« Si l’Esprit instruisait les Apôtres, on ne doit pas en conclure qu’ils n’eussent point à recourir au très suave magistère de Marie, dit Rupert. Bien plutôt, déclare-t-il, sa parole était pour eux la parole de l’Esprit lui-même ; elle complétait et confirmait les inspirations reçues par chacun de Celui qui divise ses dons comme il veut ». Et l’illustre évêque de Milan, saint Ambroise, rappelant le privilège du disciple bien-aimé à la Cène, n’hésite pas à reconnaître aussi dans l’intimité plus persévérante de Jean avec Notre-Dame, qui lui fut confiée, la raison de l’élévation plus grande de ses enseignements : « Ce bien-aimé du Seigneur, qui sur sa poitrine avait puisé aux profondeurs de la Sagesse, je ne m’étonne pas qu’il se soit expliqué des mystères divins mieux que tous autres, lui pour qui demeurait toujours ouvert en Marie le trésor des secrets célestes ».
Heureux les fidèles admis à contempler dans ces temps l’arche de l’alliance où, mieux que sur des tables de pierre, résidait et vivait la plénitude de la loi d’amour ! Tandis que la verge du nouvel Aaron, le sceptre de Simon Pierre, gardait près d’elle sa force verdoyante, à son ombre aussi la vraie manne des cieux restait accessible aux élus du désert de ce monde. Denys d’Athènes, Hiérothée, que nous retrouverons bientôt de compagnie près de l’arche sainte, combien d’autres, venaient aux pieds de Marie se reposer du chemin, s’affermir en l’amour, consulter le propitiatoire auguste où la Divinité s’était reposée ! Des lèvres de la divine Mère ils recueillaient ces oracles plus doux que le lait et le miel, pacifiant l’âme, ordonnant toute vie, rassasiant leurs très nobles intelligences des clartés des cieux. C’est bien à ces privilégiés du premier âge, que s’applique la parole de l’Époux achevant dans ces années bénies la moisson du jardin fermé qui fut Notre-Dame : J’ai moissonné ma myrrhe et mes parfums, j’ai mangé le miel avec son rayon, j’ai bu le vin avec le lait ; mangez, mes amis, et buvez ; enivrez-vous, mes très chers.
Comment s’étonner que Jérusalem, favorisée d’une si auguste présence, ait vu l’assemblée des premiers fidèles s’élever unanimement par delà l’observation des préceptes à la perfection des conseils ? Ils persévéraient d’une seule âme en la prière, louant Dieu en toute simplicité de cœur et allégresse, aimables à tous. Communauté fortunée, qui ne pouvait que présenter l’image du ciel sur la terre, ayant pour membre la Reine des cieux ; le spectacle de sa vie, son intercession toute-puissante, ses mérites plus vastes que tous les trésors réunis des saintetés créées, étaient la part de contribution que Marie apportait à cette famille bénie où tout était commun à tous, dit l’Esprit Saint. De la colline de Sion, cependant, l’Église a étendu ses rameaux sur toute montagne et sur toute mer ; la vigne du Roi pacifique est en plein rapport au milieu des nations : l’heure est venue de la laisser pour la durée des siècles aux vignerons qui doivent la garder pour l’Époux. Instant solennel, où va s’ouvrir une nouvelle phase dans l’histoire du salut. O vous qui habitez dans les jardins, les amis en suspens prêtent l’oreille ; faites-moi entendre votre voix. C’est l’Époux, c’est l’Église de la terre et celle des cieux, attendant de la céleste jardinière à qui la vigne doit d’avoir affermi ses racines un signal semblable à celui qui autrefois fit descendre l’Époux. Mais les cieux vont l’emporter aujourd’hui sur la terre. Fuyez, mon bien-aimé ; c’est la voix de Marie qui va suivre les traces embaumées du Seigneur son Fils, pour gagner les montagnes éternelles où l’ont précédée ses propres parfums.
Entrons dans les sentiments de la sainte Église, qui se dispose, par l’abstinence et le jeûne de ce jour de Vigile, à célébrer le triomphe de Marie. L’homme ne peut trouver quelque assurance à s’unir d’ici-bas aux joies de la patrie, qu’en se rappelant d’abord qu’il est pécheur et débiteur à la justice de Dieu. La tâche bien légère qui nous est imposée aujourd’hui le paraîtra plus encore, si nous la rapprochons du Carême par lequel les Grecs se préparent depuis le premier de ce mois à fêter Notre Dame.
L’Année liturgique