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"La destinée spirituelle de Poutine"

Ce titre est celui d’un article de Giles Fraser, publié sur UnHerd, dont voici une traduction. L’auteur est un pasteur anglican qui est président de "Inclusive Church" (qui milite pour l’inclusion des LGBT exclusivement, quoiqu’il ne soit pas pratiquant lui-même puisqu’il a été marié à une femme dont il a eu des enfants et dont il a divorcé pour se remarier avec une autre femme…) et il dut démissionner en 2011 de son poste de « chancelor » des chanoines de la cathédrale Saint-Paul pour avoir refusé d’entreprendre quoi que ce soit contre les gauchistes de Occupy London qui squattaient le parvis de la cathédrale. Inutile donc de préciser qu’il est viscéralement hostile à Poutine et à toute tradition. Ce qui rend son article (remarquablement informé) encore plus intéressant.

Menacé par un soulèvement de ses généraux déloyaux, l'empereur chrétien Basile II, installé dans la glorieuse cité de Byzance, tendit la main à ses ennemis, les païens du pays de la Rus. Basile II était un habile négociateur. Si Vladimir de la Rus l'aidait à réprimer la révolte, il lui offrait la main de sa sœur en mariage. Voilà qui changeait le statut de Vladimir : le mariage d'un païen avec une princesse impériale était sans précédent. Mais Vladimir devait d'abord se convertir au christianisme.

De retour triomphal à Kiev, Vladimir convoque la ville entière sur les rives du Dniepr pour un baptême de masse. Nous sommes en 988. C'est l'acte fondateur, emblématique du christianisme orthodoxe russe. C'est à partir de cet acte que le christianisme s'est répandu et a fusionné avec l'amour des Russes pour leur patrie, créant ainsi un puissant mélange de nationalisme et de spiritualité. Dans la mythologie de 988, c'est comme si le peuple russe tout entier avait été baptisé. Vladimir est déclaré saint. Lorsque l'empire byzantin est tombé, les Russes se sont vus comme son successeur naturel. Ils étaient une "troisième Rome".

Le communisme soviétique a essayé de briser tout cela, mais il a échoué. Et dans la période post-soviétique des milliers d'églises ont été construites et reconstruites. Bien que l'Occident pense au christianisme comme à quelque chose d’affaibli et en déclin, il est en plein essor à l'Est. En 2019, le patriarche Kirill, chef de l'Église orthodoxe russe, se vantait de construire trois églises par jour. L'année dernière a été ouverte une cathédrale pour les forces armées à une heure de Moscou. L'imagerie religieuse se confond avec la glorification militaire. Des médailles de guerre sont placées dans des vitraux, rappelant aux visiteurs le martyre russe. Dans une grande mosaïque, des victoires plus récentes - dont le « retour de la Crimée » en 2014 - sont célébrées. Ce n'est pas « Heureux les artisans de paix ».

Au cœur de ce renouveau post-soviétique du christianisme se trouve un autre Vladimir. Vladimir Poutine. Beaucoup de gens ne mesurent pas à quel point l'invasion de l'Ukraine est une quête spirituelle pour lui. Le baptême de la Rus est l'événement fondateur de la formation de la psyché religieuse russe, l'église orthodoxe russe fait remonter ses origines jusque-là. C'est pourquoi Poutine n'est pas tellement intéressé par quelques districts à tendance russe à l'est de l'Ukraine. Son objectif, terrifiant, est Kiev lui-même.

Il est né à Leningrad - une ville qui a repris le nom de son saint d'origine - d'une mère chrétienne fervente et d'un père athée. Sa mère l'a baptisé en secret, et il porte toujours la croix de son baptême. Depuis qu'il est devenu président, Poutine s'est présenté comme le véritable défenseur des chrétiens du monde entier, le leader de la Troisième Rome. Son bombardement incessant de Daech, par exemple, a été présenté comme la défense de la patrie historique du christianisme. Et il utilisera typiquement la foi comme un moyen de frapper l'Occident, comme il l'a fait dans ce discours en 2013 :

« Nous voyons que de nombreux pays euro-atlantiques rejettent réellement leurs racines, y compris les valeurs chrétiennes qui constituent la base de la civilisation occidentale. Ils renient les principes moraux et toutes les identités traditionnelles : nationales, culturelles, religieuses et même sexuelles. Ils mettent en œuvre des politiques qui assimilent les familles nombreuses aux partenariats entre personnes de même sexe, la croyance en Dieu à la croyance en Satan."

