L’intérêt, pour moi, de ces notes liturgiques quotidiennes, est que je découvre des saints que, sans cela, je n’aurais jamais cherché à connaître. Année après année, je les connais mieux. Il en est que j’apprécie de plus en plus, d’autres que j’aime de moins en moins. Au nombre de ces derniers est saint Jean Eudes. J’ai toujours eu en horreur son expression « Sacrés-Cœurs de Jésus et Marie », qui dénote une abyssale incompréhension du symbolisme de l’unique Sacré Cœur, et je suis chaque année plus atterré de voir cette expression reprise dans l’oraison de la messe.
Si l’on peut comprendre cette expression, c’est seulement dans le cadre du sentimentalisme dégoulinant de la piété de saint Jean Eudes. Sentimentalisme qui va de pair avec son mépris de la liturgie (qui ne lui est pas propre mais est pire encore que celui dont témoignait avant lui sainte Thérèse d’Avila). Ainsi dans ses séminaires disait-on les vêpres et les complies à 14h et les matines à 17h45. Et dans l’emploi du temps détaillé on ne voit pas d’heure pour la messe…
Cette année je tombe sur une lettre « à la Sœur Marie de Taillepied ». Elle commence ainsi :
Au nom et de la part de Jésus qui est votre tout et le mien, ma très chère Sœur, en sa personne, en son esprit et en son amour, je vous donne pour ce mois et pour votre éternité la grande solennité de Jésus, que nous célébrons le vingt de ce mois.
C'est une des trois grandes solennités qui se font continuellement dans le ciel. Si Notre-Seigneur vous y appelle bientôt, vous l'y ferez avec joie et grande réjouissance, pendant que nous la ferons ici-bas en douleur et en angoisse. Nous solenniserons, vous et moi, une même fête, mais hélas ! ce sera d'une manière bien différente.
Je ne puis penser à ceci sans larmes et sans soupirs. Hélas ! qui ne soupirerait et ne pleurerait amèrement ? Je ne pleure point sur vous, mais sur moi. Ah ! ma chère et bien-aimée Sœur, si vous avez quelque petit grain de charité pour votre pauvre Père, suppliez Notre-Seigneur, lorsque vous serez auprès de lui, de me tirer bientôt hors de ce lieu de péché et d'imperfections, pour me mettre en un lieu et dans un état où on l'aime purement, parfaitement et continuellement.
La fête dont il parle fut inventée moins de 20 ans avant cette lettre, par Bérulle, qui la fit célébrer à l’Oratoire le 28 janvier. On voit que saint Jean Eudes, quittant l'Oratoire, l’avait transférée motu proprio au 20 janvier… Et il ose parler de cette invention, qui ne correspond à rien dans l’année liturgique, et qui n’entrera jamais dans le calendrier romain, comme « une des trois grandes solennités qui se font continuellement dans le ciel »…
P.S. Je découvre qu'il parlait aussi du "Divin Cœur de Jésus et de Marie". Quand on pense qu'il fallait parfois des théologiens coupeurs de cheveux en 16 pour découvrir pourquoi le Saint-Office avait condamné tel livre (sans en donner la raison), et qu'il n'y a jamais eu de mise en garde contre une telle expression dont on a canonisé l'auteur...
Commentaires
Pour ajouter une pierre à votre édifice, ce trait qui vous réjouira (mais que vous connaissez peut-être): saint Jean Eudes a inscrit dans les constitutions des Eudistes que ces derniers devraient toujours avoir un grand respect et un profond attachement envers les jésuites... Ce qui est amusant est de constater que bien des Eudistes au cours des ans ont adopté exactement l'attitude inverse envers la Compagnie de Jésus.
Le Père Thomas pourrait-il donner des précisions sur ces conflits Eudistes/Jésuites ?
Tout cela est fort intéressant.
Pas de conflit frontal bien sûr. Saint Jean Eudes fut élève des jésuites à Caen et en garda apparemment un très bon souvenir, d'où son invitation aux membres de sa congrégation . Par la suite il y eut parfois des rivalités ou des jalousies car les jésuites étaient bien en cour et présents un peu partout et les Eudistes travaillaient souvent sur le même terrain.
