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Immense cæli conditor

L’hymne des vêpres du lundi, deuxième jour de la création. Traduction de Jean Racine (pour les Heures de Port Royal, Lemaître de Sacy n’ayant traduit que les hymnes des dimanches et fêtes).

Imménse cæli cónditor,
Qui mixta ne confúnderent,
Aquæ fluénta dívidens,
Cælum dedísti límitem,

Dieu infiniment grand, Créateur du ciel, pour éviter la confusion des éléments, vous avez séparé la masse des eaux, leur donnant comme limite, le firmament,

Grand Dieu, qui vis les cieux se former sans matière,
À ta voix seulement ;
Tu séparas les eaux, leur marquas pour barrière
Le vaste firmament.

Firmans locum cæléstibus
Simúlque terræ rívulis,
Ut unda flammas témperet,
Terræ solum ne díssipent:

Assignant leur place aux nuées du ciel en même temps qu'aux fleuves de la terre, afin de tempérer ainsi le feu des astres, por qu'ils ne brûlent pas la surface de la terre.

Si la voûte céleste a ses plaines liquides,
La terre a ses ruisseaux,
Qui, contre les chaleurs, portent aux champs arides
Le secours de leurs eaux.

Infúnde nunc, piíssime,
Donum perénnis grátiæ,
Fraudis novæ ne cásibus
Nos error átterat vetus.

Dieu très clément, répandez maintenant en nous le don de votre éternelle grâce, de peur que les artifices d'une nouvelle séduction ne nous fassent retomber dans nos égarements passés.

Seigneur, qu'ainsi les eaux de ta grâce féconde
Réparent nos langueurs ;
Que nos sens désormais vers les appas du monde
N'entraînent plus nos cœurs.

Lucem fides invéniat,
Sic lúminis jubar ferat;
Ut vana cuncta térreat,
Hanc falsa nulla cómprimant.

Que la foi trouve la lumière ; qu'elle en étende le lumineux rayonnement, pour abattre toutes les vanités ; que nulle erreur ne l'arrête dans son élan.

Fais briller de ta foi les lumières propices
À nos yeux éclairés :
Qu'elle arrache le voile à tous les artifices
Des enfers conjurés.

Præsta, Pater piíssime,
Patríque compar Unice,
Cum Spíritu Paráclito
Regnans per omne sæculum. Amen.

Accordez-nous cette grâce, Père très miséricordieux, ainsi que vous, Fils unique, égal au Père, qui, avec l'Esprit Consolateur, régnez à jamais. Ainsi soit-il.

Règne, ô Père éternel, Fils, sagesse incréée,
Esprit Saint, Dieu de paix,
Qui fais changer des temps l'inconstante durée,
Et ne changes jamais.

Commentaires

  • La schola de Kergonan semble composée d'américains ou autre, l'accent est très fort, non ?

  • Votre réaction est très intéressante. Avez-vous la possibilité de préciser quels sons en particulier vous font réagir ainsi ?

    J’en profite pour poser aussi la question suivante à la cantonade. Je précise que je ne connais rien du tout sur le grégorien.

    Pourquoi se fait-il que, si souvent, la prononciation des sons ou (celui de mots comme crux, Jésus) est avancée très nettement, devenant intermédiaire entre ou et le ü du français ? Pourquoi cette façon de faire ? Personnellement, je le perçois comme un maniérisme désagréable, confinant à l’afféterie. Suis-je le seul à réagir de la sorte ?

    Est-ce un fait uniquement des Français ?

  • Cette prononciation du "ou", je la perçois exactement comme vous. C'est une époque de Solesmes, et donc de l'école de Solesmes.

    Ce qui est curieux est que ce n'est pas ainsi dans les plus anciens enregistrements ni dans les plus récents de dom Gajard, qui fut le maître de choeur pendant... 55 ans.

    Mais ce n'était pas seulement Solesmes. Il y avait aussi Johnny Hallyday..

  • A Yves Daoudal :

    Merci de votre témoignage, qui me rassure pleinement. Je ne suis donc pas le seul à souffrir de cette prononciation bizarre, franchement artificielle.

    Sur cette page
    https://www.scholasaintmaur.net/la-prononciation-des-voyelles-en-chant-gregorien/
    on trouve, à propos de la prononciation du latin pour le grégorien des extraits de l’ouvrage Méthode pratique de chant grégorien selon les principes et la notation de l’édition Vaticane, par Dom Lucien David, 1912.

    J’y trouve ce passage absurde :

    « U. A le son ou. Former ce son dans l’arrière-bouche : avancer les lèvres le moins possible : bien écarter les maxillaires ».

    Pour le commenter dans cette petite exploration, je vais être obligé d’entrer dans un minimum de technicité, on voudra bien ne pas m’en tenir rigueur. Pour les symboles utilisés, voir :
    https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Alphabet_phonétique_international

    On sera charitable devant l’intérêt personnel que j’y prends, parce que j’ai entendu le latin ecclésiastique à l’italienne, j’ai appris le latin en 6ème avec une prononciation restituée (imparfaite), puis je suis passé dans des classes soit à prononciation à la française, soit à prononciation restituée (francisée) et, longtemps après, j’ai entendu un spécialiste prononcer le latin avec une restituée riche. Le latin à l’anglaise m’est également familier. Donc 5 variétés en tout. De quoi... perdre son latin.