Poutine considère que son destin spirituel est la reconstruction de la chrétienté, basée à Moscou. Lorsque le groupe punk Pussy Riot a voulu manifester contre le président, il a choisi de le faire dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou, un vaste édifice blanc et or, démoli par les Soviétiques et reconstruit dans les années 90. Il s'agit d'une synthèse des aspirations nationales et spirituelles de la Russie. Ce n'est pas seulement la Russie, c'est la "Sainte Russie", à la fois projet religieux et extension de la politique étrangère russe. Parlant du baptême de masse de Vladimir, Poutine a expliqué :

« Son exploit spirituel consistant à adopter l'orthodoxie a prédéterminé la base globale de la culture, de la civilisation et des valeurs humaines qui unissent les peuples de Russie, d'Ukraine et de Biélorussie. »

Il veut refaire la même chose. Et pour ce faire, il a besoin du retour de Kiev.

« Le choix spirituel fait par saint Vladimir détermine encore largement nos affinités aujourd'hui », écrivait encore Poutine l'année dernière. « Pour reprendre les mots d'Oleg le Prophète à propos de Kiev, "qu'elle soit la mère de toutes les villes russes". »

À cette intensité religieuse, nous pouvons ajouter une hargneuse politique ecclésiastique. En 2019, la branche ukrainienne de la famille des Églises orthodoxes a déclaré son indépendance de l'Église orthodoxe russe - et le chef nominal de la famille orthodoxe, Bartholomée Ier de Constantinople, l'a soutenue. Le président ukrainien, Petro Porochenko, a décrit cette déclaration comme « une grande victoire de la pieuse nation ukrainienne sur les démons de Moscou, une victoire du bien sur le mal, de la lumière sur les ténèbres ».

L'Église orthodoxe russe a furieusement rejeté cette revendication d'indépendance, déclarant que l'Ukraine appartenait irrévocablement à son « territoire canonique ». Cela a entraîné une scission historique au sein de la famille orthodoxe, l'Église russe rejetant la primauté de Bartholomée et déclarant qu'elle n'était plus en communion avec le reste de la famille orthodoxe. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, a dénoncé Bartholomée comme étant un suppôt des Américains. Kirill a même affirmé que la transformation de Sainte-Sophie - à l'origine le siège mondial de l'orthodoxie - en mosquée en 2020 était « une punition de Dieu ». L'Église russe a ensuite procédé à la création de ses propres diocèses dans le monde, notamment en Afrique. « Ils descendent dans la rue avec des affiches disant Merci, Poutine ! Merci, patriarche Kirill ! », c'est ainsi que la machine de propagande de l'Église russe décrit la situation.

Le caractère central de l'Ukraine en général, et de Kiev en particulier, est tel dans l'imagination de l'Église russe qu'elle est prête à rompre l'alliance séculaire de l'orthodoxie. Encore et toujours, il s'agit de l'Ukraine, le site imaginé de l'Église mère de la Rus.

Cette complaisance de l'Église orthodoxe russe avec l'objectif politique d'une grande Russie est honteuse. Officiellement, du moins, ils font grand cas de l'affirmation selon laquelle ils restent en dehors de la politique. Mais cela n'a jamais été vrai. Dans l'ère post-soviétique, l'Église orthodoxe a été grassement récompensée, non seulement par un programme grandiose de construction d'églises soutenu par l'État, mais aussi par une implication dans des opérations commerciales lucratives, notamment l'importation de tabac et d'alcool pour une valeur de 4 milliards de dollars. En 2016, Krill a été photographié portant une montre Breguet de 30.000 dollars. Il a également appelé Poutine « un miracle de Dieu ». Lorsque Kirill dit « le Seigneur pourvoira », il pourrait facilement parler de ses seigneurs et maîtres au Kremlin. Peu d'Églises se sont vendues à l'État aussi complètement que l'Église orthodoxe russe.

