L’office et la messe sont ceux de « l’ancienne » octave de l’Epiphanie, en dehors des oraisons et de l’évangile (et des lectures des matines). Le bréviaire romain n’avait pas gardé les antiennes spécifiques que l’on trouvait en de très nombreux lieux, et dans le bréviaire dominicain qui les a gardées. Ces antiennes ont clairement une saveur byzantine.
Les voici sur l’antiphonaire d’Hartker (Saint-Gall, fin du Xe siècle) :
Veterem hominem renovans Salvator venit ad baptismum, ut naturam quae corrupta est, per aquam recuperaret : incorruptibili veste circumamictans nos.
Le Sauveur, renouvelant le vieil homme, vient au baptême, afin de régénérer par l’eau la nature corrompue ; il nous revêt d’un vêtement incorruptible.
Te, qui in Spiritu et igne purificas humana contagia, Deum et Redemptorem omnes glorificamus.
Vous qui, dans l’Esprit et dans le feu, purifiez l’humaine contagion, nous vous glorifions, notre Dieu et Rédempteur !
Baptista contremuit, et non audet tangere sanctum Dei verticem; sed clamat cum tremore: Sanctifica me, Salvator.
Le Baptiste tremble et n’ose toucher la tête sacrée de Dieu. Dans sa frayeur, il s’écrie : Sanctifiez-moi, ô Sauveur !
Caput draconis Salvator contrivit in Jordane flumine, et ab ejus potestate omnes eripuit.
Le Sauveur a brisé, dans le fleuve Jourdain, la tête du dragon ; il nous a tous arrachés à sa puissance.
Magnum mysterium declaratur hodie, quia Creator omnium in Jordane expurgat nostra facinora.
Un grand mystère est déclaré aujourd’hui : le créateur de toutes choses lave nos crimes dans le Jourdain.
Après ces antiennes des psaumes des laudes, on voit sur le manuscrit l’antienne du Benedictus :
Præcursor Joannes exultat cum Jordane: baptizato Domino facta est orbis terrarum exultatio, facta est peccatorum nostrorum remissio. Sanctificans aquas, ipsi omnes clamemus: Miserere nobis.
Jean le Précurseur exulte avec le Jourdain ; le Seigneur ayant été baptisé, ce fut une exultation de toute la terre, ce fut la rémission de nos péchés. Sanctifiant les eaux, crions tous : Ayez pitié de nous.
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Il y avait aussi des antiennes pour le Magnificat.
Aux premières vêpres :
Baptizat miles Regem, servus Dominum suum, Joannes Salvatorem: aqua Jordanis stupuit, columba protestabatur : paterna vox audita est: Hic est Filius meus.
Le soldat baptise son Roi, l’esclave son maître, Jean son Sauveur ; l’eau du Jourdain s’est arrêtée d’étonnement, la Colombe a rendu témoignage, la voix du Père s’est fait entendre : Celui-ci est mon Fils.
Aux deuxièmes vêpres :
Fontes aquarum sanctificati sunt, Christo apparente in gloria: orbis terrarum, haurite aquas de fonte Salvatoris : sanctificavit enim tune omnem creaturam Christus Deus noster.
Les sources des eaux furent sanctifiées au moment où le Christ apparaissait dans sa gloire. Toute la terre, venez puiser les eaux dans la source du Sauveur ; car le Christ notre Dieu sanctifie aujourd’hui toute créature.
Commentaires
Heureux, les adeptes de la forme ordinaire de la liturgie romaine et des magnifiques textes propres (antiennes, hymnes, répons, lectures) qu'elle propose, tant pour la messe que pour l'office de cette fête ! (Adeptes qui profitent d'autant mieux de ces textes que le Baptême du Seigneur est maintenant célébré le dimanche.)
De fait la liturgie de l'octave de l'Epiphanie est bancale, et le changement de nom aurait dû s'accompagner d'un changement du formulaire, en dehors de ce qui est déjà propre à la fête, comme les deux premiers répons des matines (et les lectures, dont le splendide extrait de saint Grégoire de Nazianze).
Mais la néo-liturgie a modifié les antiennes (sauf une je crois), les a mélangées à des antiennes nouvellement fabriquées, et les a redistribuées de façon arbitraire, la première des laudes devenant celle du Magnificat.