Dómine, convértere, et éripe ánimam meam : salvum me fac propter misericórdiam tuam.
Revenez à moi, Seigneur, et sauvez mon âme ; délivrez-moi à cause de votre miséricorde.
Le bref chant d’offertoire de ce dimanche passe presque inaperçu. En 6e mode, ce qui est très rare, il reste comme collé à sa tonique, le fa. Il n’en bouge presque pas, et quand il s’en éloigne, sur « propter », mot qui se trouve ainsi le plus souligné de tous (tu me sauveras parce que tu es miséricordieux), il y revient juste après pour une broderie sur le fa illustrant la miséricorde.
Avant le cruel élagage de saint Pie V, cet offertoire était comme un répons, avec deux versets (ce qui était le plus courant) :
1. Domine, ne in ira tua arguas me: neque in furore tuo corripias me.
Seigneur, ne me reprenez pas dans votre courroux, et ne me punissez pas dans votre indignation.
2. Miserere mihi, Domine, quoniam infirmus sum : sana me, Domine, quoniam conturbata sunt omnia ossa mea.
Ayez pitié de moi, Seigneur, car je suis sans force, Seigneur : guérissez-moi, Seigneur, parce que tous mes os sont troublés.
On constate que si le premier verset reste presque entièrement dans les mêmes limites, avec toutefois un beau mélisme de départ sur « Domine » (la révérence sur le nom du Seigneur) et une pointe si-do sur « ira » (la colère qui monte !), le second en revanche s’établit en 5e mode, ce qui permet à la mélodie de s’envoler, d’abord sur « Domine », bien sûr, puis sur « ossa » en une très longue vocalise. Et après chaque verset on revient au refrain de l’antienne de départ : Sauve-moi à cause de ta miséricorde.
Dans les anciens manuscrits, où se trouvent ces deux versets, cet offertoire est soit assigné à ce dimanche, soit plus souvent au lundi de la cinquième semaine de carême, parfois aux deux.
Je ne connais pas d’autre enregistrement que celui de la Schola Hungarica sous la direction de son chef László Dobszay. Un personnage que je trouve déconcertant. Il était d’une parfaite lucidité sur la destruction de la liturgie latine, dont il montrait que le premier acte avait été la révolution du bréviaire par saint Pie X, mais il interprétait le plain chant de façon résolument moderne, certes non sans élégance, mais en brisant le souffle, l’élan, pour aligner des formules toutes mises sur le même plan. C’est pourquoi je ne mets jamais ses interprétations sur mon blog. D’autant que, bien entendu, il établit sa propre partition, qui ne correspond pas à celle des livres officiels. On remarquera aussi qu’elle ne correspond pas davantage à celle du graduel du XIIe siècle conservé à Porrentruy. (Toutefois on conviendra que son interprétation est en phase avec la composition de Palestrina qui suit.)
Commentaires
Ce n'est pas la fète du Saint Sacrement?
La fête du Très Saint Sacrement, ou Fête-Dieu (ainsi curieusement appelée en France), était une fête de précepte (férié) instituée au premier jeudi après la fête de la Sainte Trinité par le pape Urbain IV en 1264.
L'Office et le Propre ont été composé par Saint Thomas d'Aquin.
A la signature du Concordat (1802), cette fête a perdu sa qualité de précepte en France.
Aussi, la solennité en a été transférée au dimanche suivant dans le missel de Saint Pie V et Saint Pie X.
"Fête Dieu" n'est pas une expression "curieuse", mais profondément catholique. Elle fait surtout référence à la procession, où l'on fête Dieu présent dans l'ostensoir, sous son dais royal, en lui jetant force pétales de fleurs et volutes d'encens.
Où trouvez-vous les versets de l'offertoire? ce n'est pas, visiblement, dans un livre d'avant st Pie V. Est-il permis de chanter ces versets à la messe?
En espérant qu'il n'est rien arrivé de fâcheux à notre cher Daoudal....
La page de graduel que je reproduis date de quatre siècles avant saint Pie V.
Le texte se trouve aussi sur Grégorien Info, avec de nombreuses références:
http://gregorien.info/chant/id/2264/5/fr
et avec le chant dans l'Offertoriale de Karl Ott (1935)
http://www.gregorianbooks.com/gregorian/pdf/CMAA/1935_Offertoriale.pdf
via Gregorian Books
http://www.gregorianbooks.com/propers.html#p2
Sur le plan strictement juridique je suppose que ce n'est pas permis, mais je ne vois pas qui pourrait reprocher aujourd'hui à une schola de les chanter (plutôt qu'un cantique idiot pour meubler la suite de l'offertoire)... Et je vois qu'à Saint-Eugène à Paris on chante allègrement des séquences supprimées, des kyrie tropés, etc. Et c'est très bien.