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Saint Augustin

Et inde admonitus redire ad memet ipsum intravi in intima mea duce te et potui, quoniam factus es adiutor meus. Intravi et vidi qualicumque oculo animae meae supra eumdem oculum animae meae, supra mentem meam lucem incommutabilem, non hanc vulgarem et conspicuam omni carni nec quasi ex eodem genere grandior erat, tamquam si ista multo multoque clarius claresceret totumque occuparet magnitudine. Non hoc illa erat, sed aliud, aliud valde ab istis omnibus. Nec ita erat supra mentem meam, sicut oleum super aquam nec sicut caelum super terram, sed superior, quia ipsa fecit me, et ego inferior, quia factus ab ea. Qui novit veritatem, novit eam, et qui novit eam, novit aeternitatem. Caritas novit eam. O aeterna veritas et vera caritas et cara aeternitas! Tu es Deus meus, tibi suspiro die ac nocte. Et cum te primum cognovi, tu assumpsisti me, ut viderem esse, quod viderem, et nondum me esse, qui viderem. Et reverberasti infirmitatem aspectus mei radians in me vehementer, et contremui amore et horrore; et inveni longe me esse a te in regione dissimilitudinis, tamquam audirem vocem tuam de excelso: "Cibus sum grandium: cresce et manducabis me. Nec tu me in te mutabis sicut cibum carnis tuae, sed tu mutaberis in me". Et cognovi, quoniam pro iniquitate erudisti hominem et tabescere fecisti sicut araneam animam meam, et dixi: "Numquid nihil est veritas, quoniam neque per finita neque per infinita locorum spatia diffusa est?". Et clamasti de longinquo: "Immo vero ego sum qui sum". Et audivi, sicut auditur in corde, et non erat prorsus, unde dubitarem faciliusque dubitarem vivere me quam non esse veritatem, quae per ea, quae facta sunt, intellecta conspicitur.

Ainsi averti de revenir à moi, j’entrai dans le plus secret de mon âme, aidé de votre secours [parce que tu t’es fait mon aide, psaume 29]. J’entrai, et j’aperçus de l’œil intérieur, si faible qu’il fût, au-dessus de cet œil intérieur, au-dessus de mon intelligence, la lumière immuable ; non cette lumière évidente au regard charnel, non pas une autre, de même nature, dardant d’un plus vaste foyer de plus vifs rayons et remplissant l’espace de sa grandeur. Cette lumière était d’un ordre tout différent. Et elle n’était point au-dessus de mon esprit, ainsi que l’huile est au-dessus de l’eau, et le ciel au-dessus de la terre ; elle m’était supérieure, comme auteur de mon être ; je lui étais inférieur comme son ouvrage. Qui connaît la vérité voit cette lumière, et qui voit cette lumière connaît l’éternité. L’amour est l’œil qui la voit,

O éternelle vérité ! ô vraie charité ! ô chère éternité ! vous êtes mon Dieu (psaume 42) ; après vous je soupire, jour et nuit (psaume 2, Jérémie 9) ; et dès que je pus vous découvrir, vous m’avez soulevé (psaume 26), pour me faire voir qu’il me restait infiniment à voir, et que je n’avais pas encore les yeux pour voir. Et vous éblouissiez ma faible vue de votre vive et pénétrante clarté, et je frissonnais d’amour et d’horreur. Et je me trouvais bien loin de vous, aux régions souterraines [la région de la dissimilitude] où j’entendais à peine votre voix descendue d’en-haut (Jérémie 31,15) : « Je suis la nourriture des forts ; crois, et tu me mangeras. Et je ne passerai pas dans ta substance, comme les aliments de ta chair ; c’est toi qui passeras dans la mienne. »

Et j’appris alors que vous éprouviez l’homme à cause de son iniquité, et qu’ainsi vous aviez fait sécher mon âme comme l’araignée (psaume 38). » Et je disais : N’est-ce donc rien que la vérité, parce qu’elle ne s’étend, à mes yeux, ni dans l’espace fini, ni dans l’infini ? Et vous m’avez crié de loin : Erreur, je suis celui qui est (Exode 3) ! Et j’ai entendu, comme on entend dans le cœur, Et je n’avais plus aucun sujet de douter. Et j ‘eusse douté plutôt de ma vie que de l’existence de la vérité, « où atteint le regard de l’intelligence à travers les créatures visibles (Romains 1,20). »

Confessions, livre VII, ch. 10, traduction Moreau (1864).

  • Meilleure traduction de la référence à l’Exode : « Mais c’est moi qui suis Celui qui suis ! ». Le « de longinquo » qui précède fait référence au fils prodigue, de même que « in regione dissimilitudinis ». La traduction « régions souterraines » est très mauvaise. Car ce thème de la ressemblance et de la dissemblance est très important chez saint Augustin : plus on s’approche de Dieu plus on lui ressemble, plus on s’éloigne de lui pour aller vers les créatures et plus on est dissemblable de lui. (Il l’emprunte aux platoniciens.)

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