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Ne vous météorisez pas !

Luc 12,29.

Bible de Jérusalem :

« Vous non plus, ne cherchez pas ce que vous mangerez et ce que vous boirez; ne vous tourmentez pas. »

TOB :

« Et vous, ne cherchez pas ce que vous mangerez ni ce que vous boirez, et ne vous tourmentez pas. »

Osty :

« Et vous, ne cherchez pas ce que vous mangerez et ce que vous boirez, et ne vous tourmentez pas. »

On voit que les trois sont bien d’accord : « Ne vous tourmentez pas. » Le problème est que le verbe grec ne veut pas dire « se tourmenter », et que si saint Luc, ou le Seigneur, avait voulu dire « se tourmenter », il aurait utilisé l’un des verbes qui veulent dire « se tourmenter »…

Ni la Bible de Jérusalem ni la TOB ne justifie sa « traduction », comme si elle allait de soi… Osty, quant à lui, en profite pour se livrer à son petit jeu favori : ironiser sur la Vulgate : « Au v. 29, “ne vous tourmentez pas”, contresens célèbre de la Vulgate, qui a traîné dans bien des livres et entretiens de spiritualité : nolite in sublime tolli. »

La Vulgate, comme à sa très bonne habitude, a traduit littéralement le texte grec : μὴ μετεωρίζεσθε, mi météorizesthé, ce qui veut dire littéralement : ne vous élevez pas en l’air. C’est exactement ce que veut dire Nolite in sublime tolli. Car sublime veut dire : en l’air, dans les airs, élevé, d’où ensuite le sens figuré qui est celui qu’a le mot français « sublime ». C’est pourquoi l’expression a pu être comprise comme : « Ne soyez pas orgueilleux, ne vous élevez pas au-dessus de votre condition », ce qui est d’ailleurs un sens attesté du verbe grec. C’est de cela dont se gausse Osty. Mais il a tort. Les doctes exégètes soulignent que ce ne peut pas être le sens de l’expression, parce que ça ne correspond pas au contexte. Mais il est parfaitement légitime de prendre une expression de la Sainte Ecriture hors contexte et de lui donner un sens particulier. Tous les pères ont fait cela, saint Paul avant eux, et les rabbins avant lui. En outre on verra que le sens réel de météorizo ici est très proche de ce sens-là.

Osty ferait mieux d’expliquer pourquoi il traduit météorizo par « tourmenter ». Il ne l’explique pas davantage que la Bible de Jérusalem ou la TOB. (Bien entendu on a osé aussi « corriger » la Vulgate en ce sens : la néo-Vulgate a : « et noli solliciti esse ».)

Dans la première moitié du XXe siècle, les Bibles en français avaient plutôt : « Ne soyez pas anxieux ». Parce que le P. Lagrange avait dit qu’il fallait traduire comme ça… Du coup on avait corrigé la Bible Crampon, qui dans son édition d’origine, en 1885, avait : « et ne vous laissez pas aller à de vains désirs ».

Comment on est passé de l’anxiété au tourment, je ne sais pas. Toujours est-il que le verbe grec ne veut dire ni l’un ni l’autre. Le dictionnaire Bailly, dictionnaire grec-français de référence, ignore absolument un tel sens. Le dictionnaire Liddell Scott Jones, dictionnaire grec-anglais de référence, signale in fine que le verbe a le sens d’être anxieux dans un papyprus d’Oxyrhynque (le POxy. 1679.16), et qu’il est « peut-être utilisé dans ce sens » dans Luc 12,29.

Etrange autorité que celle d’un unique papyrus, le 1679e de la collection d’Oxyrhynque, simple lettre d’une fille à sa mère. C’est à peu près la même autorité que celle d’un SMS d’ado pour déterminer l’orthographe d’un mot. Du reste l’éditeur des papyrus signale qu’il a dû corriger une faute dans la négation qui précède le verbe. De fait, dans cette lettre, le plus simple est sans doute de penser que la fille dit à sa mère de ne pas s’inquiéter, comme c’est le plus simple dans l’évangile, sauf que ce sens ne se trouve nulle par ailleurs.

