Je me promenais dans un chemin creux et ombreux de ma campagne, quand j’ai rencontré, derrière un fourré et trois brebis, une vieille pliée en deux sur son bâton. Comme je dois connaître tout le monde, je lui ai dit : « Bonjour, Catinelle. » Elle s’est redressée à moitié et m’a répondu : « Bonjour monsieur le Curé et la compagnie. » « - Comment, grand-mère ? Je suis tout seul, où voyez-vous la compagnie ? » Elle s’est redressée entièrement, et j’ai vu son visage creusé de rides et ses yeux clairs encore beaux. Elle m’a dit gravement : « Et l’ange gardien, qu’en faites-vous ? ». « – Mère, pardon. J’allais oublier l’ange gardien ; je vous remercie de me l’avoir rappelé. »
J’avais reçu une fière leçon. Le peuple chrétien garde les traditions que les intellectuels abandonnent. Les sources ne se perdent pas, comme on le croit parfois ; elles descendent d’un étage dans le sous-sol. Rentré chez moi, je me suis mis à réfléchir sur ma négligence et sur mon orgueil, qui n’est que sottise. Pour réparer le passé, j’ai voulu écrire une prière toute neuve, une prière pour moi seul, naturellement en latin, la langue des anges, la langue de l’Eglise catholique au ciel et sur la terre.
Angele sancte Dei,
Frater et amice,
Custos corporis mei et animae meae,
Oro te pius et supplex,
Averte a me omnia pericula et omnes tentationes,
Refove in me amorem Sanctissimae Trinitatis
Quae me tibi commisit
Et deduc me in via salutis
Ad vitam aeternam.
Je ne traduis pas, parce que cette prière que je dis tous les jours est un secret entre mon ange et moi.
Mgr Jean Calvet (ancien directeur de l’Institut catholique de Paris), La lumière de complies, 1960, p. 215-217.
Cité par dom Gérard dans Itinéraires nouvelle série n° I, printemps 1990 (puis dans son Catéchisme des anges), qui ajoute en note :
Pour la majorité de nos lecteurs, cependant, nous pensons qu’une traduction ne sera pas malvenue. Nous la leur présentons avec la bénédiction du bon prélat qui, du haut du ciel, ne nous tiendra pas rigueur de dévoiler son secret : « Saint Ange de Dieu, mon frère et mon ami, gardien de mon corps et de mon âme, je vous en prie, pieux et suppliant, écartez de moi tout péril et toute tentation ; réchauffez en moi l’amour de la très sainte Trinité qui m’a confié à vous, et conduisez-moi dans la voie du salut jusqu’à la vie éternelle. »
Commentaires
Mgr Jean Calvet faisait de l'humour, pour exciter la curiosité du lecteur. Un secret divulgué même en latin, n'est plus un secret. S'il l'avait écrit en hébreu ou chinois, le secret aurait été mieux gardé!
Bonjour à tous et compagnie
"Le peuple chrétien garde les traditions que les intellectuels abandonnent."
Et il n'y a pas que les traditions que les intellectuels abandonnent. N'est-il pas cher pape hérétique !
Mais comme avec cette vieille dame, la véritable Église restera dans le cœur des humbles.
J'en dit une en polonais telle qu'apprise de mon père, ne connaissant pas l'équivalent français.
''Aniele Boży, stróżu mój,
Ty zawsze przy mnie stój.
Rano, wieczór, we dnie, w nocy
Bądź mi zawsze ku pomocy,
Strzeż duszy i ciała mego,
I zaprowadź mnie do życia wiecznego.''
[Ange divin, mon veilleur,
Tu te tiens toujours à mes côtés.
Le matin et le soir, le jour et la nuit,
Sois toujours à mon aide.
Veille sur mon âme et sur mon corps
Et conduis moi à la vie éternelle.]
Et pour un petit enfant, poème de madame Testu., mis en musique par César Franck (1820-1890)
http://www.spiritualite-chretienne.com/anges/ange-gardien/poesie07.html
https://www.partitionsdechansons.com/pdf/18072/Cesar-Franck-L-ange-gardien.html
L'Ange Gardien
Veillez sur moi, quand je m'éveille,
Bon ange, puisque Dieu l'a dit,
Et chaque nuit, quand je sommeille,
Penchez-vous sur mon petit lit ;
Ayez pitié de ma faiblesse,
A mes côtés marchez sans cesse,
Parlez-moi le long du chemin ;
Et pendant que je vous écoute,
De peur que je ne tombe en route,
Bon ange, donnez-moi la main.
Mme Testu
Extraits de la revue "L'Ange Gardien" n°6 - Octobre 1892.