L'année dernière, à l'occasion de l'anniversaire du baptême de la Rus, Kirill a prêché à son peuple, l'exhortant à rester fidèle à la conversion de Vladimir et au sang des martyrs orthodoxes. Il leur a dit d'aimer « notre patrie, notre peuple, nos gouvernants et notre armée ».

L'imaginaire laïque occidental ne comprend pas cela. Il regarde le discours de Poutine de l'autre soir et le décrit comme fou - ce qui est une autre façon de dire que nous ne comprenons pas ce qui se passe. Et nous montrons à quel point nous ne comprenons pas quand nous pensons qu'un tas de sanctions va faire une petite différence. Ce n'est pas le cas. « L'Ukraine est une partie inaliénable de notre histoire, de notre culture et de notre espace spirituel », a déclaré M. Poutine. C'est de cela qu'il s'agit, d'« espace spirituel » - une expression terrifiante ancrée dans plus de mille ans d'histoire religieuse russe.

Commentaires

  • Depuis 23 ans, nous avons surtout vu en Poutine un homme pragmatique, raisonnable et lent à la colère.
    Les "croisés", dans l'histoire, seraient plutôt dans le camp de ce Fraser : c'est cette "communauté internationale" qui œuvre à mettre un chaos luciférien dans les Etats, les sociétés, les familles et jusque dans le cerveau des individus.

  • Franchement, pour ma part, je sors du "Pour ou contre" et je prie comme nous l'a enseigné Jésus.
    Notre Père, délivre nous des criminels.
    Prase d'origine et centrale du Notre Père qui a été enlevée, je ne sais pourquoi ?

  • On touche ici à l'immense danger consistant à ne pas savoir distinguer l'appartenance nationale de l'appartenance religieuse, alors qu'il est louable de reconnaître et de soutenir l'héritage religieux et culturel des entités sociales et politiques. Dans ce contexte, une saine et juste sécularisation m'apparaît indispensable. Or, tandis que certains confondent l'unité nationale avec l'unité ecclésiale, d'autres bâtissent l'unité nationale sur la négation publique des héritages et appartenances religieux. Ainsi pourrait-on questionner ensemble l'orthodoxie ici décrite, l'islam, un certain intégrisme catholique récusant toute idée même juste de laïcité, laquelle résulte de la distinction des ordres naturel et surnaturel, pour une correcte appréhension et gestion des réalités politiques et sociales en tant que telles.

    Au fond, la vision ici décrite ne fait que prolonger la tentation d'adhérer à des eschatologies terrestres qui sacralisent des appartenances nationales par le moyen d'appartenances religieuses ou d'une adhésion à des principes et valeurs issus de dogmes laïcs. Si le roi de France était sacré par un évêque, sa légitimité résultait uniquement de l'appartenance à une famille. Si l'Etat moderne fut fondé sur le principe "cuius regio, eius et religio", les rois Henri IV et Louis XVI (1787) donnèrent un coup de canif à ce principe par des édits de tolérance touchant de très près à la question de l'appartenance et de l'identité nationales. Avant de consentir à la demande de Pie VI, Louis XVI hésitait à rejeter la Constitution civile du clergé au titre de sa charge politique au service de la paix civile en France. S'il a fini par le faire, c'est que ladite Constitution portait directement atteinte à l'institution divine de l'Eglise, ce qui n'était pas de sa compétence politique. Il existait donc en France une pratique difficile mais réelle de la distinction entre l'ordre socio-politique et la réalité religieuse issue de la foi, sans compter les conflits entre le roi et le Pape pendant le règne de Louis XIV.