Le P. Lagrange, quant à lui, ne fait pas mention du papyrus, mais il affirme que l’adjectif météoros a le sens d’anxieux dans deux textes de Josèphe. Or, déjà, l’adjectif, ce n’est pas le verbe, ensuite les dictionnaires ne font aucune mention de ce sens présumé de météoros, et enfin… Josèphe ne dit pas cela.

Le premier texte indiqué par le P. Lagrange est Antiquités judaïques, VIII VIII 2. La phrase dit ceci, dans la traduction de Julien Weil : « quand le peuple se fut assemblé pour l’écouter, au troisième jour, devant la foule en suspens, l’oreille ouverte aux paroles du roi et les imaginant bienveillantes… » Météoros est traduit par « en suspens », sens attesté, dérivé de « en l’air : suspendu en l’air ». Et il ne peut pas vouloir dire « anxieux » puisque le peuple imagine que les paroles du roi vont être « bienveillantes » (philanthropos).

Le second texte est Guerre des Juifs, IV II 5. Traduction Buchon (?) : « Il valait donc mieux laisser les coupables tenus en suspens par la crainte… » Ici encore, météoros est logiquement traduit par « en suspens ». Certes, les personnes dont on parle sont anxieuses, mais la traduction « être anxieux par la crainte » n’est évidemment pas bonne.

Le problème, avec internet, c’est qu’on peut tout vérifier…

On note que, dans le Nouveau Testament, ce mot n’est utilisé que dans ce verset de saint Luc. Avant d’aller chercher un papyrus profane et fautif ou deux phrases de Josèphe mal interprétées, il serait logique d’aller voir le sens du mot dans l’Ancien Testament, d’autant que Luc, sous son vernis hellénistique, est l’évangéliste qui utilise le plus des formules de l’Ancien Testament.

Or le verbe météorizo y est utilisé dix fois, dont cinq fois dans le même chapitre 10 d’Ezéchiel, pour évoquer les chérubins qui s’élèvent. Dans Ezéchiel, ainsi que dans Michée 4,1, et dans Abdias 1,4, le verbe a très simplement le sens de s’élever.

« Être tourmenté » est un thème récurrent des psaumes. Mais ce n’est jamais météorizo que l’on trouve. En revanche le verbe est utilisé une fois, au tout début du psaume 130, comme synonyme de hypsoo : s’élever, dans deux stiques parallèles. Le latin a traduit : Domine, non est exaltatum cor meum, neque elati sunt oculi mei. « Seigneur, mon cœur ne s’est pas exalté, et mes yeux ne sont pas élevés. » La suite dit que je n’ai pas cherché ce qui est au-dessus de moi mais que je suis resté humble. Nous sommes ici (sans surprise) très près de ce que dit réellement l’évangile. Il en est de même des deux occurrences du verbe dans le deuxième livre des Maccabées, où il exprime le fait qu’Antiochus « élève » son esprit de très mauvaise façon, contre Dieu et le peuple de Dieu.

En inventant qu’il ne faut pas être anxieux, ou tourmenté, par ce que l’on mangera ou boira, les exégètes modernes font exactement ce qu’ils reprochent à tort ou à raison à un certain nombre de manuscrits. D’une part, alors qu’ils traquent les répétitions, ils en fabriquent une. Car Jésus a déjà dit, juste avant, qu’il ne fallait pas s’inquiéter de ce que l’on mangera, et il a même insisté là-dessus. D’autre part, alors qu’ils traquent les harmonisations entre les évangiles, ils en fabriquent une, en harmonisant Luc et Matthieu. C’est précisément ce que faisaient certaines traductions latines d’avant la Vulgate, en traduisant par « solliciti », comme au verset 26 et comme dans saint Matthieu.

