Il y avait dans l'enclos du monastère une ânesse et un ânon. La maîtresse avait recommandé aux novices de prendre garde à ce qu'ils ne fissent point de dégâts dans le jardin potager. Sœur Alacoque prit l'obéissance pour elle personnellement, et ne s'en crut pas dispensée, quand vint sa retraite de profession. Le long de la journée, en dehors des exercices du chœur, on retrouvait la douce enfant à son poste d'humilité, rendu très pénible par l'ordre reçu de ne pas attacher les animaux, « et ils ne faisaient que courir, » écrit-elle innocemment. « Je n'avais point de repos jusqu'aux Angelus du soir, que je venais souper. » Pendant une partie des matines, elle devait retourner à l'étable, faire manger l'ânesse et son petit ânon. — « Je me trouvais si contente dans cette occupation, que je ne me serais point souciée quand elle aurait duré toute ma vie. »
On ne l'y laissa pas toute sa vie, mais quelque temps seulement, charmé que l'on était de voir jusqu'où irait sa vertu. Or, un jour, tandis que, pour empêcher les animaux de s'enfuir, Sœur Marguerite-Marie allait interrompre l'entretien qu'elle avait avec Notre Seigneur, il lui, dit : « Laisse-les faire, ils ne feront point de mal. » Cette vraie obéissante crut à la parole de son Dieu; si bien que, malgré les recherches les plus minutieuses, les Sœurs qui avaient aperçu les deux bêtes courant dans le potager, n'y purent trouver aucune trace de leur passage.
La tradition constante de la Visitation de Paray est que c'est sous un petit bosquet de noisetiers, qui se voit encore florissant dans le jardin du monastère, que le divin Maître daignait apparaître à l'heureuse novice et lui tenir fidèle compagnie, pour la dédommager surabondamment des fatigues qu'elle prenait à veiller sur l'ânesse et l'ânon. Montrant un jour ce bosquet à une Sœur, elle lui dit : « Voilà un endroit de grâce pour moi, car Dieu m'a fait connaître ici l'avantage qu'il y a à souffrir, par les connaissances et lumières qu'il m'a données de sa Passion. »