Graduel de l’église Sainte-Cécile du Trastévère, 1071 (cod. Bodmer 74, Cologny).
Dómine, ne longe fácias auxílium tuum a me, ad defensiónem meam áspice : líbera me de ore leonis, et a córnibus unicórnium humilitátem meam.
Deus, Deus meus, réspice in me : quare me dereliquísti ? longe a salúte mea verba delictórum meórum.
Seigneur, n’éloignez pas de moi votre secours : soyez attentif à me défendre ; délivrez-moi de la gueule du lion et des cornes des licornes, car je suis bien faible et humilié.
O Dieu, mon Dieu, tournez vers moi votre regard ; pourquoi m’avez-vous abandonné ? La voix de mes péchés éloigne de moi le salut.
Commentaire par dom Baron:
La première phrase est d'une admirable sérénité. Quelques notes dans le grave, revenant à la tonique en des cadences larges et pleines. Un accent de ferveur sur tuum et une insistance bien marquée sur a me donne à la prière un caractère très personnel, on dirait bien familial : ton secours à toi, Père, pour moi, ton Fils.
Toutefois on pourrait y déceler déjà les premières nuances de l'angoisse qui vient.
Celles-ci montent peu à peu sur ad defensionem meam et, après avoir jailli sur aspice en un cri d'ardente supplications, passent à la phrase suivante où elles mettent sur libera me une insistance, répétée jusqu'à être émouvante.
Après quoi, comme si le Christ était épuisé par cet appel de détresse, sa prière se fait plus paisible. Par deux fois - sur ore et sur a cornibus - le motif de ad me, dans la première phrase, revient avec son caractère d'intimité; mais, à l'évocation des bêtes féroces, symbolisant toutes les tortures physiques et morales qui viennent sur lui, il se sent à nouveau envahi d'horreur et de répulsion, et c'est le même appel ardent et chargé d'angoisse qu'il lance au Père sur humilitatem, le mot même par lequel il dit sa faiblesse et son impuissance.
Cet introït par les moines de l’abbaye de Montserrat, semaine sainte 1964.
Commentaires
L'image vient de l'édition des partitions du chant Vieux romain par Malcolm Bothwell et Marcel Pérès, de l'ensemble Organum. Le commentaire de la mélodie semble par contre bien plat et sentimental. Comprend on mieux ce chant avec de telles considérations anachroniques ?
Non. L'image vient de la reproduction du graduel sur le site e-codices. Je l'ai découpée moi-même.
Quant aux commentaires de dom Baron, ils m'accompagnent toute l'année et oui, je comprends mieux le chant en les lisant. C'est Marcel Pérès que je ne comprends pas... Et que je ne suis pas près de comprendre si pour cela je dois trouver dom Baron "plat et sentimental"...