Le P. Lagrange, après avoir décidé qu’il fallait traduire par « être anxieux », conclut : « Il semble bien que c’est Luc qui a trouvé ce mot recherché. »

Quant à moi je constate qu’il s’agit non d’un propos de saint Luc mais d’un propos du Christ rapporté par saint Luc. Lequel a commencé son évangile en soulignant qu’il a fait des recherches précises, attentives, pour rapporter les faits avec le plus d’exactitude possible. Il me paraît donc très légitime de considérer que le mot n’est pas de saint Luc, mais du Seigneur lui-même. Fidèlement rapporté par Luc. Tandis que Matthieu, ne le comprenant pas, l’a remplacé par un autre mot lui aussi utilisé par le Seigneur dans le même contexte (« ne soyez pas inquiets »).

Jésus a déjà dit qu’il ne fallait pas être inquiet quant à la nourriture, à la boisson, au vêtement. Ici il va plus loin. « Ne vous élevez pas », au sens du psaume : restez à votre place, ne vous élevez pas au-dessus de votre condition, c’est-à-dire : n’élevez pas vos yeux au-dessus de vous-même pour chercher à voir ce que l’avenir vous réserve. Ne tirez pas des plans sur la comète (à défaut de météorite)…

Or ce que dit Jésus selon saint Matthieu à cet endroit-là exactement, c’est : « Ne vous inquiétez pas du lendemain, car le lendemain s’inquiétera de lui-même ; à chaque jour suffit son mal. »

La correspondance est évidente. Mais pour la voir il est nécessaire de ne pas inventer à météorizo un sens que ce mot n’a pas.

Commentaires

  • Certaines traductions anciennes dans diverses langues collent à la Vulgate :
    http://biblehub.com/multi/luke/12-29.htm

    Toutefois, comment le lecteur comprendra-t-il, par exemple dans la traduction du pasteur David Martin, édition 1744, l'objurgation de ne pas "rester en suspens" ?

  • Merci! Quel travail... Est-ce sur internet que vous trouvez les références des mots employés? si oui, sur quel site?

  • Il faudrait préciser votre question, parce que je me sers de nombreux sites, dont celui qui est indiqué par Curmudgeon.

  • Effectivement je connais le site "saintebible" que a été donné en référence. Je le trouve un peu complexe d'utilisation (on peut ne pas être de mon avis). Il existe en version papier des dictionnaires (latin, grec, ou français) où pour chaque mot on vous donne les références dans la bible. Je demandais si ces dictionnaires existaient sur internet (de même que Gaffiot, Bailly etc ).

  • Voir ici :
    http://bibleapps.com/greek/3349.htm

    L'avant-dernier auteur mentionné est Christian Gottlieb Kuehnoel.

  • On vous l'a déjà dit, je vous le répète: il faudrait bien penser un jour à publier en livre un recueil de ces chroniques d'Écriture sainte. Quitte à vous faire descendre en flammes par les "spécialistes" (qui préféreront sans doute vous ignorer pour ne vous signaler à l'attention des simples chercheurs de bonne foi).. Il faut passer ce legs à la postérité, je trouve.

  • Je suis tout à fait d'accord avec vous !
    Au besoin, je me dis que ce pourrait être fait de façon très légère en les collectant au format pdf et en les proposant à la publication par un site d'impression à la demande... Je serais même prêt à donner un coup de main, pour le coup !

    Marc

  • Un commentaire de Calvin, ici (en anglais ; l'original français est disponible sur Internet, moins commodément) :

    http://biblehub.com/commentaries/calvin/luke/12.htm

  • Autres commentaires iici, à partir de "Calvin glossed Luke" :

    http://0-literature.proquest.com.fama.us.es/searchFulltext.do?id=R03654620&divLevel=0&area=abell&forward=critref_ft

  • Pardonnez-moi, mais je m'en fous complètement, du commentaire de Calvin. En anglais, en plus...

  • "Longtemps, les chercheurs ont dû se contenter des dictionnaires. Désormais, nous disposons d’un outil remarquable : le Thesaurus linguae graecae. Il s’agit d’une bibliothèque, en ligne, de toute la littérature grecque. Prenez le verbe « meteorizo » qui a donné le mot météore. Il peut dire simultanément, au passif négatif : « ne soyez pas apeurés » ou « ne soyez pas orgueilleux ». Grâce aux travaux sur les stoïciens, j’ai réussi à saisir que le terme signifie aussi « ne soyez pas ballottés » – entendez : que l’âme ne soit pas instable."

