Hier, l’Église nous remettait devant les yeux la certitude de la mort. Nous mourrons : la parole de Dieu y est engagée, et il ne saurait venir dans l’esprit à un homme raisonnable que sa personne puisse être l’objet d’une exception. Mais si le fait de notre mort est indubitable, le jour auquel il nous faudra mourir n’est pas moins déterminé. Dieu juge à propos de nous le cacher, dans les motifs de sa sagesse ; c’est à nous de vivre de manière à n’être pas surpris. Ce soir, peut-être, on viendra nous dire comme à Ézéchias : « Donne ordre aux affaires de ta maison ; car tu vas mourir ». Nous devons vivre dans cette attente ; et si Dieu nous accordait une prolongation de vie comme au saint Roi de Juda, il faudrait toujours en venir tôt ou tard à cette heure suprême, passé laquelle il n’y a plus de temps, mais l’éternité. En nous faisant ainsi sonder la vanité de notre existence, l’Église veut nous fortifier contre les séductions du présent, afin que nous soyons tout entiers à cette œuvre de régénération, pour laquelle elle nous prépare depuis bientôt trois semaines. Combien de chrétiens ont reçu hier la cendre sur la tête, et qui ne verront pas ici-bas les joies pascales ! La cendre a été pour eux une prédiction de ce qui doit leur arriver, avant un mois peut-être. Ils n’ont cependant pas entendu la sentence en d’autres termes que ceux qu’on a prononcés sur nous-mêmes. Ne sommes-nous pas du nombre de ces victimes vouées à une mort si prochaine ? Qui de nous oserait affirmer le contraire ? Dans cette incertitude, acceptons avec reconnaissance la parole du Sauveur qui est descendu du ciel pour nous dire : Faites pénitence ; car le Royaume de Dieu est proche.
Les saintes Écritures, les Pères et les Théologiens catholiques distinguent trois sortes d’œuvres de pénitence : la prière, le jeûne et l’aumône. Dans les lectures qu’elle nous propose, durant ces trois jours qui sont comme l’entrée du Carême, la sainte Église veut nous instruire sur la manière d’accomplir ces différentes œuvres ; aujourd’hui, c’est la prière qu’elle nous recommande. Voyez ce centurion qui vient implorer auprès du Seigneur la guérison de son serviteur. Sa prière est humble ; c’est du fond de son cœur qu’il se juge indigne de recevoir la visite de Jésus. Sa prière est pleine de foi ; il ne doute pas un instant que le Seigneur ne puisse lui accorder l’objet de sa demande. Avec quelle ardeur il la présente ! La foi de ce gentil surpasse celle des enfants d’Israël, et mérite l’admiration du Fils de Dieu. Ainsi doit être notre prière, lorsque nous implorons la guérison de nos âmes. Reconnaissons que nous sommes indignes de parler à Dieu, et cependant insistons avec une foi inaltérable dans la puissance et dans la bonté de celui qui n’exige de notre part la prière qu’afin de la récompenser par l’effusion de ses miséricordes. Le temps où nous sommes est un temps de prière ; l’Église redouble ses supplications ; c’est pour nous qu’elle les offre ; ne la laissons pas prier seule. Déposons en ces jours cette tiédeur dans laquelle nous avons langui, et souvenons-nous que si nous péchons tous les jours, c’est la prière qui répare nos fautes, et qui nous préservera d’en commettre de nouvelles.