Voici le début du sermon 57 de saint Pierre Chrysologue, prélude à son explication du Credo.
Le bienheureux Isaïe, qui n’est pas moins évangéliste que prophète, déplore avoir les lèvres impures et habiter au milieu d’un peuple ayant les lèvres impures, en disant : Misérable que je suis ! Je suis tout troublé car, bien que je sois un homme et que j’aie les lèvres impures, et que j’habite au milieu d’un peuple ayant les lèvres impures, j’ai vu de mes yeux le Roi et Seigneur Sabaoth. Cet homme est foudroyé par une détresse inhumaine, parce que ce qu’il entend et voit de Dieu il ne peut pas en parler, il ne peut l’annoncer, il ne peut le déclarer. La chair se contracte, l’âme resserre les lèvres, seule la langue peut se faire pendant un bref moment l’interprète de l’esprit. Dans la chair, un feu séquestré halète, se vaporise dans les veines, enflamme les viscères, consume la moelle, incendie sans arrêt toutes les parties internes. Car ce que le mouvement passionné de l’âme contemple ne peut pas être exprimé par la bouche, ne peut pas être articulé par les lèvres, ni balbutié par la langue. En somme, il est absolument impossible d’en faire un exposé. C’est pourquoi Isaïe, quand il vit le roi du ciel qui est le Christ et perçut par une claire vision que c’est Lui qui était le Seigneur Sabaoth, déplora que ses lèvres et celles de son peuple étaient impures. Car la confession de la divinité du Christ illumine les cœurs, rince la bouche, purifie les lèvres, mais la négation de la majesté du Christ les pollue. