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Sainte Jeanne d’Arc

Extraits du Panégyrique de Jeanne par l’abbé Louis-Edouard Pie, futur évêque de Poitiers et cardinal, en la cathédrale d’Orléans le 8 mai 1844 (cinq ans après son ordination sacerdotale).

Messieurs, dans cette invasion de l’Angleterre, notre nationalité n’était pas seule en péril. Dieu, qui rapporte tous Ses conseils à la conservation de Sa sainte Église, apercevait un autre danger.

La France possède un trésor plus précieux encore que son indépendance, qui nous est si chère à tous pourtant, c’est SA FOI CATHOLIQUE, SON ORTHODOXIE INTACTE ET VIRGINALE ; c’est ce trésor qui allait périr. Circonstance mémorable, Messieurs ! Devant le tribunal du Juge suprême des nations, l’Angleterre, en prononçant la sentence de Jeanne d’Arc, a signé, cent ans à l’avance, sa propre condamnation.

HÉRÉTIQUE, APOSTATE, SCHISMATIQUE, MALCRÉANTE DE LA FOI DE JHÉSU-CHRIST, tels sont les griefs inscrits, de par l’Angleterre, sur la tête de Jeanne. Ne déchirons pas cette inscription précieuse ; livrons-la à l’histoire ; elle pourra lui servir bientôt pour marquer au front une autre coupable, une grande coupable. Édouard n’a-t-il pas déjà parlé de faire des prêtres anglais qui chanteront la messe malgré le pape ? Et, à la licence qui règne, ne sentez-vous pas qu’Henri VIII approche ? C’est à ce point de vue, Messieurs, que la mission de Jeanne s’élargit et prend des proportions immenses. Que la France devînt anglaise, un siècle plus tard elle cessait d’être catholique ; ou bien, si elle résistait à ses dominateurs, elle se précipitait, comme l’Irlande, dans des luttes et des calamités sans fin. La cause de la France, au quinzième siècle, était la cause de Dieu, la cause de la vérité : et l’on a dit que LA VÉRITÉ A BESOIN DE LA FRANCE.

Ne vous étonnez donc pas que les deux plus illustres représentants de la monarchie catholique, saint Louis et saint Charlemagne (j’aime pour le grand empereur cette canonisation par la bouche inspirée de Jeanne), se soient émus au sein de la gloire, sur leur trône immortel, et qu’ils aient demandé un miracle pour la France. Ne vous étonnez pas si l’archange de la France est envoyé vers une vierge, et si cette vierge est choisie au pied des autels de Remy, l’apôtre des Français, de Remy « qui a sacré et béni, dans la descendance de Clovis, les perpétuels défenseurs de l’Église et des pauvres » (Bossuet). Ne vous étonnez pas enfin si la mission de la libératrice de la France se termine par un grand et mémorable sacrifice. Au mal qui nous menaçait, il fallait un remède surnaturel ; quand la religion du divin Crucifié est en cause, les prodiges de valeur ne suffisent pas, il faut des prodiges de douleur. Ce sont encore nos ennemis qui l’ont proclamé, alors qu’ils se frappaient la poitrine en descendant de cet autre calvaire : « Elle est martyre pour son droict Seigneur ». Et si vous me demandez quel est son Seigneur, elle m’a appris à vous répondre que c’est Jésus-Christ.

(…)

Ce n’est pas seulement la certitude historique, c’est la certitude juridique qui garantit jusqu’aux moindres circonstances de cette vie merveilleuse. Oh ! qu’elle semblera grande aux âges les plus reculés, cette fille d’Adam en qui ses ennemis et ses juges n’ont pu découvrir une seule faiblesse ; dont la vie intime est aussi pure, aussi resplendissante que sa vie publique ; dont cent dix-huit témoins oculaires, parmi lesquels ses amis d’enfance, ses compagnons d’armes, ses serviteurs les plus familiers, ont révélé tout ce qu’ils savaient sans pouvoir révéler autre chose que des vertus ! Scribes de l’Angleterre, enregistrez ces dépositions ; conservez à la France les nobles paroles de Jeanne, ses réponses inspirées, ses solennelles prédictions : c’est de vos mains ennemies qu’est élevé le plus beau monument à la gloire de l’envoyée des cieux. O Dieu ! soyez béni ! Les juges qui prononcent la sentence de Jeanne ont écrit son absolution devant la postérité, comme les bourreaux qui la livrent aux flammes ont mis la palme céleste entre ses mains, et la couronne éternelle sur sa tête.

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Jeanne d’Arc par Odilon Redon (1900), musées du Vatican via le diocèse de Chicago…

Commentaires

  • Où Jeanne a-t-elle mentionné saint Charlemagne ? Quelqu'un connaît-il la réponse ? En tout cas, merci pour ce texte intéressant de 1844.

  • https://fr.wikisource.org/wiki/Jeanne_d%E2%80%99Arc_(Hanotaux)/02

    "Alors, les « miracles » se succèdent : le vent qui était contraire tourne et les bateaux chargés de vivres peuvent accéder à la ville. Dunois affirme que, dès lors, il fut ébranlé. Mais, quand il la vit s’avancer, près de lui, l’étendard à la main, traverser la Loire et entrer dans Orléans, il n’eut plus de doute et voyant qu’elle accomplissait ce qu’elle avait promis mieux que ne l’eût fait aucun chef de guerre, il comprit qu’elle venait bien de Dieu et, puisqu’elle disait qu’elle avait vu saint Louis et Charlemagne priant pour le salut du royaume, qu’il fallait l’en croire (déposition de Dunois, t. III, p. 6)."
    La déposition de Dunois parle de Charlemagne, pas de St Charlemagne qui prie avec St Louis (canonisé en 1297) pour la France

  • C'était en tout cas clairement dans l'air du temps chez les tradis de l'époque comme on le voit par la longe notice du tome 2 de l'Année liturgique, au 28 janvier, sur le "bienheureux Charlemagne", paru en 1845.