    François Bovon, auteur d'un commentaire de Luc en quatre vokumes

    http://www.evangile-et-liberte.net/2014/03/francois-bovon-lapport-de-levangile-de-luc/

  • Yves Daoudal argumente ainsi : "Quant à moi je constate qu’il s’agit non d’un propos de saint Luc mais d’un propos du Christ rapporté par saint Luc. Lequel a commencé son évangile en soulignant qu’il a fait des recherches précises, attentives, pour rapporter les faits avec le plus d’exactitude possible. Il me paraît donc très légitime de considérer que le mot n’est pas de saint Luc, mais du Seigneur lui-même. Fidèlement rapporté par Luc."

    L'objection évidente est tout de même que, si fidèle que Luc ait été, il n'a guère pu rapporter les propos de Jésus ipsissimis verbis, à moins que, chose improbable, Jésus se soiit exprimé en grec.

  • Improbable? Il est pourtant évident qu'il s'est exprimé en grec face à Pilate, qui parlait grec mais pas araméen. Il est aussi plus que probable que Jésus s'exprimait en grec quand il parlait à des foules venues de Judée et de Tyr et Sidon. Et l'analyse du Pater me fait penser qu'il l'a enseigné en grec. La langue commune était le grec, comme l'attestent les inscriptions juives de l'époque (et les derniers livres de l'Ancien Testament, écrits en grec par des juifs pour des juifs, et la Septante qui était la Bible officieuse depuis longtemps).

  • TOUTES les inscriptions funéraires du Ier siècle avant JC qu'on a retrouvées en Palestine sont en grec. Les deux tiers seulement en grec, un tiers en grec et dans une langue sémitique.

  • Pour Eric :

    Oui Bailly est en ligne, ainsi que le (vieux) Gaffiot (pas la dernière édition papier). Et le vieux Lidell-Scott (sur le site Perseus). Toutefois, ce ne sont pas des dictionnaires si gigantesques que ça.

    Le Thesaurus Linguae Grecae dont parle Bovon est sur abonnement, sauf erreur.

  • Lemaître de Sacy : "Que votre esprit ne soit point suspendu et inquiet".
    King James : "neither be ye of doubtful mind".
    Luther : "macht euch keine Unruhe".

  • Lemaistre de Sacy est ingénieux par sa traduction double.

  • Luther a traduit correctement:

    Lutherbibel 1912
    Darum auch ihr, fraget nicht darnach, was ihr essen oder was ihr trinken sollt, und fahret nicht hoch her.

    Ce n'est que récemment qu'on a "corrigé" sa traduction.

  • Pour le grec néotestamentaire, il faudrait consulter le dictionnaire de Bauer, dernière édition, BDAG, mais je ne l'ai pas.

    http://www.amazon.com/Greek-English-Lexicon-Testament-Christian-Literature/dp/0226039331

  • Le problème, c'est qu'on ne voit pas bien la relation qu'il peut y avoir entre "ne pas s'exalter", et ne pas avoir de quoi boire ou manger. Les exégètes, à force de scruter, n'ont trouvé que le rapport suggéré par le contexte : ne pas s'inquiéter.

    Les deux passages (Luc et Matthieu) sont typiquement tirés de la source Q. Il faudrait donc deviner les mots araméens prononcés réellement par le Christ, et rendus différemment par Luc et Matthieu grec.

    On pourrait comprendre : n'élevez pas vos regards pour prospecter à droite et à gauche, ne recherchez pas. anxieusement (tiens donc !) ce que vous mangerez et boirez. C'est ce que font les païens.

  • A Yves Daoudal :

    Pour ce qui est du grec et Jésus, je n'envisageais pas la question de savoir dans quelle langue Jésus et Pilate ont communiqué, directement ou par un truchement non mentionné dans le texte (parce que sans intérêt). Ce qui importait c'est de savoir dans quelle langue Jésus s' adressait à ses auditeurs dans la circonstance du passage de Luc pour lequel vous examinez les traductions avec votre spin coutumier. Il ne me paraît pas déraisonnable de postuler que c'est probablement l'araméen qui était utilisé. Et ceci n'emporte aucune implication quant à la connaissance que Jésus aurait eu ou non du grec, et de l'utilisation qu'il aurait pu en faire dans les circonstances idoines.