    Au fond, une sortie pourrait consister à distinguer l'appartenance religieuse de l'appartenance nationale par le moyen de la reconnaissance partagée de la loi naturelle et de ses applications sociales. Mais, que ce soit en régime "russe", en régime libéral ou en régimes laïcistes, la question d'une raison commune fondée sur la nature des choses vient se heurter à des réflexes hérités de l'histoire des religions (protestantisme), des idées scientifiques (évolutionnisme), des idées juridiques (affirmation des droits de l'homme déconnectée d'une nature humaine), bref, de l'histoire culturelle des peuples (v. J. Ratzinger, L'Europe, ses fondements, aujourd'hui et demain [p.87-90 : Les présuposés du droit ; le droit, la nature, la raison], éd. Saint Augustin, 2005).

    L'article qui nous est donné va plus en profondeur qu'une simple accusation de folie ou d'attachement tardif de M. Poutine au communisme. Il vise directement une intrusion de la mystique en politique, avec sa double conséquence : l'hybris décisionnelle et la corruption des institutions religieuses. Ca fait quand même réfléchir.

    D'un autre point de vue, celui de la morale et du droit dans les relations internationales, je n'ai pu résister à consulter le Compendium de la DSE, aux n° 497-515, en particulier sur la guerre préventive, la légitime défense, le rôle propre d'institutions internationales (déjà louées par Pie XII). A la question des conditions de moralité viennent se surajouter des questions de circonstances des temps. D'abord, l'existence d'armes de destruction massive, avec des doctrines militaires différentes quant à l'usage du nucléaire tactique sur un théâtre classique d'opérations. Ensuite, l'incertitude relative à la réactivité de M. Poutine au regard de son maintien dans ses fonctions, de la stabilité de son pays dans le contexte des montées de l'islamisme et du communisme chinois, de l'effectivité de sanctions atteignant le coeur d'un Etat en même temps que d'autres.

    Je prie pour un retour à des négociation viriles qui préservent les communautés naturelles ET les entités fictives qui les contiennent dans une même unité politique. Comme ce n'est pas mon métier, je prie, parce que ça craint.

  • C'est la vision occidentale des choses, et d'un certain point de vue elle est préférable. Toutefois je ne vois pas où et quand l'Eglise romaine a condamné le fait que les sept premiers conciles oecuméniques ont été convoqués et présidés par l'empereur (ou un délégué).

  • Il y a plus viril que les négociations, ce sont les coups.

  • Par ailleurs, la "mystique" laïcarde / progressiste / mondialiste vaut bien celle religieuse.

  • Je prie pour la victoire totale de Poutine.

  • Moi aussi je prie pour que les européens retrouvent la Foi catholique et un rien de discernement pour bannir la propagande amerloque en voie de néant...

  • Du cinéma de propagande Russe ,
    mais pas seulement :
    https://www.youtube.com/watch?v=oKt7ww-61h4

  • Je ne l'ai pas vu. Il se fait un peu éreinter sur Allociné, mais c'est peut-être plutôt bon signe. Aucun rapport (quoique...), mais le meilleur film sur Stalingrad est celui de Joseph Vilsmaier (1993), un metteur en scène allemand. Il fait dans la nuance et la compassion pour les malheureux soldats allemands abandonnés sur place. C'est peut-être pour ça qu'on n'en a pas beaucoup parlé. J'avais fait moi-même les sous-titres pour mes élèves à partir de l'anglais.

