Extrait de l’Instruction préalable sur les psaumes.
Il convient de considérer aussi dans le psaume qui est à la huitième place la perfection de l’ogdoade, perfection qu’elle doit aux mystères célestes dans le psaume qui se trouve le huitième ; il lui est adjoint le titre : Pour les pressoirs, les pressoirs étant des récipients préparés pour recevoir les fruits nouveaux et la chaleur du moût qui fermente. Et ce nombre huit est destiné à percevoir les fruits évangéliques, une fois réformés les récipients éphémères de nos corps, selon l’ogdoade évangélique. La teneur même des paroles de ce même psaume huit l’atteste. La puissance (uirtus) de cette ogdoade est aussi comme contenue dans la puissance (uirtus) du psaume 6 et de son chiffre, où l’on prie pour l’octave. C’est la signification du nombre qui a fait qu’au psaume 6 se trouvait une prière pour l’octave, et qu’au psaume 8 fut ajouté le titre pour les pressoirs. Mais cette suscription des pressoirs se trouve par trois fois reprise. En effet, les psaumes huitième, quatre-vingtième et quatre-vingt-troisième ont ce titre pour que l’ordonnance (ordo) de cette parfaite béatitude se fondât sur des nombres parfaits ; il fallait cependant que le mystère de la Triade - qui pour nous se nomme Trinité -, fût enclos dans l’ogdoade simple et la décade de l’ogdoade.
Qui plus est, nous pouvons encore reconnaître cette perfection de l’ogdoade dans le psaume cent dix-huitième. En effet, chaque lettre de l’alphabet hébreu est répétée huit fois, en tête de huit versets. Mais la puissance (uirtus) même du psaume montre le sens relatif au mystère (sacramentum) de l’ogdoade. Or, dans ce psaume, il y a vingt-deux ogdoades. De fait, à chaque groupe de huit versets est assignée en tête une des lettres (hébraïques) ; la raison en est la suivante : comme le psaume conduit l’homme parfait à son achèvement, selon la doctrine évangélique, il fallait que nous fussions formés en suivant les vingt-deux lettres de l’alphabet hébreu, sous le signe sacré de l’ogdoade.
(…)
D’autre part, il est normal qu’à la suite de ce nombre multiple de huit, produit de vingt-deux ogdoades (celles du Ps 118), on considère le nombre qui le suit dans les quinze cantiques des Psaumes des degrés (Ps 119-133). Il fallait que ce « Cantique des degrés » constitue un ensemble de quinze psaumes obtenu à partir de deux nombres parfaits, à savoir l’hebdomade et l’ogdoade, c’est-à-dire les nombres sept et huit. Car, par l’observance de la Loi qui est fondée sur la septaine, et le progrès évangélique qui se trouve accompli dans le culte présent et dans l’attente espérée de l’ogdoade, on s’élève par ce Cantique des degrés aux choses célestes et éternelles. En effet, dans le Temple aussi, les princes des prêtres montaient dans le « Saint des saints » par ce nombre de degrés, de sorte que celui qui aurait parfaitement cru à la perfection et à la vérité de ce nombre de l’hebdomade et de l’ogdoade présent dans le Cantique des degrés, se verrait placé dans la perfection et la béatitude du « Saint des saints », puisque ni l’hebdomade de la Loi sans l’ogdoade des évangiles, ni l’ogdoade des évangiles sans l’hebdomade de la Loi, ne peuvent conduire l’homme à sa perfection.
Commentaires
Ce salmigondis gnostique est assez surprenant.
Je serais preneur d'une clarification !
Vous êtes sensible de l'ogdoade! Ce n'est pas parce que les gnostiques, selon saint Irénée, utilisaient ce terme, qu'il faudrait interdire de l'employer à saint Hilaire, confesseur de la foi de Nicée, un siècle et demi plus tard. Par exemple, quand il parle de l'ogdoade évangélique, il fait allusion aux huit (octo) béatitudes de Matthieu 5. La spéculation sur les chiffres bibliques est courante dans l'Antiquité. Nos exégètes historico-critiques modernes nous en ont détournés, et tant pis si nous avons perdu ainsi une richesse supplémentaire de signification du texte sacré.
Merci de votre réponse, Peter Butler.
Le mien était volontairement un peu provocateur - avec toute la dévotion que j'ai pour St Hilaire.
Si d'autres lecteurs érudits pouvaient apporter d'autres précisions sur cette thématique, je les lirais avec beaucoup d'intérêt.
Mieux vaut éviter d’employer en mauvaise part le mot « gnostique » quand on parle d’un père et docteur de l’Eglise.
Quelques éléments d’explication.
Le 6 est du point de vue arithmétique un « nombre parfait », parce qu’il est égal à la somme de ses diviseurs : 1+2+3. Il est aussi le produit des deux premiers nombres premiers, 2x3, et la somme des premiers nombres pairs, 0+2+4. Du point de vue mystique il est également parfait parce que le monde a été fait en 6 jours (et il a été « refait » par le Christ sur la Croix un 6e jour). Ces particularités, uniques, font qu’il est approprié pour annoncer « l’octave », selon le titre du psaume 6 : le 8 est le nombre du Christ (ressuscité le 8e jour après avoir promulgué les 8 Béatitudes). Et le psaume 8 est un psaume éminemment messianique. Les psaumes 80 et 83 ont le même titre (« pour les pressoirs », à savoir la Passion). Tous deux sont également messianiques, comme l’indique déjà leur numéro, et le dernier y inclut la Trinité (3), qui se trouvait déjà incluse dans le 6 (2x3). On retrouve la perfection messianique du 8 dans le psaume 118 composé de 22 strophes de 8 stiques.
(On peut ajouter, notamment, que le deuxième « nombre parfait » est le 28, or le psaume 28 – le 2 des deux natures et le 8 christique - est tout à fait étonnant : http://yvesdaoudal.hautetfort.com/archive/2014/07/08/le-psaume-28-5406929.html)
Eh bien merci, Yves Daoudal, de cette réponse éclairante.
J'aime beaucoup le côté fondamentalement réel de tout cela. Sans emphase particulière, je remarque que cette manière atteste d'un lien profond et oublié entre l'Homme, la Création et le Créateur.