  • Paul VI a fait retirer sainte Marguerite d'Antioche et sainte Catherine d'Alexandrie du calendrier. Ce n'était pas pour y (re)mettre Charlemagne, même s'il fut canonisé par l'antipape Pascal III en 1165 et que le roi Louis XI fit de sa fête, célébrée le 28 janvier, un jour férié.
    Pour moi, je me réjouis qu'on n'ait pas relégué saint Michel Archange aux oubliettes après Vatican II.

  • Il est curieux que nos rois de France n'aient pas fait des pieds et des mains pour la cause de Jeanne d'Arc. Sans parler de l'ingrat Charles VII, un Louis XII, un Louis XIII, un Louis XIV, ç'aurait quand même pu leur passer par la tête...

  • Interne (et non interné) dans un lycée public en 1960-1962 (et ce n'était pas le Lycée Charlemagne), j'y ai bénéficié tous les 28 janvier d'un menu amélioré pour la Saint-Charlemagne. Je ne sais s'il y avait des circulaires officielles là-dessus ; je pense que cette célébration était un peu pour enquiquiner l'Eglise qui délaissait ce "saint" fondateur de l'instruction publique.
    Le regain dans les années 1840-1850 est intéressant. Il fut critiqué, puisque Veuillot est obligé de répondre à une très pieuse amie de Versailles (Charlotte de Grammont) en janvier 1866 :
    "Les femmes sont des êtres faibles, jolis, opprimés comme chacun sait, qu'il faut protéger. J'ai moins de charité que Charlemagne qui poussait la charité jusqu'à en épouser des quantités. C'est pourquoi je n'aurai pas sa solide gloire, que vos quolibets n'ébranleront pas."
    Merci à Dauphin pour le témoignage de Dunois et à YD pour les références dans Guéranger.

  • Si j'avais été Charlotte, je lui aurais répondu ceci :

    Mon cher Louis,

    Je n'ignore pas que Charlemagne a cohabité avec un grand nombre de femmes ce qui ne saurait être imputé entièrement à son héroïsme dans la foi. Sa descendance incalculable fait que nous avons vous et moi une chance sur dix de le compter parmi nos ancêtres.
    Pour dire le vrai, je ne trouve rien de comparable à cette prodigieuse descendance, sauf peut-être votre condescendance prodigieuse à l'égard de cette moitié de l'humanité sans laquelle vous écririez moins de conneries !
    Les êtres faibles, jolis, opprimés comme chacun sait, et qu'il faut protéger, vous emmerdent, mon ami, à pied, à cheval et en voiture.

    Votre dévouée Charlotte

  • Oui, Charlotte aurait pu répondre ça, puisque le mouvement metoo commençait, comme Veuillot l'a finement remarqué ("opprimées comme chacun sait").
    Mais je crois qu'elle a surtout comparé Charlemagne à Barbe-Bleue puisqu'il lui répond :
    "Pour épouser jusqu'à une septième femme, il fallait qu'il eût conscience d'être un bien bon mari. Pour ma part, je trouve que c'est déjà beaucoup de se tenir à mi-chemin de Charlemagne et de Barbe-Bleue, même un peu plus près de Barbe-Bleue".

  • C'est Charlotte de Grammont ou de Gramont. Ce sont deux grandes familles. J'ai connu une Charmotte de Graillon, mais avec elle c'était la grande famine.

  • Il manque le sujet dans votre dernière citation, mais je suppose que Veuillot fait allusion à Matthieu, 22, 23-33. Ce n'est pas le genre d'interprétation qui va me donner envie de le lire. J'ai peu de limites dans le mauvais goût, mais les contes de Perrault comme niveau d'interprétation des paraboles du Fils de Dieu, voilà qui me semble, de la part d'un catholique militant, très très couillon :
    Un pignouf de corbac sur un feuillu planqué
    s'enfilait par la tronche un coulant baraqué.
    Un rachtek qui n'avait qu'un cent de clous pour bectance
    lui tint à peu près c'te jactance :
    "Eh, salut canari, ah, c'que tu dégotes !
    Si tu pousses ta goualante aussi bien qu'tes fringué,
    tu seras le mec à la r'tourne des costauds du quartier."
    A c'te jacte, le corbac ne se sent plus,
    il lui laisse tomber le coulant sur la fiole.
    T'es biché, t'es zibé, t'es feinté,
    ta jacte t'a fait avaler des bobards à la gomme.!

  • Le sujet de "il eût conscience..." c'est Charlemagne, à qui les Bollandistes attribuent jusqu'à 12 femmes, paraît-il.
    Voici un propos plus complet de Veuillot, toujours adressé à Charlotte de GraMMont (dont on peut voir la tombe au Cimetière St-Louis de Versailles) :
    "Chère Mademoiselle,
    Traitez moins légèrement Charlemagne. Il était très bon, très tendre, très naïf, très auguste. Il est vrai-saint, et je ne sais s'il y eut jamais plus grand roi. Il eut plus que saint Louis la conception du roi chrétien, et un génie bien supérieur. Il s'est beaucoup marié. Qu'est-ce que cela vous fait ? Si les saints n'avaient pas leurs petites faiblesses nous serions moins encouragés ! Pour moi, je l'admire de s'être si obstinément marié, étant si bien portant et si empereur. Sachez qu'un empereur est admirable de se marier facilement et de tuer difficilement. Car il est dans la nature humaine de se passer de l'un et de se passer l'autre".

  • Yes, indeed.

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