  • À M. Daoudal. Moi non plus, je ne condamne pas par principe la convocation de conciles œcuméniques par l'empereur. Mais il faut apprécier ce phénomène dans le temps long, pour le contextualiser (Constantin avait donné aux évêques des moyens de déplacement pour le Concile de Nice), le relativiser, à l'égard de la constitution divine de l'Eglise et finalement du droit divin. C'est tout autre chose qu'un "point de vue occidental". C'est un développement doctrinal issu de la lutte des Papes pour énoncer et garantir la mission propre et le droit divin ou natif de l'Eglise catholique. De fait, si la révélation divine existait "ab initio", sa réception par l'Eglise devait s'affiner au cours de son histoire, sous l'effet d'événements ponctuels. On voit cela dans la fixation définitive du septénaire sacramentel, du canon des Écritures, de la doctrine de la vision béatifique dès le moment de la mort pour les enfants baptisés, etc. Voir aussi la question des empêchements de mariage (Synode de Pistoie, gallicanisme, josephisme) et surtout de l'élection/nomination des évêques (querelle des investitures, réforme grégorienne), dont la mise en pratique actuelle ne correspond pas à la doctrine catholique, sauf en de rares pays comme l'Italie (processus exclusivement ecclésial de A à Z, avec information seulement postérieure faite aux autorités publiques). Si les Empereurs de l'antiquité, ou Charlemagne, ou Clovis ont convoqué voire présidé avec d'heureux fruits des Conciles, il reste que cette pratique, contraire à la constitution divine de l'Eglise, devait se voir abrogée dans le contexte d'une affirmation (toujours actuelle) de l'Eglise comme société parfaite. Donc, la pratique dont vous parlez, et acceptée par les Pères des conciles, était parfaitement légitime. Tout aussi légitimement, au regard de la foi et du droit divin de l'Eglise, elle a pleine et nécessaire vocation à disparaitre. De droit divin, seul le Pontife romain dispose d'un pouvoir de gouvernement plénier, universel et immédiat sur toute l'Eglise, toutes les Églises, tous et chacun des fidèles (c.331) ; et ceci, non au détriment des diocèses ou des patriarcats et eparchies (qui disposent d'une autonomie plus grande dans leurs territoires), mais au service de leur unité à travers leur immanence mutuelle, entre elles et avec l'Eglise de Rome. La pratique romaine, passée où actuelle, est une autre chose, ce que j'accorde volontiers.

  • Poutine, on l'aimait bien pour les bonnes leçons qu'il donnait à l'Occident corrompu, ,mais aujourd'hui qu'espérer de lui, si ce n'est peut-être une petite carrière de collabo minable ? Je le vomis, lui et son impérialisme russe. S'il est vraiment chrétien, qu'il se repente.

  • Vous feriez mieux de vomir Biden, Macron and Co. On ne pardonne pas à Poutine d'avoir stoppé la subversion LGBT dans son pays et stoppé la criminelle intervention des occidentaux-sionistes en Syrie. L'impérialisme chinois sera mille fois pire que le prétendu impérialisme russe et les USA n'en ont cure...

  • C'est inévitable dès lors que la mystique se confond avec la politique et réciproquement, chacun s'exonerant de la médiation nécessaire de la raison (et du droit de la raison). Corrosif et occidental certes, mais incontournable. V. Benoît XVI, rencontre avec le Parlement et la British society, 17 septembre 2010, sur le rôle mutuellement purificateur de la foi et de la raison dans l'édiction de normes morales.

  • Si Poutine était un prince chrétien qui assistait à la messe tous les dimanches, ce serait une excellente nouvelle, à condition qu'il n'ait pas du christianisme une conception à la Ivan IV.
    Les princes chrétiens n'ont pas toujours été des hommes de paix. Ils ont souvent fait passer leur désir de puissance, de conquête, ou encore les considérations géostratégiques, avant le triomphe du Christ. Le génie politique d'un cardinal de Richelieu a permis à la France de devenir la première puissance européenne, mais à moyen terme l'affaiblissement de la Maison d'Autriche a-t-il aidé la catholicité européenne ? Poser la question, c'est y répondre.
    Nous vivons aujourd'hui dans un monde athée et il me semble parfaitement grotesque (Pardonnez-moi, cher Père Christian) de redouter que, chez Poutine, la mystique (chrétienne) ne se confonde avec la politique. Plût au Ciel qu'il en fût ainsi, car alors nous n'aurions rien à craindre des missiles Satan II et autres joyeusetés. Je ne crois pas qu'un Louis IX ou un Louis XIII eussent appuyé sur le bouton nucléaire.
    Nous avons eu deux guerres mondiales dans lesquelles il est bien difficile de départager les bons et les méchants. Encore que pour la Première, l'agressée (l'Autriche-Hongrie) ait été aussi la plus durement et injustement punie. Permettez-moi de croire que son veto à l'élection de l'affreux Rampolla n'y est pas pour rien. Comme disait quelqu'un, il y a le bon boucher (le vainqueur) et le mauvais boucher (le perdant).
    Et le monde est de plus en plus obscur et de plus en plus hypocrite... Et vous savez de quel côté sont les mystiques ?

