Le linguiste Christophe Rico vient de publier un nouveau texte passionnant et une nouvelle fois en décalage complet par rapport aux exégètes modernes, et en accord complet avec la tradition.
Il s’agit de la fameuse phrase « la vierge concevra », d’Isaïe, le mot hébreu étant alma. Pour TOUS les exégètes modernes, et donc dans TOUTES les traductions modernes (sauf la traduction liturgique qui a tout récemment repris « la vierge » pour éviter la contradiction avec la citation qu’en fait saint Matthieu- et aussi Segond 21, me fait-on remarquer), alma est une « jeune femme » - ce qui rend sans aucun intérêt la prophétie d’Isaïe puisque des jeunes femmes enceintes il y en a tout le temps – et la rend absurde puisque cette banalité est annoncée avec une grande solennité.
Christophe Rico prouve, par un travail inédit sur les textes hébraïques (et grecs et latins et syriaques), que « alma » veut bien dire « vierge », et précisément « adolescente vierge ». Et que saint Jérôme avait donc raison d’insister sur ce point et de défendre sa traduction, et que la tradition avait raison de dire comme lui. (Christophe Rico a même trouvé des textes de rabbins juifs du moyen âge – dont Rachi – qui admettent à leur corps défendant que « alma » implique la virginité, sachant qu’ils font ainsi un énorme cadeau aux chrétiens.)
Au passage, Christophe Rico montre que le texte massorétique de Proverbes 30,19, qui est incompréhensible, est mal vocalisé, et que, une fois encore, c’est saint Jérôme qui a raison, ou plutôt qui avait une version bien vocalisée permettant de comprendre l’enchaînement des idées et l’unité de la triple et quadruple sentence.
C’est un texte de 80 pages pas toujours facile à lire (et dont certains développements paraissent hors de proportion, notamment sur les titres des psaumes), mais pour quiconque s’intéresse à la question c’est désormais un texte fondamental.
Commentaires
Parmi les erreurs du modernisme condamnées par saint Pie X (décret Lamentabili du 3 juillet 1907) :
"Art. II. L'interprétation des Livres Saints par l'Église n'est sans doute pas à dédaigner ; elle est néanmoins subordonnée au jugement plus approfondi et à la correction des exégètes."
Il est donc certain qu'un exégète quel qu'il soit se trompe et nous trompe, s'il "pose des prémisses d'où il suit que les dogmes sont historiquement faux ou douteux" (ib. Art. XXIV)
Pardon : je devais écrire "proposition" plutôt qu'"article", puisque le décret aligne les affirmations qu'il condamne.
Merci cher yves
Je ne suis pas un expert mais je ne comprends pas que tant de catholiques accordent une telle confiance au texte massoretique qui ne date que du moyen âge.
Le passage en question (7, 14) est aussi dans la version de Qumrân, avec l'hébreu alma, même si le rouleau porte "On appelle" ou "ils appellent"...
Ce qui est d'ailleurs meilleur, car saint Joseph et la Très Sainte Vierge ont appelé leur enfant Jésus. Ce "on" ou ce "ils" désignent tous ceux qui l'ont reconnu pour Messie et Fils de Dieu.
Ce n'est pas un nouveau texte, il a été publié aux éditions du Cerf en 2013.
Ce n'est pas tout à fait exact : certaines traductions protestantes modernes indiquent "la jeune fille" (Bible du Semeur et La nouvelle Bible Segond) et une indique bien "la vierge" (Segond 21). Segond 21 et Nouvelle Bible Segond ont révisé de fond en comble la Bible Segond. Ce sont des travaux de la mouvance évangélique qui du point de vue exégétique rejoint votre position. Bon, je sais bien que vous nous considérez, nous les protestants, comme hérétiques mais je voulais vous le signaler ! Bien cordialement.
En effet. Je n'avais pas vérifié. D'autant que l'excellent outil qu'était "la référence biblique" ne fonctionne plus. "Segond 21" dit "la vierge". (Pour ce qui est de "la jeune fille" c'est insuffisant à notre époque où les jeunes filles ne le sont plus...)
Suite du commentaire : ceci dit, cela m'intéresse bcp ! Je viens de télécharger le document. J'ai eu un cours sur Almah et Parthena il y a des dizaines d'années !
Bonjour,
Avez-vous lu l'article de Rico sur Jn 1,1 ?
C'est intéressant : à l'heure où tout le monde traduit « tourné vers Dieu », il maintient la traduction « auprès de Dieu ».
Oui mais là il ne m'apprend rien...
Au sujet de Jn 1,1, vous avez donc une explication ?
J'ai peur de ne pas comprendre votre question. Je n'ai pas d'explication. Je me contente du texte tel qu'il est. En latin c'est traduit par "apud", et apud veut dire "auprès de". Comme je l'ai souvent souligné, les traducteurs de l'époque connaissaient mieux le grec et le latin (qu'ils parlaient) que nos spécialistes. Je pourrais seulement ajouter que "apud" peut vouloir dire aussi "chez", et j'aime bien "chez Dieu". Mais en grec on ne dit pas "pros" pour dire "chez", on dit "para"...
Merci Yves. Vous avez bien compris ma question et bien répondu.
En fait c'est un ancien article (2013) qui a été récemment posté sur academia.edu.