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Samedi in albis

C’est le samedi in albis deponendis : le jour où les nouveaux baptisés de la nuit pascale doivent « déposer » le vêtement blanc qu’ils avaient alors revêtu. Ce vêtement symbolisait le Christ, conformément à la parole de saint Paul aux Galates : « Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ », parole ornée d’un alléluia pour donner l’antienne de communion de ce jour. Le symbole de ce que l’on dépose n’est donc plus le Christ, que l’on a revêtu pour toujours, mais au contraire ce qui n’est pas digne du Christ, de l’alter Christus qu’est le chrétien. Et c’est ce symbolisme inversé que la liturgie souligne, par le même saint Paul, dans l’épître qui commence par « Deponentes » : déposant… toute malice, toute ruse, toute dissimulation…

L’évangile est celui qui nous montre Jésus lui-même qui a « déposé » son vêtement blanc, lors de sa résurrection, en nous y laissant l’empreinte du Crucifié.

Les traductions de ce texte sont toutes mauvaises, y compris, ici, par exception, la Vulgate, parce que les traducteurs latins ne « voyaient » pas la scène que saint Jean a vue et que nous connaissons désormais par le Linceul de Turin.

Il faut coller de très près au texte grec, sans s’inquiéter de ce qui paraît incongru si l’on fait abstraction du Linceul. Mais en gardant à l’esprit cette précision capitale de l’évangile : Jean entra, « et il vit, et il crut ». Il croit, immédiatement, à la résurrection, parce que ce qu’il voit lui prouve la résurrection.

Or que voit-il ? Il voit des « othonia » qui « gisent », et le « soudarion » « qui était sur la tête de Jésus », « mais à part enveloppé dans, en un lieu » : telle est la traduction littérale. « entetyligmenos » ne veut dire ni « plié » ni « enroulé », mais uniquement « enveloppé dans ».

Le sens le plus courant de « khoris » est « à part », « séparément ». Mais un sens très attesté est aussi : « différemment ».

Le mot « othonia », quant à lui, désigne des pièces de lin. Qui peuvent être des « bandelettes », notamment funéraires, et c’est ainsi qu’on le traduit le plus souvent, ou des pièces bien plus grandes, au point que ce mot, bien qu’au pluriel, désignait aussi un linceul. On a une confirmation de cela dans l’évangile de saint Luc, qui nous dit d’abord que Joseph d’Arimathie prend le corps de Jésus et « l’enveloppe dans » - c’est le même verbe que nous venons de voir - dans un « sindon », un linceul, sans avoir le temps de s’occuper davantage du corps. Or, quelques versets plus loin, saint Luc parle de saint Pierre qui va au tombeau le matin et voit des « othonia ». Ces « othonia » sont donc le linceul.

Qu’est-ce que le « soudarion », l’autre linge dont seul parle saint Jean ? Il s’agit du bonnet qui « était sur sa tête », qui enserrait la tête du mort notamment pour qu’il garde la bouche fermée. C’est ce que l’on voit sur le Linceul de Turin de chaque côté du visage, et sous le visage. Ce bonnet pourrait bien être la « sainte coiffe de Cahors ».

Donc saint Jean voit ce tissu qui enserrait la tête. Il le voit « enveloppé dans ». Dans quoi ? Dans le linceul. Dans la partie repliée du grand linceul qui fait deux fois la taille d’un corps. La tête était au milieu du linceul, qui couvre les deux faces du corps. Le linceul, restant exactement comme il était lors de la mise au tombeau, s’est affaissé sur lui-même par l’absence du corps, et le « soudarion » s’est trouvé coincé dans le linceul, enveloppé par le linceul qui s’est affaissé tout autour. Il gît aussi, mais « différemment », parce qu’il est resté « dans » le linceul.

« En un lieu », c’est-à-dire non pas ailleurs, mais « eis hena », « en un seul » et même lieu, en ce même lieu, en ce lieu unique.

Voilà pourquoi Jean vit, et crut : il vit la scène exactement comme il l’avait vue la veille au soir, à la différence près qu’il n’y avait plus de corps, et que ce corps avait disparu sans toucher en quoi que ce soit à la disposition de la mise au tombeau. S’il avait vu des bandelettes éparpillées et un autre tissu roulé ou plié dans un coin, il n’aurait pas été saisi par la foi en la résurrection, mais il aurait demandé, comme Marie Madeleine, où on l’avait mis…

Le-Saint-Suaire-Turin.jpg

Peinture sur toile attribuée à Jean-Baptiste della Rovere, vers 1560-1627. (Giovanni Battista et son frère Giovanni Mauro étaient connus comme « I Fiamminghini », les Flamands, parce que leur père était d’Anvers. Rien à voir donc avec la famille du pape Jules II et des ducs d’Urbino.)

Commentaires

  • Très convaincant. Sauf que vous semblez négliger les mots qui précèdent "pas posé avec les linges", ce qui incite fortement, tout de même, à traduire chôris "à part". Mais votre explication me plaît franchement bien. A creuser.

