In pace in idipsum dormiam et requiescam.
En paix en cela même je dormirai et je me reposerai.
Telle est la première antienne des matines du Samedi Saint. Elle annonce la nouvelle étape du Triduum : le repos du samedi. Celui qui hier a recréé l’homme par son Sacrifice se repose aujourd’hui de son labeur. Comme il en était au Principe : après avoir tout créé, et l’homme le sixième jour, Dieu se reposa le septième. C’est aujourd’hui le septième jour. A la fois le même et un autre. Et un tout autre dans la mesure où il ne clôt pas la semaine mais s’ouvre sur un huitième jour, celui de la Résurrection.
L’antienne introduit le psaume 4, dont elle est tirée : le psaume pour le repos de la nuit. C’était chaque soir le premier psaume des complies avant que saint Pie X bouleverse le bréviaire ; ce l’est toujours dans le bréviaire monastique.
On remarque l’expression « in idipsum », diversement traduite. Saint Augustin (suivi par d’autres, jusqu’à, notamment, saint Bernard) la prenait au sens littéral et le plus fort : « en cela même ». Et « cela », c’est la substance de Dieu. C’est dans la substance de Dieu que se trouve la véritable paix, où se trouve Jésus crucifié qui se repose.
Les matines du Samedi Saint sont tendues entre deux pôles. D’une part, les antiennes, qui donnent leur éclairage aux psaumes, et les psaumes eux-mêmes, expriment d’abord le repos puis la perspective de la résurrection, tandis que les répons (qui accompagnent les Lamentations de Jérémie) restent fixés sur la déploration de la Passion. On retrouve cette tension dans les laudes, où elle s’exprime dans les antiennes, et elle culmine pour le dernier psaume, où l’antienne reprend l’interpellation des Lamentations de Jérémie :
O vos omnes, * qui transitis per viam, attendite et videte, si est dolor sicut dolor meus
O vous tous qui passez par le chemin, regardez et voyez s'il est une douleur comme ma douleur
alors que le psaume que cette antienne introduit est le 150e et dernier, le plus triomphal de tout le psautier.
Et le Benedictus fait écho à cette apparente contradiction, puisque ce cantique qui célèbre le salut est introduit par la lamentation des femmes au tombeau.
Telle est la préparation à l’explosion de lumière de la nuit pascale, qui fera du gibet de la croix le trône de la gloire.