Les Eudistes ne sont pas les premiers et les seuls à implanter les directives du concile de Trente en France. Ils sont une congrégation parmi d'autres. Leur contribution est surtout dans le domaine des séminaires pour la formation des prêtres.
St Jean Eudes a été béatifié par Pie X en 1909. S'il y avait quoi que ce soit à lui reprocher, St Pie X ne l'aurait pas laissé passer.
C'est St Jean Eudes qui a introduit en France les réformes demandées par le concile de Trente. La note de M Daoudal me paraît bien dure.
Il y en bien qui ne supportent pas St François de Sales!. Chacun ses phobies.
Effectivement, Dauphin, j'appuie votre remarque...
J'avoue être très déçue de rencontrer si souvent dans les milieux traditionalistes des expressions de suffisance. Cela me questionne.
"C'est St Jean Eudes qui a introduit en France les réformes demandées par le concile de Trente."
C'est une légende eudiste, qu'aucun historien ne peut avaliser.
Voir par exemple ceci:
http://www.persee.fr/doc/rhef_0300-9505_1911_num_2_7_1957
@Yves Daoudal
Il existait des séminaires avant le concile de Trente, surtout en Italie et le concile en repris les principes. Les Jésuites avaient leur collège. Mais en France, à cause des guerres de religion, il y eut grand un retard. Je ne voulais pas dire que St Jean Eudes était le seul à avoir créé des séminaires (surtout en Normandie) basés sur le décret de 1563 . D'ailleurs, il mit d'abord la priorité sur les missions paroissiales, Il y eut son maître le cardinal de Bérulle,Vincent de Paul, Olier...etc
Les exemples que donne l'ouvrage que vous citez n'ont pas eu d'existence durable et étaient peu nombreux. Je ne nie pas leur antériorité. La formation des prêtres de tous temps était de la responsabilité des évêques. Le concile a imposé un modèle efficace partout dans le monde.
Pardonnez moi cher Yves mais je ne vois pas où vous voulez en venir... St Jean Eudes serait un quasi hérétique ? Une sorte d'anticipation du concile Vatican II ? Voire un ancêtre du Pape actuel ? Est ce sa mièvrerie qui vous gêne ? Autre chose ? N'exagerez vous pas de petites détails ?
Je ne veux en venir nulle part. Je dis ce que je pense, sans la moindre arrière-pensée. Je crois que les deux formules que je cite ne sont pas catholiques. Elles me choquent véritablement, et je le dis.
Aucun rapport avec Vatican II ou avec le pape actuel.
Oui, j'exagère. Comme souvent. Il faut forcer le trait pour se faire comprendre rapidement. Mais le Sacré Coeur n'est pas un petit détail.
Merci cher Yves
En tout cas la CEF ne partage pas vos reserves
"Le 8 novembre 2014 à l'occasion de la session plénière de la conférence des évêques de France, Mgr Michel Dubost a annoncé le soutien de la conférence pour la cause de Saint Jean Eudes comme Docteur de l'Église"
Mgr Dubost est eudiste
Et ça continue les délires !
Donc, Mister Daoudal, d'un grand saint (Jean Eudes) qu'un autre grand saint (le Pape Pie X) a béatifié, et qu'un grand Pontife (Pie XI) a canonisé, vous dites que deux de ses formules ne sont pas catholiques.
En revanche, devant l'évidence de la non-catholicité de Bergoglio, alors là, y a plus personne ! Vous n'osez vous prononcer, tant que l'Eglise ne se prononce pas elle-même, Bra-vo !!!
Donc vous vous envoyez un saint et deux Pontifes (dont l'un est également un saint) sans aucun problème, au prétexte que vous aimez à dire, "sans arrière-pensée", ce qui vous passe par le cervelet (l'Eglise s'est prononcée, mais moi, Daoudal, j'sais mieux), alors qu'un ennemi public, notoire et évident de la foi catholique, lui, pas touche, il a une soutane blanche.
