a pu atteindre à la hauteur de ce degré ! Il est vraiment devenu un ange ; il a dans la vie présente commencé les joies de la vie future. Il l'avait éprouvé celui qui s'écriait : « Pour nous, nous contemplons la gloire du Seigneur sans qu'un voile couvre notre visage ; nous sommes transformés en la même image, et nous avançons de clarté en clarté par l'illumination de l'Esprit du Seigneur. » Dans ce passage, le saint Apôtre nous montre surtout l'utilité de la contemplation. Qu'est-ce en effet que contempler sans voile la gloire du Seigneur à visage découvert, sinon, après avoir rejeté toute impureté de nature à voiler la face de notre intelligence, considérer pieusement, purement et dévotement la splendeur inconnue, très-simple et suréclatante de l'éternité de Dieu, et la paix ineffable des esprits célestes, paix vraiment inaltérable et inaccessible aux efforts de l'esprit humain

Qu'entend-il lorsqu'il dit que ceux qui se livrent à une telle contemplation sont transformés en la même image, sinon que la cause de cette incomparable suavité n'est point différente des choses mêmes que nous nous sommes représentées, lesquelles, après nous avoir tirés de nous-mêmes et nous avoir absorbés en elles, nous abreuvent d'un torrent de délices et nous transforment nécessairement d'hommes terrestres en hommes célestes, d'hommes charnels en hommes spirituels, et de créatures corporelles en créatures angéliques ? Cette parole : être transformés en la même image, me semble donc signifier être transformés en la chose qu'on s'est représentée. Et c'est avec raison que l'Apôtre ajoute : « Nous avançons de clarté en clarté par l'illumination de l'Esprit du Seigneur, car ce divin Esprit nous conduisant par la main, nous remplit de ses saintes et divines splendeurs, et par là nous avançons de lumière en lumière, selon cette parole du Prophète : C'est en votre lumière que nous verrons la lumière. » Cette contemplation, ou, si vous voulez, cette recherche, ne compte pour rien les dangers ni les peines, et quand une âme est pure, pieuse et libre des choses extérieures, elle lui procure des avantages inestimables, alors même que cette âme ne découvrirait rien.

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