Dans sa catéchèse du 9 septembre 2009, Benoît XVI attirait l’attention sur un texte ecclésiologique de saint Pierre Damien. Il en citait les premiers mots. Les voici avec la suite.
L'Eglise du Christ demeure liée par une union si étroite de charité que, dans le mystère, elle est une seule dans la pluralité des sujets et tout entière en chacun. C'est pourquoi on n'a pas tort de considérer toute l'Eglise universelle comme seule unique épouse du Christ et toute âme sainte, par le mystère du sacrement, on la croit l'Eglise tout entière.
Si nous faisons une recherche approfondie dans le domaine de l'Ecriture Sainte, nous trouvons souvent que l'Eglise est indiquée dans la personne d'un seul homme ou d'une seule femme En effet, bien que l'Eglise apparaisse multiple pour le grand nombre de gens qu'elle accueille, elle est toutefois unique et simple, étroitement unie par le mystère d'une seule foi et de la divine régénération.
Si l'Eglise entière est indiquée dans une seule personne, elle est une en tous et tout entière en chacun (« in omnibus sit una et in singulis tota ») : ainsi parmi les nombreux elle est simple pour l'unité de la foi, et elle est multiple en chacun par le lien de la charité et par les différents charismes : puisque « le sanctificateur et les sanctifiés ont tous la même origine » (He 2,11), nous sommes tous une seule chose.
La sainte Eglise, bien qu'elle soit diversifiée par la multiplicité des personnes, est fondue en unité par le feu de l'Esprit Saint ; c'est pourquoi, même si quant aux lieux concrets elle semble divisée en parties, le sacrement de l'unité intime ne peut toutefois être en aucune façon rompu dans son intégrité, « parce que l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous fut donné » (Rm 5,5). Ainsi, cet Esprit qui est sans doute un et multiple, un dans l'essence divine, multiple par ses divers charismes, remplit la Sainte Eglise de ses dons, de façon à ce qu'elle soit une en tous et tout entière dans ses parties.
C'est justement ce mystère de l'indivisible unité que recommande le Christ, quand il disait au Père, en parlant de ses disciples : « Je ne prie pas pour eux seulement, mais pour ceux-là aussi qui, grâce à leur parole, croiront en moi. Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m'as envoyé. Je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée, pour qu'ils soient un comme nous sommes un » (Jn 17, 20-22).
Si ceux qui croient dans le Christ sont une seule chose, partout où se trouve physiquement un membre, là, par le mystère du sacrement, il y a aussi le corps entier. Et ce qui appartient à la totalité semble aussi convenir en quelque sorte à une partie. Puisque ce qu'une assemblée ecclésiale chante tout ensemble n'est pas absurde si une seule personne le dit singulièrement; de même que ce qui est exprimé par un seul selon la coutume peut être dit de façon irrépréhensible par beaucoup.
C'est pourquoi, quand nous nous trouvons ensemble nous disons avec pleine raison : « Tends l'oreille, Seigneur, réponds-moi, pauvre et malheureux que je suis ; garde mon âme car je suis ton ami » (Ps 85,1s.). Et quand nous sommes seuls il n'est pas inopportun de chanter : «Criez de joie pour Dieu notre force, acclamez le Dieu de Jacob » (Ps 80,2). Le fait que beaucoup disent ensemble : « Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse en ma bouche » (Ps 33,2) n'est pas non plus en dehors de la réalité, tandis que souvent, tout en étant seuls, nous parlons au pluriel en disant : « Magnifiez avec moi le Seigneur, exaltons ensemble son nom » (Ps 33,4).
Il est clair que, dans ce cas, la solitude de l'individu n'ôte pas de vérité aux expressions au pluriel, dans l'autre cas la multitude des fidèles ne détone pas en s'exprimant au singulier : car par la grâce de l'Esprit, qui est présent en chacun et qui remplit tout, la solitude est comprise au pluriel et la multitude au singulier (« solitudo pluralis, multitudo singularis »).
Là où il y a l'unité de la foi, il n'y a sûrement ni solitude pour l'individu, ni lacération de la diversité pour beaucoup. L'Eglise tout entière est sans doute un unique corps. Et si, tout en étant nombreux, nous sommes une seule chose dans le Christ, chacun de nous possède tout en lui comme étant à nous (cf. 1 Co 3,23) ; apartés dans notre solitude physique, il peut sembler que nous soyons loin de l'Eglise ; mais nous sommes au contraire très présents en elle grâce au mystère de l'indivisible unité.
Nos saints Pères ont établi que la relation et la communion des fidèles du Christ devait être tellement sûre qu'ils l'ont introduite dans le Symbole de la foi catholique et ils ont établi que nous devions la répéter parmi les premiers éléments de la foi chrétienne. Or, en effet, quand nous disons : « Je crois en l'Esprit Saint, la sainte Eglise », nous ajoutons tout de suite « la communion des Saints » : et là où nous donnons à Dieu le témoignage de notre foi, nous ajoutons aussi par conséquent la communion de l'Eglise, qui est une seule chose avec lui. C'est là la communion des Saints dans l'unité de la foi : croyant en un seul Dieu, ils sont renés en un seul baptême, ils ont été confirmés en un seul Esprit Saint, et par la grâce de l'adoption, ils ont été accueillis dans l'unique vie éternelle.