L'aveuglement spirituel est effectivement un châtiment divin, et pt'êt ben que vous vous le méritez votre François, votre Concilium malignantiis Vatican 2 et tout le toutim qui s'ensuit.
Franchement, de tout cœur, buonasera, e buon pranzo.
Monsieur Daoudal n'a pas tort et nous invite à prendre du recul : l'affadissement, la platitude, la sentimentalité ne sont pas que depuis Vatican II;
Qu'on songe à la vacuité pseudo-romantique des cantiques de la Belle époque par exemple.... Ce qu'était devenue la musique d'Eglise aussi, d'où la réaction de Pie X.... Le sucre et le carton-pâte des décorations d'églises...
La préférence accordée aux ersatz de piété, de liturgie au détriment de la saine et vraie tradition est un phénomène périodique dans l'Eglise dont il faut être conscient. "Ecclesia semper reformanda"
Cf. l'ignorance de la littérature patristique jusqu'à il y à un demi siècle....
Cher Sulfure, pour le coup, le recul, je préfère le prendre avec Saint Jean Eudes qu'avec Daoudal.
Ensuite, qu'il y ait eu des abus et du caramel mou, concedo.
Mais ne croyez pas que Saint Jean Chrysostome ait été oublié pendant 1400 ans et que grâce à V2 on a redécouvert les Pères. Pères qui, faut être bien clair, ont tous par avance flétrit et anathématisé le conciliabule roncallo-montinien, ses pompes et ses œuvres, dont le plus beau fruit est Destroy Jorge.
Rassurez-vous, cher Abenader, je suis un ennemi acharné de Vatican 2 et du "pontificat" actuel
Vous m'en voyez ravi mon cher !
L'idée que je me faisais de St Jean Eudes c'est que dans une Normandie très traumatisée par les guerres dite de religion, avec de très nombreuses conversions au protestantisme à la suite des nobles et des notables autour de la personnalité de Marguerite de Navarre et de sa cour installée à Alençon; puis de très nombreuses destructions d'églises par les protestants; culte catholique interdit, etc), puis de nouveaux des troubles au début du règne de Louis XIII, il avait fait un bon travail de re-catholisation de la province et notamment en redonnant sa place à la Ste Vierge, Il a aussi créer des établissements pour former des prêtres dont la province avait tellement besoin après tant d'années d'insécurité et de guerre civile, Tout était à recommencer.
Effectivement il se peut qu'il ait été maladroit de langage dans son exaltation de Notre Dame, mais dans la balance, et en jugeant les fruits à court terme et moyen terme (l'on ne peut pas tout lui reprocher jusqu'à nos jours!), il me semble qu'il a eu des circonstances atténuantes?
Mais j'admets ne pas être spécialiste et n'ai je peut être pas tout compris!
Je suis d'accord avec vous, Cependant, puisqu'il faut bien defendre un peu ce bon st Jean Eudes, je signale que dans le 1er volume Benedictus, dom Gerard, dans une note de bas de page (je n'ai pas le livre sous les yeux) a propos d'un poeme a Marie medieval appelant celle-ci "deesse", dit que ce n'est pas du tout choquant, mais que c'est la polemique protestante qui a rendu inaudible cette appelation. Qu'en pensez-vous?
Je suis d'accord avec vous, Cependant, puisqu'il faut bien defendre un peu ce bon st Jean Eudes, je signale que dans le 1er volume Benedictus, dom Gerard, dans une note de bas de page (je n'ai pas le livre sous les yeux) a propos d'un poeme a Marie medieval appelant celle-ci "deesse", dit que ce n'est pas du tout choquant, mais que c'est la polemique protestante qui a rendu inaudible cette appelation. Qu'en pensez-vous?
"La joie avoir me fay, haulte Déesse" (Ballade pour prier Notre Dame, François Villon)
Eric est un dieu, dit Jésus citant un psaume (Jean 10, 34-35). A bien plus forte raison Marie est-elle déesse. On ne parlera pas pour autant des Sacrés Coeurs de Jésus et d'Eric, ni du Divin Coeur de Jésus et Eric...
En outre il est évident qu'on ne demande pas au poète d'avoir une précision de théologien.