Avant que Jean Gualbert ait l’honneur des autels, on fêtait ce jour les saints martyrs Nabor et Félix (dont on fait toujours mémoire). Quoique nés en Afrique et morts à Lodi (en 303), ils sont des « martyrs de Milan », où ils vivaient. Saint Ambroise a parlé d’eux dans une des plus belles pages de son commentaire de saint Luc :
Apprécions maintenant, d’après la nature du sénevé, quelle est la portée de la comparaison. Son grain est à coup sûr chose commune et simple; vient-on à le broyer, il répand sa vigueur. De même la foi semble simple de prime abord; mais, foulée par l’adversité, elle répand le bienfait de sa vertu, de manière à pénétrer aussi de son parfum ceux qui entendent ou qui lisent. Grain de sénevé, nos martyrs Félix, Nabor et Victor. Ils avaient le parfum de la foi, mais on les ignorait. Vint la persécution : ils déposèrent les armes, tendirent le cou, et, abattus par le glaive, répandirent par tous les confins du monde la beauté de leur martyre, si bien qu’on est en droit de dire : “Leur écho s’est propagé sur toute la terre”, Ps 18,5.”
Et bien entendu saint Ambroise composa un office propre de la fête qu’il institua, et qui est une solennité du bréviaire et du missel ambrosiens. Voici l’hymne des vêpres, avec une traduction en vers, fort habile, trouvée ici sans mention de l’auteur ou d’une source. Il est curieux que l’hymne commence par un « Victor » que l’on trouve aussi dans un verset (et dans le commentaire de saint Luc) mais ni dans la légende des matines ni dans l'intitulé ni dans les quatre oraisons de la fête…
Victor Nabor Felix pii
Mediolani martyres,
Solo hospites, Mauri genus
Terrisque nostris advenae,
Saints Victor, Nabor et Félix
Les pieux martyrs de Milan,
Sont nos hôtes, de race Maure,
Des étrangers sur notre terre:
Torrens harena quos dedit
Anhela solis aestibus,
Extrema terrae finium
Exulque nostri nominis.
Don venu du sable brûlant
Haletant sous les feux solaires,
Aux derniers confins de la terre,
Exilé loin de notre nom.
Suscepit hospites Padus
Mercede magna sanguinis,
Sancto replevit spiritu
almae fides ecclesiae,
Le Pô les accueillit en hôtes,
Riche salaire de leur sang;
La foi de l’Eglise leur mère
Les a remplis du Saint-Esprit;
Et se coronavit trium
Cruore sacro martyrum
Castrisque raptos impiis
Christo sacravit milites.
Mais elle, s’étant couronnée
Du sang sacré des trois martyrs
Arrachés à un camp impie,
Les consacra soldats du Christ.
Profecit ad fidem labor
Armisque docti bellicis
Pro rege uitam ponere,
Decere pro Christo pati,
Leurs travaux ont servi leur foi:
Instruits dans les armes guerrières
À risquer leur vie pour le prince,
À devoir souffrir pour le Christ,
Non tela quaerunt ferrea,
Non arma Christi milites;
Munitus armis ambulat
Veram fidem qui possidet.
Point ne cherchent de traits de fer,
Point d’armes, les soldats du Christ;
Il marche équipé de ses armes
Celui qui détient la vraie foi.
Scutum viro sua est fides
Et mors triumphus, quem invidens
Nobis tyrannus ad oppidum
Laudense misit martyres.
Sa foi est bouclier du brave,
La mort son triomphe; un tyran
Qui nous l’enviait les envoya
Subir le martyre à Lodi.
Sed reddiderunt hostias;
Rapti quadrigis corpora,
Revecti in ora principium
plaustri triumphalis modo.
Mais on a rendu ces victimes:
Leurs corps, enlevés en quadriges,
reviennent sous les yeux des princes
comme sur un char de triomphe.
Patri simulque Filio
Tibique Sancte Spiritus,
Sicut fuit sit jugiter
Saeclum per omne gloria.