  • Le texte ne dit pas littéralement ce que vous dites, mais: "ne gisant pas avec les othonia":

    "Et le soudarion qui était sur sa tête ne gisant pas avec les othonia": on ne le voit pas gisant parce qu'il est "enveloppé" dans le linceul.

    C'est d'ailleurs ce verbe "enveloppé dans" qui me paraît vraiment important.

  • Pour moi votre explication est tout simplement l'exacte vérité.
    Merci M. Daoudal.

  • Merci pour cette explication lumineuse !

  • S'il vous plaît, monsieur, réunissez vite vos billets bibliques en livre!!!!!!! Rien d'équivalent n'existe sur le marché; Ce serait dommage que ça se perde

  • Oui, cela paraît fort probable le fait que Saint Jean, avec un divine concision dise de lui-même : il entra, il vit, il crut, semble confirmer que seule la vision de la disposition des linges permettait de comprendre que le corps s'était volatilisé sans autre intervention. Par contre la phrase suivante remet un peu cela : Car ils ne savaient pas encore, d’après l’Écriture, qu’il fallait qu’il ressuscitât d’entre les morts.
    Mais l'hypothèse de l'enlèvement est éliminer car personne n'aurait penser transporter le corps sans les linges.

  • erratum : éliminée

  • erratum : pensé

  • Je me souviens justement le suaire roulé à part montre que la disposition des linges étaient connues de Saint Jean. Jésus et Saint Jean ont vécu un an ensemble sur les chemin de Galilée l'apôtre connaissait donc les habitudes de son Maître de rouler sa couverture. Jean compris que c'est le Seigneur vivant qui avait disposer les linges dans le tombeau

  • Si, selon ses habitudes, Jésus vivant roulait sa couverture, cela n'a rien à voir avec les linges restés là tels quels après l'ensevelissement, affaissés sans plus rien à l'intérieur, le corps s'étant comme "volatilisé". C'est sur ce point que Jean a compris la Résurrection du Christ.
    C'est bien la première fois que j'entends dire que Jésus Ressuscité aurait disposé lui-même les linges de son ensevelissement, parmi toutes les versions fantaisistes entendues ou lues !
    Je pense que l'étude de Monsieur Daoudal est la bonne et vraie version, scientifique de surcroît.

  • Le verbe grec entylisso veut dire "envelopper dans", selon Bailly, et non "enrouler". Encore moins "rouler". De même, selon Liddell-Scott-Jones il veut dire "wrap", et non "roll up".

    En outre il s'agit seulement du linge "qui était sur sa tête", qui n'a rien d'une couverture pour la nuit.

  • J'approuve, cette fois, totalement votre exégèse.

    Vous y êtes bien matériel, sans aucune "évaporation" des réalités physiques par l'interprétation spirituelle.

    J'insiste toujours sur la froide réalité matérielle des événements miraculeux attestés par les saintes Ecritures.

    Oui, la mer Rouge s'est littéralement fendue, formant deux murs verticaux d'eau de plusieurs mètres de hauteur, et dans l'espace dégagé entre ces deux murs immobiles se faisant face, les Hébreux sont passés à pied sec.

    Oui, le Christ est physiquement, et tranquillement, passé au milieu de la foule qui voulait le lapider, ou le mener vers un escarpement pour le précipiter, et personne n'a pu mettre une main physique sur lui, parce que son heure n'était pas encore venue.

    Au cours de sa Passion, il n'est pas objet, mais il est sujet en toute chose : il n'est mort et il ne devait mourir, selon sa Volonté, et le plan divin fixé de toute éternité, que par le supplice de la croix, et par aucun autre. Dieu fait chair n'a pas reçu un seul crachat de plus, une seule gifle de plus, un seul coup de plus, une seule injure de plus que ce qu'Il avait permis à l'homme de lui donner__ ce qui n'annule en rien la responsabilité des cracheurs, des gifleurs, des bastonneurs et des insulteurs au plan de leur liberté humaine et individuelle.

    Quand il a mangé du poisson avec les Apôtres, après sa résurrection, il en a réellement mangé et non fictivement. Son corps était alors glorieux et invulnérable, mais son corps était charnel.

    Quand il est entré au Cénacle, toutes portes étant closes, il y est entré physiquement. "C'est bien moi. Touchez-moi et constatez, car un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'en ai." (Lc, 24,39). Et Thomas a mis son doigt dans la plaie d'une chair physiologique (à cet égard, S. Jérôme fermait la bouche à ceux qui refusaient de croire à la virginité physique perpétuelle de Marie (prétendant qu'après avoir donné passage et naissance à l'enfant Jésus, la virginité physique de sa mère a été lésée et détruite), en leur lançant : "Quand vous m'expliquerez comment il est entré au Cénacle, toutes portes étant closes, je vous expliquerai comment il est sorti des entrailles de sa mère en laissant sa virginité indemne."


    Il faut toujours tirer la leçon spirituelle de l'Ecriture. Mais jamais rien diminuer de la matérialité, physique, des événements qu'elle atteste.

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