Krzysztof Penderecki est mort. Il avait 86 ans. Il restera comme l’un des compositeurs majeurs du XXe siècle et du début du XXIe. Profondément croyant, il a composé une bonne partie de son œuvre sur des textes liturgiques. Sa musique était d'essence tragique, et il est mort le dimanche de la Passion...
Il fut l’une des têtes de file de l’avant-garde musicale d’après-guerre, avant d’évoluer peu à peu vers une musique plus compréhensible, volontairement plus accessible et plus sensible. Ce qui lui fut reproché par la mafia boulezienne qui régnait dictatorialement sur la vie musicale d’Europe occidentale. Il fut voué aux gémonies dès sa Passion selon saint Luc (1965), pourtant pleine encore d’éclats d’avant-garde, parce qu’il reprenait les codes traditionnels de la Passion et que la partition n’était pas uniment atonale.
Parmi ses œuvres majeures il y a cette Passion, son Requiem (dont l’Agnus Dei fut écrit la nuit de la mort du cardinal Wyszynski et interprété lors de ses funérailles) et son Credo. Et aussi ses concertos pour violon, pour alto (ou clarinette) et pour violoncelle. Et plusieurs de ses Symphonies. Il avait composé un Te Deum pour l’élection de Jean-Paul II.
C’est bien, bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton maître.
Il était aussi passionné de dendrologie, et avait créé dans le parc de sa maison près de Cracovie un important arboretum. Sa très belle et quelque peu impressionniste 8e symphonie est une suite de lieder sur des textes de grands poètes chantant les arbres et les jardins.
Extrait de mon article sur le Credo dans l'histoire de la musique, dans l'avant-dernier numéro d'Una Voce.
En 1998 Krzysztof Penderecki compose un Credo pour le festival Bach de l’Oregon. En fait on lui avait commandé une messe. Il avait commencé par le Credo, et il s’aperçut qu’il durait presque une heure : ce que devait durer la messe entière. Donc il en resta là. Ce Credo est une œuvre imposante, pour grand orchestre (plus quatre trompettes et trois trombones dans la salle), 4 percussionnistes, claviers, chœur, chœur de garçons, 5 solistes… Ce qui frappe d’emblée est son magnifique thème d’entrée, qui reviendra quatre fois, un thème émouvant et qui s’imprime dans la mémoire (ce qui n’est pas banal dans la musique contemporaine…). D’autre thèmes, plus brefs, retiennent également l’attention : Et incarnatus est, Crucifixus… Bien sûr. Et de beaux solos d’instruments à vent qui ponctuent l’œuvre. Chaque partie mériterait une analyse approfondie. Mais le Crucifixus tout particulièrement. Penderecki mêle au texte d’autres textes liturgiques, comme il l’avait déjà fait dans sa Passion selon saint Luc et dans son Requiem polonais (appelé ainsi parce qu’on y trouve un cantique polonais). Alors que l’alto solo, puis le chœur, n’ont chanté que le mot « Crucifixus », le chœur de garçons entonne la strophe « Crux fidelis », interrompue deux fois par le chœur puis les solistes qui reprennent le Crucifixus. Penderecki écrit alors sur sa partition : « Crucem tuam adoramus Domine ». Cette adoration de la Croix se manifeste d’abord par le refrain de l’office paraliturgique polonais du Carême (et des chemins de croix) Gorzkie Żale (Plaintes amères) : « Toi qui as souffert des blessures pour nous, aie pitié de nous. » Puis il y a le début des Impropères du Vendredi Saint : « Popule meus, quid feci tibi ? », puis la première strophe du Pange lingua, puis les quatre premiers vers des Impropères en polonais, avec en contrepoint le célèbre choral « Aus tiefer Not schrei ich zu dir » (De profundis en allemand), et un dernier « Popule meus »…
Le Resurrexit se termine quant à lui par une citation de l’Apocalypse : « Et septimus angelus… » : « Le septième ange sonna de la trompette, et des voix fortes se firent entendre dans le ciel ; elles disaient : L’empire de ce monde a été remis à Notre Seigneur et à son Christ, et il régnera dans les siècles des siècles. »
Dans la dernière partie, après « Ecclesiam » revient tout le début du Credo, pour souligner que c’est par l’Eglise que nous avons la foi. Puis la foi en la résurrection des morts est illustrée par l’hymne pascale Salve festa dies, et la vie éternelle par l’antienne Haec dies quam fecit Dominus, l’Alléluia étant chanté par le chœur de garçons.
