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Saint Paul premier ermite

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… Et alors, s'étant embrassés à diverses fois, ils se saluèrent et se nommèrent tous deux par leurs propres noms. Ils rendirent ensemble grâces à Dieu; et, après s'être donné le saint baiser, Paul, s'étant assis auprès d'Antoine, lui parla en cette sorte :

« Voici celui que vous avez cherché avec tant de peine, et dont le corps flétri de vieillesse est couvert par des cheveux blancs tout pleins de crasse; voici cet homme qui est sur le point d'être réduit en poussière; mais, puisque la charité ne trouve rien de difficile, dites-moi, je vous supplie, comment va le monde : fait-on de nouveaux bâtiments dans les anciennes villes? qui est celui qui règne aujourd'hui ? et se trouve-t-il encore des hommes si aveuglés d'erreur que d'adorer les démons? »

Comme ils s'entretenaient de la sorte ils virent un corbeau qui, après s'être reposé sur une branche d'arbre, vint de là, en volant tout doucement, apporter à terre devant eux un pain tout entier. Aussitôt qu'il fut parti Paul commença à dire : « Voyez, je vous supplie, comme Dieu, véritablement tout bon et tout miséricordieux, nous a envoyé à dîner. Il y a déjà soixante ans que je reçois chaque jour de cette sorte une moitié de pain; mais depuis que vous êtes arrivé Jésus-Christ a redoublé ma portion, pour faire voir par là le soin qu'il daigne prendre de ceux qui, en qualité de ses soldats, combattent pour son service. »

Ensuite, ayant tous deux rendu grâces à Dieu, ils s'assirent sur le bord d'une fontaine aussi claire que du cristal, et voulant se déférer l'un à l'autre l'honneur de rompre le pain, cette dispute dura quasi jusqu'à vêpres, Paul insistant sur ce que l'hospitalité et la coutume l'obligeaient à cette civilité, et Antoine la refusant à cause de l'avantage que l'âge de Paul lui donnait sur lui. Enfin ils résolurent que chacun de son côté, prenant le pain et le tirant à soi, en retiendrait la portion qui lui demeurerait entre les mains. Après, en se baissant sur la fontaine et mettant leur bouche sur l'eau, ils en burent chacun un peu, et puis, offrant à Dieu un sacrifice de louanges, ils passèrent toute la nuit en prières.

(….)

Le bienheureux Antoine contait, depuis, qu'il acheva avec tant de vitesse ce qui lui restait de chemin qu'il semblait qu'il eût des ailes, et non sans sujet puisque, étant entré dans la caverne, il y vit le corps mort du saint qui avait les genoux en terre, la tête levée et les mains étendues vers le ciel. Il crut d'abord qu'il était vivant et qu'il priait, et se mit de son côté en prières; mais, ne l'entendant point soupirer ainsi qu'il avait coutume de le faire en priant, il s'alla jeter à son cou pour lui donner un triste baiser, et reconnut que par une posture si dévote le corps de ce saint homme, tout mort qu'il était, priait encore Dieu auquel toutes choses sont vivantes.

Ayant roulé et tiré ce corps dehors, et chanté des hymnes et des psaumes selon la tradition de l'Eglise catholique, il était fort fâché de n'avoir rien pour fouiller la terre, et pensant et repensant à cela avec inquiétude d'esprit, il disait : « Si je retourne au monastère il me faut trois jours pour revenir, et si je demeure ici, je n'avancerai rien : il vaut donc beaucoup mieux que je meure et que, suivant votre vaillant soldat, ô Jésus-Christ, mon cher maître, je rende auprès de lui les derniers soupirs. »

