Confitébor tibi, Dómine, in toto corde meo : retríbue servo tuo : vivam, et custódiam sermónes tuos : vivífica me secúndum verbum tuum, Dómine.
Seigneur, je vous célébrerai de tout mon cœur. Bénissez votre serviteur : je vivrai, et je garderai vos paroles. Faites-moi vivre selon votre parole, Seigneur.
L’antienne d’offertoire de la messe paraît « décalée ». Alors que toute la liturgie du temps de la Passion est tournée vers… la Passion du Seigneur et résonne de ses plaintes empruntées à Jérémie et aux psaumes les plus sombres, cet offertoire est ouvertement clair et joyeux, et il l’est d’un bout à l’autre.
Il y a deux explications à cette apparente incongruité. La première est que, quelle que soit la substance tragique de la liturgie, la perspective céleste n’est jamais fermée, la résurrection est toujours présente, la joie du salut n’est jamais gommée. En témoigne la première antienne de la troisième partie de la liturgie du vendredi saint : « Nous adorons ta croix, Seigneur, et nous louons et glorifions ta sainte Résurrection, car voici, par le bois de la croix la joie est venue dans le monde entier. » La deuxième explication est que cette antienne reprend et prolonge remarquablement le propos de Jésus dans l’évangile. « Si quelqu’un garde ma parole, il ne verra jamais la mort », dit le Christ aux juifs qui répètent le propos pour le contester. Et l’antienne d’offertoire dit la même chose dans l’ordre inverse : « Je vivrai, et je garderai tes paroles, donne-moi la vie selon ta parole » : c’est le Christ qui parle par la bouche du psalmiste, mais le Christ donnera aussi la vie à ceux qui garderont sa parole. Les juifs auraient dû penser au psaume avant de contester un propos qui explicite un de leurs propres textes sacrés. Et l’on remarque la beauté particulière de la mélodie qui savoure « vivam ».
Cela était renforcé au moyen âge, quand l’offertoire avait ses deux versets. Le premier était en effet (logiquement, mais la logique fait bien les choses) composé des deux premiers versets du psaume :
Beati immaculati in via : qui ambulant in lege Domini.
Beati, qui scrutantur testimonia eius: in toto corde exquirunt eum.
Bienheureux sont qui sont immaculés sur la voie, qui marchent dans la loi du Seigneur. Bienheureux ceux qui scrutent ses témoignages, qui le cherchent de tout leur cœur.
Avec une exubérante vocalise sur le premier Beatus (où l'on remarque que le copiste avait laissé un grand espace entre Bea- et -ti mais qui n'était pas suffisant pour mettre toutes les notes...) :
Et le second verset était composé d’expressions tirées d’autres versets du même psaume, soulignant le même message :
Viam veritatis elegi, da mihi intellectum et scrutabor legem tuam: et custodiam illam in toto corde meo: inclina cor meum in testimonia tua et non in avaritiam: in via tua vivifica me, judicia enim tua jucunda: deprecatus sum vultum in toto corde meo quia dilexi legem tuam.
J’ai choisi la voie de la vérité, donne-moi l’intelligence, et je méditerai ta loi : et je l’observerai de tout mon cœur : incline mon cœur à tes révélations et non pas à la cupidité : en ta voie vivifie-moi, car tes jugements sont agréables : j’ai imploré ton visage de tout mon cœur, car j’ai aimé ta loi.