  • Savez-vous qui a abrogé immédiatement le droit d'exclusive sitôt élu au Siège de Pierre ? Saint Pie X, par ailleurs défenseur de la conception de l'Eglise comme société parfaite (autosuffisante dans son ordre propre) et concepteur du CIC de 1917, oeuvre de codification réclamée par les Pères de Vatican I, sur le modèle considéré efficace du Code civil de Bonaparte. Vous devez aussi connaître les aléas relatifs à l'élection des évêques au temps de la réforme grégorienne ou pendant l'affaire de la régale entre Louis XIV et Innocent XI, avec la Déclaration gallicane de 1682. On ne manquera pas de relier ces affaires avec le régime des biens ecclésiastiques associant strictement les offices aux bénéfices, régime heureusement abrogé par Vatican II.

    Si des faits que vous indiquez ont pu être des évènements positifs dans l'histoire de l'Eglise, il reste que leur approbation de principe contrevient à la nature divine de l'Eglise, suivant laquelle l'élection des évêques s'opère par principe "a clero et populo". Si la forme de cette élection (étymologiquement = choix) a pu varier, notamment à l'égard des vénérables traditions orientales et même en Occident, le principe divin demeure, à savoir que l'Eglise et elle seule a, par Jésus Christ et par le Saint Esprit, compétence pour pourvoir à sa perpétuation. C'est pourquoi, toujours par principe, la distinction des pouvoirs doit prévaloir dans les moindres détails de la pratique, par reconnaissance mutuelle des domaines propres, garantie par des accords de droit public qui précisent les choses dans les domaines mixtes. Par exemple, l'État a compétence exclusive pour infliger des peines coercitives sur un plan "civil" (ex : la prohibition d'approcher des mineurs dans l'exercice du ministère de prêtre), tandis que l'Eglise a compétence exclusive pour déterminer le statut des personnes par application du droit pénal canonique (ex: le renvoi de l'état clérical). Comme il s'agit ici d'une matière mixte engageant deux sujets de droit et deux ordres juridiques distincts, la passation d'accords mutuellement respectueux de chacun (ex : la garantie en droit étatique du sceau de la confession) m'apparaît très souhaitable.

    Finalement, l'arrière-plan de mes propos consiste en une nette distinction des angles d'approche et des compétences juridiques respectives, distinction résultant d'une juste et nécessaire sécularisation par le moyen de la raison. Une fois encore, ma référence ultime est la relation mutuelle foi/raison énoncée et pratiquée par Benoît XVI. À mon sens, cette relation respectueuse prive de tout fondement la déduction de l'appartenance nationale depuis l'appartenance religieuse et la déduction de la charge temporelle du prince depuis son appartenance à l'Eglise, à peine de s'exonérer de la primauté de la raison dans la conduite de sa vie ou de la société politique. Je crois que Louis XVI avait compris cela à l'égard des protestants et des juifs, le mariage des protestants entre eux pouvant désormais se contracter devant un officier de justice. Cette position n'empêche nullement de travailler à l'imprégnation de la vie sociale par une culture catholique, ni de réprouver l'imprégnation de la vie sociale par une culture antinaturelle contraire à la la dignité des personnes humaines et à la raison qui est leur bien en partage. C'est donc réellement mais indirectement que l'on peut parler de la nature chrétienne d'une nation, de la fidélité de cette dernière à son baptême ou du caractère chrétien de son gouvernement. Je suis parfaitement conscient de la dérive antichrétienne et antinaturelle des gouvernements actuels en France, dérive qui contamine tant de personnes, fussent-elles de bons "cathos", sans compter les réalités sociales elles mêmes. Mais à cela conduit aussi une politisation de la mystique et une sacralisation de la politique.