    Dom David caractérise le [u] qu’il attend en latin (prononcé « à la romaine », selon l’usage ecclésiastique) en spécifiant trois traits. Malheureusement seul un sur trois est correct.

    Il est vrai que, pour la réalisation du [u] en question, le dos de la langue se place en arrière de la cavité buccale. Mais les deux autres recommandations sont stupéfiantes. Au moins du point de vue phonétique. Est-ce les maîtres de chant auraient un autre point de vue ? Je l’ignore. Mais si c’était le cas, on ne voit guère la raison.

    D’abord on se demande pourquoi diable on devrait « bien écarter les maxillaires ». En effet, le [u] étant une voyelle dite fermée (ou haute), le dos de la langue est en position haute, et comme la langue est solidaire de la mâchoire inférieure, celle-ci remonte aussi (par rapport à [o], par exemple). Si on suit dom Lucien David, on s’échine à associer deux mouvement contraire sans aucune raison. Cette gymnastique contre nature est absurde.

    Ensuite, pourquoi faudrait-il « avancer les lèvres le moins possible » ? La prononciation correcte du [u] exige l’inverse, elle exige au contraire une protrusion, un arrondissement des lèvres, une labialisation. Si on garde la position de la langue pour le [u] mais qu’on n’avance pas les lèvres, ainsi que l’exige dom David, alors on obtient la voyelle fermée postérieure non-arrondie [ɯ] (symbole de l’Alphabet Phonétique International, comme pour les autres). C’est une réalisation qu’on trouve en japonais, en coréen, etc., mais qui, pour du latin, paraît franchement exotique.

    Voici sur une vidéo (bonne, mais gâchée par une musique contre-productive, suivant les détectables conventions actuelles, passons) comment on prononce le phonème du japonais que nous translittérons par /u/, mais qui, phonétiquement, est précisément réalisé comme un [ɯ]. Observer les lèvres étirées, non arrondies, du locuteur japonais qui fait la démonstration.

    https://m.youtube.com/watch?v=02BZryMW018



    Au vu de ce qui précède, la lecture de dom Lucien David (1875-1955) me porte donc à m’interroger.

    Je croyais que la prononciation qui me gênait est à peu près une voyelle fermée arrondie et centrale, donc [ʉ], qui est intermédiaire entre la voyelle du français « tout » ([u]) et la voyelle du français « tu » ([y]). Ou alors un [ʏ] quelque peu postériorisé (ce [ʏ] s’entend en français du Québec).

    Mais peut-être que, en réalité, ce que ces moines produisent, ce ne serait pas tellement un [ʉ], mais plutôt une sorte de [ɯ].

    Ce [ɯ], au lieu de [u], résulterait de l’application scrupuleuse et malavisée de la recommandation bizarre de dom David figurant dans sa publication de 1912. Serait-ce donc lui qui serait à l’origine de cette pénible tradition phonétique ?

    Si c’était le cas, on se perd en conjectures sur la raison de cette préconisation de délabialisation. Dom David ne la donne pas. Il se contente d’affirmer brièvement que ça doit être comme cas et pas autrement. Il est très sûr de lui, et même maximaliste : avancer les lèvres *le moins possible*.

    J’ai le plaisir de lire exactement le contraire dans l’ouvrage du Père Michael de Angeles, The Correct Pronunciation of Latin According to Roman Usage, 1937. Il dit : «  U u (oo) is produced with the lips extended almost in the position of whistling ».

    http://www.ccwatershed.org/media/pdfs/12/07/05/19-20-13_0.pdf

    Voici une bonne prononciation ecclésiastique à l’italienne (encore une vidéo musicalisée, ce qui, pour un cours de phonétique, est particulièrement con...). Noter les [u] très francs.

    https://m.youtube.com/watch?v=UNCx0P9vwmI

  • Curmudgeon,
    Ma petite expérience des monastères et des prêtres tradis m'a fait entendre différents accents, selon les origines. Un américain, un anglais, un allemand prononce avec son accent propre. Je ne suis pas du tout expert, mais par rapport à l'hymne plus bas on perçoit une différence.
    Yves Daoudal semble dire que c'est voulu dans la formation au chant grégorien, si je n'ai pas mal compris, donc ce ne serait pas lié à l'accent du chanteur. Je reviens du Barroux ou il y a un prêtre américain dont l'accent ne déforme pas mais "orne" plutôt. A leur fondation, ils ont un diacre québecois qui chante très bien, mais sans son formidable accent de tous les jours.
    On m'a aussi parlé d'accents latins différents selon les écoles, je ne sais pas s'il s'agît de ça ou d'accents liés à l'origine des chanteurs.
    Mais je le redis, je n'y connais rien.
    Yves,
    Précisez à propos de Johnny Halliday ?