    Aussi est-il légitime de se poser la question que se pose Jean Ferrand, mais je n'avais rien trouvé sur ce sujet.

  • ...avec votre soin coutumier

    Evidemment.

  • A Yves Daoudal :

    Votre conjecture du Pater enseigné en grec pourrait évidemment faire l'objet de plusieurs chroniques. Je suis sceptique, parce qu'on ne voit pas pourquoi, avec son entourage proche, Jésus aurait renoncé à l'araméen (à l'hébreu avançait Carmignac). Pour faciliter une diffusion rapide vers la diaspora ? Mais tout mérite d'être examiné.

  • Et qu'en est-il du Syriaque? Certains tiennent que la Peshitta constitue la version authentique des Evangiles transcrivant les legs originaux de l'oralité (Cf. Pierre Perrier, Évangiles de l'oral à l'écrit).

    Patrick Calame dans sa traduction "Les Évangiles dans la langue de Jésus" donne:

    "...et que votre conscience ne soit pas distraite par cela."

  • L'idée d'une peshitta dont le texte serait antérieur au texte grec n'est pas sérieuse. Il suffit de jeter un oeil sur les éditions critiques du Nouveau Testament grec pour constater que les variantes de la peshitta font généralement partie des manuscrits qui harmonisent les évangiles, et qui sont donc forcément postérieurs aux premiers manuscrits.

  • Je suis loin d'être un spécialiste mais l'hypothèse des colliers oraux et de l'antériorité de l'araméen dans la composition des récits et est très intéressante et s'harmoniserait très bien, parait il, avec les données des traditions ecclésiastiques anciennes. Je ne pense pas qu'on puisse balayer la question d'un revers de main par la simple observation que vous faite au sujet des correspondances avec certaines variantes du texte grec. Probablement que le P. Frédéric Guigain pourrait vous servir une contre-argumentation solide et érudite sur ces questions.

  • Pour ce qui est de la traduction du texte de la Peshitta en français par Patrick Calame, que je ne connais pas,, je vois des commentaires enthousiastes sur Amazon, dont un qui croit déceler dans le syriaque en tant que tel des richesses spirituelles spéciales, ce qui est peu convaincant. En revanche, l'unique commentaire sur le site de Decitre est refroidissant.

    En tout cas il faudrait savoir quel est le mot syriaque correspondant à meteorizesthe, quels en sont les emplois ailleurs. Les connaisseurs peuvent consulter la Peshitta en ligne. Les dictionnaires de Jennings, de Payne Smith et de Jastrow sont également disponibles.

    La traduction de la Peshitta en anglais par Murdock 1852 (en ligne) donne "nor let your mind wander upon these things". Celle d'Etheridge 1849 (en ligne) donne "nor let your mind be distracted for these".

  • Pour le passage Luc 12:29 dans la Peshitta, voir ici :
    http://www.dukhrana.com/peshitta/analyze_verse.php?verse=Luke+12:29&font=Estrangelo+Edessa&size=150%&source=khabouris

    Puis en cliquant, ici :
    http://www.dukhrana.com/lexicon/word.php?adr=2:16435&font=Estrangelo+Edessa&source=khabouris

    On verra les trois traductions en anglais d'Etheridge, de Murdock et de Georges Lamsa (1933). Et la traduction de la Bible anglaise de 1611 (Authorized Version, ou King James Version), qui, chose à noter, donne : " And seek not ye what ye shall eat, or what ye shall drink, neither be ye of doubtful mind."

    On dispose d'un renvoi au dictionnaire de Payne Smith, p. 435.

    Le sens pour ce verbe de racine pe-he-aleph est : vagabonder, errer [peut se dire en particulier de l'esprit, des yeux ; mais aussi au propre errer dans le désert, dans une ville], être inconstant, être instable, être distrait, être ballotté. On voit dans Payne Smith des dérivés avec des sens tels que 'nomades du désert', 'planète', 'météore'.

