Evangile éthiopien, début du XVIe siècle
Mais le Christ qui connaissait l’avenir, qui pénétrait tous les secrets, qui était le Juge des pensées, le Scrutateur des esprits, pourquoi a-t-il abandonné à leur sort ceux qu’il savait que l’on recherchait à cause de Lui, sachant très bien qu’ils seraient tués pour Lui ? A sa naissance, pourquoi un roi, Le Roi céleste, néglige-t-il les soldats de son innocence, pourquoi méprise-t-il une armée du même âge que Lui ? Pourquoi renvoie-t-il les sentinelles qui veillent sur les berceaux, pour que l’ennemi qui ne cherchait que le Roi extermine tous les soldats ?
Mes frères, le Christ n’a pas dédaigné ses propres soldats, mais il a envoyés en première ligne ceux à qui il a donné de triompher avant de vivre, et de remporter la victoire avant de combattre; ceux à qui il a donné des couronnes avant de leur donner des membres. Il a voulu qu’en eux les vertus fassent leur apparition avant les vices. Ils ont possédé le ciel avant la terre, et ils se sont introduits dans les choses divines avant de s’insérer dans les choses terrestres. Le Christ a donc envoyé ses soldats en éclaireurs, il ne les a pas perdus. Il ne les a pas abandonnés, mais il les a accueillis.
Bienheureux sont ceux que le martyre a fait naître sous nos yeux, non le monde. Bienheureux ceux qui ont échangé le labeur pour le repos, les souffrances pour le rafraîchissement, les douleurs pour la joie. Ils vivent, oui, ils vivent, ceux qui vivent vraiment, ceux qui ont obtenu d’être mis à mort pour le Christ. Bienheureux les ventres qui ont porté de tels enfants ! Bienheureuses les mamelles qui ont allaité de tels nourrissons ! Bienheureuses les larmes qui, répandues pour de tels bébés, ont apporté à celles qui pleuraient la grâce baptismale ! Car, de façon différente, mais dans un don unique, les mères sont baptisées dans leurs larmes, et leurs fils dans leur sang. Ce sont les mères qui ont souffert dans le martyre de leurs fils. Car le glaive qui transperçait les membres des fils se rendait jusqu’au cœur des mères, et il est nécessaire qu’elles aient part à la récompense, celles qui ont pris part à la passion. Le poupon souriait au meurtrier, le bébé prenait le glaive pour un jouet, le nourrisson qui croyait attendre le lait de la nourrice attendait en réalité le coup de poignard horrible de l’assassin. Sur le point de mourir, l’enfant qui n’avait pas encore ouvert les yeux à la lumière se réjouissait, car l’enfant considère tout homme comme son parent, non son ennemi. Les mères éprouvèrent tout ce qu’il y a eu en fait d’angoisse et de douleur, et c’est pour cela que la joie du martyre ne fit pas défaut à celles qui avaient versé les larmes du martyre.
Que l’auditeur ici soit très attentif ! Qu’il écoute avec la plus grande attention, pour pouvoir comprendre que le martyre ne provient pas du mérite, mais de la grâce. Dans les nourrissons, où est la volonté, où est le libre arbitre ? La nature elle-même y est encore captive. Pour tout ce qui se rapporte au martyre, nous devons tout à Dieu et rien à nous-mêmes. Vaincre le démon, livrer son corps à la torture, mépriser son corps, épuiser les tourments, lasser les tortionnaires, se glorifier des injures, demander la vie à la mort, non, cela ne vient pas de la vertu stoïcienne, c’est un don de Dieu. Celui qui court au martyre par sa propre vertu ne parvient pas à la couronne par le Christ. Mais Il nous conduit au pâturage céleste Celui qui a daigné dormir dans notre étable, Jésus-Christ le Nazaréen, notre Seigneur qui vit et règne dans les siècles des siècles. Amen.
Saint Pierre Chrysologue, fin du sermon 152.
Commentaires
Je pense aux milliards des bébés assassinés dans le ventre de leur mère. A la différence des Saints Innocents massacrés par les soldats du tyran, les bébés avortés sont assassinés par ceux qui leur ont donné la vie et qui devraient les protéger, les soigner, les aimer. Prions que Dieu , dans sa miséricorde leur accorde les privilèges des Sts Innocents. Mais nous le saurons qu'au jugement dernier de peur que les avorteurs se vantent de remplir le paradis (comme certains le font déjà, parmi des protestants et des catholiques). En attendant, l'Eglise nous demande de croire qu'ils sont aux Limbes.
Sermon sublime mais hélas inaudible par beaucoup en ces temps de déculturation et surtout d'apostasie presque générale.