  • amûûûr tûjûûrs...

  • Il paraît qu'on est mieux assuré de la bonne prononciation du grec que de celle du latin.
    Les Angliches prononcent le latin comme si l'anglais avait toujours été la langue universelle.
    Si Jean-Philippe Smet avait fait carrière dans le grégorien, les problèmes de ses héritiers seraient déjà résolus.

  • On comprend bien que, selon sa langue maternelle, si on ne fait pas les efforts nécessaires, on va prononcer le latin ecclésiastique avec un accent national plus ou moins marqué. Ceci étant, malgré ce que disent les fatalistes, il est parfaitement possible de s’en débarrasser. Mais pour ça, il faut se persuader qu’il est vicieux de mal prononcer une langue quand on en fait un usage « professionnel ».

    Mais laissons cela, quoique cela concerne la question initiale de Robert. Mais question différait. En effet, la prononciation étrange du ou par certains chœurs (apparemment français) ne peut pas provenir d’un accent français. En français, on ne prononce pas le ou comme ça, sauf idiosyncrasie type Johnny Hallyday, comme noté par Yves Daoudal (Laurent Gerra a eu de beau succès avec son imitation caricature de JH). Ce n’est donc pas du tout un accent français qui produit ce résultat désagréable (pour moi en tout cas). Ce que pourrait produire par exemple un accent français, c’est un r non roulé. Là, nous sommes en présence d’un micro-phénomène tératologique.

  • Ça m’intéresserait de savoir qui dit qu’on connaît mieux la prononciation du grec de Platon que celle du latin de Cicéron. On en sait pas mal sur les deux, même si, évidemment, persistent quelques incertitudes. Sans compter ce qu’on ignorera toujours, les contours intonatifs. On en sait encore plus sur le sanskrit, car les Indiens avaient des phonéticiens hors pair.

  • Vous avez raison de parler de Cicéron, que les puristes doivent appeler Kikéro. Pour le Salve Regina, j'ai toujours entendu chanter à l'église "o doultchis Virgo Maria". Il faudrait sans doute prononcer "o doulkis", ce qui est beaucoup moins doux. Et quand j'apprenais le latin, au début du XVIIIe siècle, les enseignants spécialistes d'Astérix ne savaient pas trop si l'on devait prononcer Petibonom ou Petibonoum. Les hellénistes, que j'ai fréquentés d'assez loin il est vrai, étaient peut-être trop sûrs d'eux à cause d'Erasme, qui, s'étant trompé sur tout avec une assurance apodictique, se trompait sûrement sur la prononciation..

  • "Là, nous sommes en présence d’un micro-phénomène tératologique."
    Tératologique ? Comme vous y allez, pour un "micro"-phénomène...

  • Pour le grec, oublions Érasme. En vertu d’une tradition un peu comique, les hellénistes français persistent dans leur utilisation d’une prononciation absurde et incohérente, qui ne correspond ni au grec de Platon, ni à la koinē, ni au byzantin, ni au grec moderne.

    Quant à la prononciation du latin pour la musique sacrée, elle n’a pas à mimer celle de Cicéron, elle reflète une prononciation postérieure, qui a sa légitimité propre. Ce sont les Italiens qui en produisent la meilleure version.

  • Voici le Rorate caeli chante avec le son ou bizarre dont j’ai parlé. C’est extrême. On l’entend tout de suite, vu Ue la première phrase accumule 5 fois à la suite le phonème /u/.

    https://m.youtube.com/watch?v=FXlHU5RuLcI

    Autre catastrophe française :

    https://m.youtube.com/watch?v=vWEcLReRvc4

    Ces dominicains anglais ne sont pas fameux non plus :

    https://m.youtube.com/watch?v=Rhf8ideKiYs

    Ces dominicains irlandais produisent de bons /u/, mais ont un accent anglais détectable sur les occlusives.

    https://m.youtube.com/watch?v=1pyF2aFMI_4

    Bons /u/ chez ces Allemands :

    https://m.youtube.com/watch?v=YhtUoUqCPuw

    Bons /u/ chez ces Néerlandais :

    https://m.youtube.com/watch?list=RDSxyRVSInZhk&v=SxyRVSInZhk

    Quand j’entends la prononciation loufoque qui sévit chez tant de Français, je fuis. Pour moi, cette minauderie sonne faux. Qui aura le courage de dire à ces moines qu’ils font fausse route ?

    On trouvera facilement le Rorate caeli prononcé correctement, en plus de ceux que j’ai mentionnés plus haut.

    Par exemple chez ces Italiens :

    https://m.youtube.com/watch?v=N9a6LGIOBAU

    https://m.youtube.com/watch?v=FXlHU5RuLcI

    Chez ces Français :

    https://m.youtube.com/watch?v=y6hZbScdH_c

    Chez ces bénédictins polonais de Tyniec :

    https://m.youtube.com/watch?v=2ZwC-d4iXz8

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