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Sainte Marthe

(...) Si nous voulons pénétrer plus avant le mystère des deux sœurs, observons que, bien que Marie soit la préférée, ce n’est pourtant point dans sa maison, ni dans celle de Lazare leur frère, mais dans la maison de Marthe, que l’Homme-Dieu nous est montré faisant séjour ici-bas avec ceux qu’il aime. Jésus, dit saint Jean, aimait Marthe, et sa sœur Marie, et Lazare : Lazare, figure des pénitents que sa miséricordieuse toute-puissance appelle chaque jour de la mort du péché à la vie divine ; Marie, s’adonnant dès ce monde aux mœurs de l’éternité ; Marthe enfin, nommée ici la première comme l’aînée de son frère et de sa sœur, la première en date mystiquement selon ce que disait saint Grégoire, mais aussi comme celle de qui l’un et l’autre dépendent en cette demeure dont l’administration est remise à ses soins. Qui ne reconnaîtrait là le type parfait de l’Église, où, dans le dévouement d’un fraternel amour sous l’œil du Père qui est aux cieux, le ministère actif tient la préséance de gouvernement sur tous ceux que la grâce amène à Jésus ? Qui ne comprendrait aussi les préférences du Fils de Dieu pour cette maison bénie ? L’hospitalité qu’il y recevait, toute dévouée qu’elle fût, le reposait moins de sa route laborieuse que la vue si achevée déjà des traits de cette Église qui l’avait attiré du ciel en terre.

Marthe par avance avait donc compris que quiconque a la primauté doit être le serviteur : comme le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir ; comme plus tard le Vicaire de Jésus, le prince des prélats de la sainte Église, s’appellera Serviteur des serviteurs de Dieu. Mais en servant Jésus, comme elle servait avec lui et pour lui son frère et sa sœur, qui pourrait douter que plus que personne elle entrait en part des promesses de cet Homme-Dieu, lorsqu’il disait : « Qui me sert me suit ; et où je serai, là aussi sera mon serviteur ; et mon Père l’honorera ». Et cette règle si belle de l’hospitalité antique, qui créait entre l’hôte et l’étranger admis une fois à son foyer des liens égaux à ceux du sang, croyons-nous que dans la circonstance l’Emmanuel ait pu n’en pas tenir compte, lorsqu’au contraire son Évangéliste nous dit qu’« à tous ceux qui le reçurent il a donné le pouvoir d’être faits enfants de Dieu ». C’est qu’en effet « quiconque le reçoit, déclare-t-il lui-même, ne reçoit pas lui seulement, mais le Père qui l’envoie ».

La paix promise à toute maison qui se montrerait digne de recevoir les envoyés du ciel, la paix qui ne va point sans l’Esprit d’adoption des enfants, s’était reposée sur Marthe avec une incomparable abondance. L’exubérance trop humaine qui d’abord s’était laissée voir dans sa sollicitude empressée, avait été pour l’Homme-Dieu l’occasion de montrer sa divine jalousie pour la perfection de cette âme si dévouée et si pure. Au contact sacré, la vive nature de l’hôtesse du Roi pacifique dépouilla ce qu’il lui restait de fébrile inquiétude ; et servante plus active que jamais, plus agréée qu’aucune autre, elle puisa dans sa foi ardente au Christ Fils du Dieu vivant l’intelligence de l’unique nécessaire et de la meilleure part qui devait un jour être aussi la sienne. Oh ! quel maître de la vie spirituelle, quel modèle ici Jésus n’est-il pas de discrète fermeté, de patiente douceur, de sagesse du ciel dans la conduite des âmes aux sommets !

Jusqu’à la fin de sa carrière mortelle, selon le conseil de stabilité que lui-même il donnait aux siens, l’Homme-Dieu resta fidèle à l’hospitalité de Béthanie : c’est de là qu’il partit pour sauver le monde en sa douloureuse Passion ; c’est de Béthanie encore que, quittant le monde, il voulut remonter dans les cieux. Alors cette demeure, paradis de la terre, qui avait abrité Dieu, la divine Mère, le collège entier des Apôtres, parut bien vide à ceux qui l’habitaient. L’Église tout à l’heure nous dira par quelles voies, toutes d’amour pour nous Gentils, l’Esprit de la Pentecôte transporta dans la terre des Gaules la famille bénie des amis de l’Homme-Dieu.

Sur les rives du Rhône, Marthe restée la même apparut comme une mère, compatissant à toutes misères, s’épuisant en bienfaits. Jamais sans pauvres, dit l’ancien historien des deux sœurs, elle les nourrissait avec une tendre sollicitude des mets que le ciel fournissait abondamment à sa charité, n’oubliant qu’elle-même, ne se réservant que des herbes ; et en mémoire du glorieux passé, comme elle avait servi le Chef de l’Église en sa propre personne, elle le servait maintenant dans ses membres, toujours aimable pour tous, affable à chacun. Cependant les pratiques d’une effrayante pénitence étaient ses délices. Mille fois martyre, de toutes les puissances de son âme Marthe la très sainte aspirait aux cieux. Son esprit, perdu en Dieu, s’absorbait dans la prière et y passait les nuits. Infatigablement prosternée, elle adorait régnant au ciel Celui qu’elle avait vu sans gloire en sa maison. Souvent aussi elle parcourait les villes et les bourgs, annonçant aux peuples le Christ Sauveur.

Avignon et d’autres villes de la province Viennoise l’eurent pour apôtre. Tarascon fut par elle délivré de l’ancien serpent, qui sous une forme monstrueuse perdait les corps comme au dedans il tyrannisait les âmes. Ce fut là qu’au milieu d’une communauté de vierges qu’elle avait fondée, elle entendit le Seigneur l’appeler en retour de son hospitalité d’autrefois à celle des cieux. C’est là qu’aujourd’hui encore elle repose, protégeant son peuple de Provence, accueillant en souvenir de Jésus l’étranger. La paix des bienheureux qui respire en sa noble image, pénètre le pèlerin admis à baiser ses pieds apostoliques ; et en remontant les degrés de la crypte sacrée pour reprendre sa route dans cette vallée d’exil, il garde, comme un parfum de la patrie, le souvenir de l’unique et touchante épitaphe : SOLLICITA NON TURBATUR ; zélée toujours, elle n’est plus troublée.

L’Année liturgique

Commentaires

  • Admirable Sainte Marthe. Chacun sa vocation, si Ste Marthe avait imité sa soeur le Christ et ses apôtres auraient crevé de faim ou auraient été obligés d'aller au troquet du coin, ou Jésus obligé d'une multiplication de pains et poissons quotidienne.

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