Comme il parlait ainsi en lui-même, voici deux lions qui, sortant en courant dis fond du désert, faisaient flotter leurs longs crins dessus le cou. Ils lui donnèrent d'abord de la frayeur, mais, élevant son esprit à Dieu, il demeura aussi, tranquille que s'ils eussent été dés colombes, lis vinrent droit au corps du bienheureux vieillard, et, s'arrêtant là et le flattant avec leurs queues, ils se couchèrent à ses pieds, puis jetèrent de grands rugissements pour lui témoigner qu'ils le pleuraient en la manière qu'ils le pouvaient. Ils commencèrent ensuite à gratter la terre avec leurs ongles, en un lieu assez proche de là, et, jetant, à l'envi le sable de côté et d'autre, firent une fosse capable de recevoir le corps d'un homme; et aussitôt après, comme s'ils eussent demandé récompense de leur travail, ils vinrent, en remuant les oreilles et la tête basse, vers Antoine, et lui léchaient les pieds et les mains. Il reconnut qu'ils lui demandaient sa bénédiction, et soudain, rendant des louanges infinies à Jésus-Christ de ce que même les animaux irraisonnables avaient quelque sentiment de la divinité, il dit : « Seigneur, sans la volonté duquel il ne tombe pas même une seule feuille des arbres ai le moindre oiseau ne perd la vie, donnez à ces lions ce que vous savez leur être nécessaire ; » et après, leur faisant signe de la main, il leur commanda de s'en aller.

Saint Jérôme, Vie de saint Paul ermite

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Commentaires

  • Il est intéressant de voir que déjà à l'époque de st Jérôme, on parlait de "l'Eglise catholique". J'aurais pensé que, si l'adjectif figurait déjà dans le credo de Nicée, on ne l'a employé comme épithète qu'après le schisme orthodoxe.
    Si quelqu'un sait des choses plus précises sur l'hsitoire de cette appellation... Mais peut-être qu'ici l'adjectif n'a que le sens de "universel".

  • L'expression m'étonnait aussi. Vérification faite, saint Jérôme écrit: "ex Christiana traditione": de la tradition chrétienne. Les pieux traducteurs du XIXe siècle n'hésitaient pas à en rajouter...

  • Je pense que l'expression "les catholiques" a commencé par opposition aux "ariens" dès le IVe siècle; S. Augustin l'employait contre les donatistes, hérésie africaine; S. Augustin en tire même un argument apologétique: la vraie Eglise est celle qui de nom, de droit et de fait est universelle (catholique), tandis que les donatistes prétendaient être la vraie Eglise, limitée à leur secte africaine.
    On peut lire le chapitre II du Traité de S. Augustin sur le lien: http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin/polemiques/donat/unitegl.htm

    Plus tard, dans son magnifique livre Du Pape, Joseph de Maistre fera le même argument contre les "orthodoxes", les schismatiques grecs et russes, dont le nationalisme et l'absence de missions auprès des étrangers était flagrant, et l'est toujours.
    Le nom d'"orthodoxes" a toujours été brandi par les Orientaux quand ils se séparaient de Rome (Assyriens, Coptes, Arméniens et Syriaques au Ve siècle, Grecs au XIe, Russes au XIIIe).
    Le nom d'orthodoxe est commode, puisque tout le monde se croira orthodoxe;mais il est bien plus difficile d'être universel.
    Le nom "orthodoxe" est d'abord devenu à la mode au VIIIe siècle par opposition aux iconoclastes. La fin de la deuxième crise iconoclaste en 843 est toujours célébrée le 1er Dimanche de Carême, dans le rite byzantin, même par les catholiques, sous le nom de Dimanche de l'Orthodoxie (par opposition aux iconoclastes), ou fête des Saintes Images.
    Mais les iconodules (vénérateurs des images) de l'époque reconnaissaient bien l'infaillibilité du Pape, qui prenait toujours leur défense; il suffit de lire les témoignages sans équivoque laissés dans les actes et les écrits de Saint Théodore Studite et de ses contemporains.
    Je pense que les iconodules auraient dû s'appeler "catholiques", mais les schismes byzantins qui ont précédé (pour ne citer que les principaux: schisme arien, au IVe s., schisme d'Acace au Ve, schisme des trois chapitres au VIe, schismes monothélites pendant plus de 40 ans au VIIe et au VIIIe s.) ont bien affaibli le sens de l'unité en Orient; de plus, il était difficile de se vanter d'être universel, quand les décréts des empereurs byzantins et arabes tenait plié l'Orient sous le joug de l'iconoclasme.

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