    Voir la KJV, ainsi que la remarque de Bovon que j'ai citée précédemment. Malheureusement le passage du commentaire de Bovon (1996) sur le passage concerné n'est pas consultable en ligne.

    Il faut observer que, dans la Peshitta, le même verbe est utilisé dans Jude 1:12, dans le passage où il est question de "nuages sans eau emportés par les vents", grec anemôn paraphenomenai.

    Se souvenir que les "météores" des Grecs incluent toutes sortes de phénomènes, hétéroclites pour nous, que nous appellerions atmosphériques et aussi spatiaux, astronomiques. Dont les vents. Dont les planètes (les "errantes") qui "errent" dans le ciel, par rapport aux étoiles fixes.

  • Je trouve : "the verbal form in Luke 12:29 meaning probably 'to search the sky in anxiety'". Ici l'interprétation évoquant le sentiment d'anxiété serait liée au fait de scruter le ciel à la recherche de météores, ce en quoi consisterait d'abord l'activité de 'météoriser' ?

    Ce passage figure dans un article de I. Bugar, page 79, note 38, dans F. Young et alii, eds., Papers presented at the Fourteenth International Conference on Patristic Studies held in Oxford 2003. Studia Patristica XLII, Peeters, Louvain, 2006. Le passage est visible en ligne.

  • Je contacte István Bugár, université de Debrecen, pour essayer d'avoir des précisions.

  • L'interprétation figurant dans Bugar n'est pas sans rappeler celle d'Erasme, "And do not be gazing fixedly up at the sky, taking note of all the storm warnings, panicking every time the stars threaten shortage in the grain supply".

    Note : "We should not be anxious about the things in the clouds and the upper reaches of the air; he proposes that the term refers to those who try to predict the furure from the movements of the stars, a characteristic, he says, of rich men and princes".

    Page 37, et note 30 in Collected Works of Erasmus, Paraphrase in Luke 11-24, John Phillips, ed., University of Toronto Press, 2003.

  • Interprétation "don't get lifted up by false hopes" ici (suite d'un message d'un autre auteur) :

    http://lists.ibiblio.org/pipermail/b-greek/2003-August/025913.html

  • On peut essayer de mettre tout le monde d'accord avec "ne vous méterrorisez pas" [humour...].

  • Ce serait embêtant, vu qu'une partie du charme de ces discussions, c'est que les gens ne sont justement pas d'accord. Dans un autre genre, c'est comme les commentaires sur les matches de foot.

  • @AF
    Oui, restons les pieds sur terre, ne lévitons pas.

  • Ce que je ne saisis pas bien dans l'interprétation d'Erasme ou dans celle de Bugar, c'est qu'elles laisseraient attendre un verbe à la voix active.

  • Pour les amateurs, l'opuscule de Dressig semble intégralement disponible en ligne.

  • An inordinate anxious pursuit of the things of this world, even necessary things, very ill becomes the disciples of Christ (v. 29, v. 30): "Whatever others do, seek not ye what ye shall eat, or what ye shall drink; do not you afflict yourselves with perplexing cares, nor weary yourselves with constant toils; do not hurry hither and thither with enquiries what you shall eat or drink, as David’s enemies, that wandered up and down for meat (Ps. 59:15 ), or as the eagle that seeks the prey afar off, Job. 39:29 . Let not the disciples of Christ thus seek their food, but ask it of God day by day; let them not be of doubtful mind; me meteorizesthe —Be not as meteors in the air, that are blown hither and thither with every wind; do not, like them, rise and fall, but maintain a consistency with yourselves; be even and steady, and have your hearts fixed; live not in careful suspense; let not your minds be continually perplexed between hope and fear, ever upon the rack.’’

    Matthew Henry, Commentary of the Whole Bible, 1708-1710.

  • speak white, please

  • Meteorizesthai is peculiar to St Luke, and of frequent recurrence in the medical writers in various significations.

    William K. Hobart, The Medical Language of St Luke, 1882.

    Hobart donne une série de références chez Hippocrate, Galien, Dioscoride, etc.