Dans une interview, Penderecki disait alors : « Puisque je suis chrétien et que je compose en tant que chrétien, je devais écrire une autre œuvre religieuse majeure. On me considère comme un compositeur de musique sacrée. J’ai écrit de nombreuses œuvres religieuses. Si l’on regarde les autres compositeurs de notre époque, il n’y en a qu’un, Olivier Messiaen, qui ait écrit autant de musique sur des textes sacrés. C’est ma mission ! »
Commentaires
Merci cher yves de partager cette information et cet hommage parfaitement justifié au grand artiste, au grand patriote et au grand catholique qu était Penderecki.
Requiescat in pace
J'ai repris la revue Una Voce de novembre-décembre 2019 où dans le cadre d'un article sur "le Credo dans l'histoire de la musique" Yves Daoudal écrivait de celui de Penderecki : "Magnifique thème d'entrée, qui s'imprime dans la mémoire, ce qui n'est pas banal dans la musique contemporaine. (...) À la fin, après Ecclesiam, revient tout le début du Credo pour souligner que c'est par l'Eglise que nous avons la foi. Puis Resurrectionem mortuorum est illustrée par l'hymne pascale Salve festa dies, et la vie éternelle par l'antienne Haec dies, un Alleluia étant chanté par le choeur de garçons".
Je rappelle qu'exceptionnellement on peut lire le n° de mars-avril 2020 d'Una Voce sur ce blog à la date du 21 mars, avec un grand article de Daoudal sur sainte Gertrude.
Un compositeur est mort , mille musiciens naissent en Pologne : https://www.youtube.com/watch?v=8r1drIPOrfY
Il s'agit de la messe " Misericordias Domini ", du compositeur polonais Henrik-Jan Botor, pour le congrès " Pueri Cantores " , qui s'est tenu Cracovie , du 10 au 15 juillet 2007.
Voici ce compositeur : https://pl.wikipedia.org/wiki/Henryk_Jan_Botor & https://pwm.com.pl/en/kompozytorzy_i_autorzy/6058/henryk-jan-botor/index.html
A ne pas confondre avec : http://www.botor.com.pl/
Voici cette association : http://www.petits-chanteurs.com/index.php/fr/
Sur l'ordinateur , ça ne saute pas à l'oreille; c'est Robert Hillebrand , ancien directeur de la maîtrise de la cathédrale de Rennes
( http://maitrise-choeursdelacathedralederennes.e-monsite.com/pages/maitrise.html ), qui m'a fait découvrir ce thème majeur de la musique religieuse du 21ème siècle : un orgue , une maîtrise , et c'est toute la cathédrale qui s'enflamme .
On ne trouve l'équivalent qu'avec l'école estonienne ( https://www.youtube.com/watch?time_continue=180&v=b4NY3iXMBTc ) ou les répétitifs américains
( https://www.youtube.com/watch?time_continue=57&v=Tmgy5XrtlJQ ) .
En Grèce , bien entendu , l'immense Mikis Théodorakis : https://www.youtube.com/watch?v=l7wuRxbLbKE&index=2&list=RD459Iv_YwJfM
Ici ? " Boulez est à la musique , ce que le roundup est à l'agriculture biologique " : http://duteurtre.free.fr/guppy/articles.php?lng=fr&pg=39