  • Interdire l'exclusive fut même l'un des premiers actes de saint Pie X, ce qui prouve qu'il était moins bien renseigné que François-Joseph.
    Je ne sais pas s'il y a une sacralisation récente de la politique. Il y a une sacralisation de l'autorité, mais elle est aussi vieille que l'humanité. Ce qu'on sacralise dans la politique, ce sont les principes démocratiques hérités de l'Habeas Corpus, du Bill of Rights, de la Déclaration d'Indépendance des Etats-Unis ou encore des Droits de l'Homme. Curieusement d'ailleurs les peuples n'ont pas l'air de se rendre compte que ces principes ne sont plus appliqués nulle part et que les autorités qu'ils se figurent illusoirement avoir choisies les privent aussi de libertés si essentielles, si consubstantielles à l'individu humain, qu'aucun Phalaris, que nul Néron, que ni Hitler ni même Staline n'auraient jamais envisagé de les leur ôter !
    Quant à la politisation de la mystique, je parlerais plutôt d'une mystique des détenteurs du pouvoir. Deux siècles et demi de libéralisme ont permis à quelques dizaines de familles de s'accaparer la moitié de la richesse mondiale. Ces gens sont devenus fous. Ils se prennent pour des dieux et considèrent le reste de l'humanité comme leurs esclaves, sur lesquels ils peuvent faire toutes sortes d'expérience et dont ils pourraient réduire le nombre à volonté. Voilà où nous en sommes avec ces Droits de l'homme qu'on a voulu faire primer sur les Droits de notre Créateur.
    Je passe sur vos considérations juridiques asse techniques. Si vous voulez dire qu'il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, ce n'est guère contestable ; mais lorsque César s'en prend à Dieu et à la loi naturelle, lorsque sa mystique est ouvertement antichrétienne et sataniste, ce n'est plus d'une séparation qu'il s'agit mais d'une guerre ouverte. Et je trouve que c'est un peu enculer les mouches que d'aller reprocher à un dirigeant d'avoir (peut-être...) des convictions chrétiennes qui seraient susceptibles d'influencer sa politique. Dans les cas de Salazar et de Franco, ces convictions auront permis à leurs peuples de se tenir à l'écart de la Seconde Guerre mondiale.

  • L'exclusive n'est pas de droit, elle a toujours été considérée comme une indication, les cardinaux votant pour qui ils veulent. L'exclusive est portée à la connaissance des cardinaux qui sont seuls juges de savoir si elle est fondée ou non et après ils votent comme ils veulent. Le secrétaire du conclave de 1903 l'archevêque (consacré par Rampolla en 1900), Merry del Val, n'accepta pas l'exclusive autrichienne. Nommé secrétaire d'Etat par St Pie X juste après l'élection, c'est lui qui conseilla à St Pie X l'abrogation. Dans un monde où les gouvernants des pays ayant l'exclusive sont des pourris, il valait mieux l'abroger. Mais peut-être que cela nous aurait évité la calamité Bergoglio.

  • Pour ceux qui redoutent que Poutine soit un théocrate et une grenouille de bénitier, tempérons un peu avec Wiki :
    L' avortement est autorisé par la loi en Russie et pris en charge sur fonds publics :
    - sur demande de la femme, jusqu'à la 12e semaine de grossesse ;
    - de la 12e à la 22e semaine de grossesse en cas de viol ;
    - pendant toute la durée de la grossesse sur indication médicale.

  • "avec des doctrines militaires différentes quant à l'usage du nucléaire tactique sur un théâtre classique d'opérations" : vous voulez parler de l'usage tactique "préventif" d'armes nucléaires explicité par l'état-major des armées américaine ? (Cf audition publique au Sénat des Etats-Unis). Au contraire d'après Xavier Moreau, l'usage tactique d'armes nucléaires ne figure pas dans la doctrine russe.

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