  • On aimerait en savoir plus. Mais par exemple meteorizesthai chez Hippocrate = souffrir de flatulence...

  • Evidemment. En français "météorisme". Tous les éleveurs connaissent. Mais ça n'a aucun rapport avec l'évangile.

  • Nous devons à un érudit allemand, Siegmund Friedrich Dresig (1700-1742) une monographie de 26 pages publiée en 1734, et entièrement consacrée à l'hapax néo-testamentaire meteôrizesthai :

    http://reader.digitale-sammlungen.de/resolve/display/bsb11052610.html

  • L'expression "hapax néo-testamentaire" est biaisée. Elle veut faire croire à un hapax, mais la précision montre que le mot se trouve dans la Septante, et le Nouveau Testament est en très étroites relations avec la Septante. Ce n'est donc pas un hapax. ce peut même être au contraire un appel à aller voir l'Ancien Testament.

  • Deux autres papyrus grecs avec meteōrizomai au sens d'éprouver de l'inquiétude, p. 72, note 68 dans Ceslas Spicq, Dios y el hombre en el Nuevo Testamento, 1979. Passage lisible sur Internet.

  • À Yves Daoudal :

    (1) Bien sûr que je connais 'météorisme'.
    (2) L'expression "hapax néo-testamentaire" est, comme toujours quand on parle d'hapax, strictement caractérisante pour la fréquence dans un texte spécifié (ou ensemble de textes), sans tenir compte d'autres. On peut ainsi parfaitement écrire que tel mot est un hapax chez Platon. Ce mot ne figure qu'une fois dans le NT. L'emploi du mot n'est donc nullement biaisé : je n'ai aucun intérêt à induire une préconception chez le lecteur, n'ayant aucune thèse personnelle sur le fameux mot, et pour cause.

  • Ce n'est pas vous que je vise, c'est l'emploi de l'expression "hapax néotestamentaire", car il fait croire qu'on peut analyser le Nouveau Testament indépendamment de l'Ancien, ce qui est faux, voire hérétique.

  • Entrée 'meteôrizomai' de K. Deissner, p. 590 in Gerhardt Kittel et Gerhard Friedrich, Theological Dictionary of the New Testament. Abridged in one volume. 1985.

    Page visible en ligne.

  • Je ne vois pas où vous voulez en venir avec votre déluge de bribes de références, dont plusieurs sont invérifiables et d’autres sont hors sujet. Quand à celle-ci (dix lignes qui reprennent les hypothèses sans références) elle n’a pas d’intérêt.

    Ce que j’ai simplement voulu dire est que si Luc, ou plutôt Jésus, avait voulu dire anxieux, ou tourmenté, il aurait utilisé un mot qui veut dire anxieux ou tourmenté et que tout le monde comprenne ainsi : il y en a plusieurs qui peuvent faire l’affaire.
    Traduire par anxieux, ou tourmenté, c’est détruire ce qui fait l’originalité du texte pour l’aligner sur les autres. Ce qu’avaient déjà fait les anciennes versions latines. Et c’est sans doute saint Jérôme qui a corrigé ces versions en traduisant réellement le verbe grec.

    Et j’ai la faiblesse de penser que saint Jérôme parlait latin et grec mieux que les “spécialistes” modernes.

  • À Yves Daoudal :

    Une très ancienne habitude, multiséculaire, non déraisonnable, est que, à propos d'un problème de compréhension et donc de traduction, on cherche à s'informer de ce que les uns et les autres ont pu en dire. Puis on confronte, on trie, on rejette, on discute. Vous avez une thèse, raisonnable et respectable, mais ce n'est pas la seule, à ce qu'il paraît. On peut constater le fait.

    Personne ne doute de la compétence de Jérôme, mais si les érudits européens et occidentaux depuis des siècles perdent leur temps, il vaut mieux se taire.

    A Théofrède :

    Votre recommandation de "speak white" est peut-être due à un agacement devant une citation que j'ai eu l'impolitesse de faire en anglais (mais je n'en suis pas sûr). Si c'est le cas, dans un contexte où il est question de traduction, cet appel est insolite.

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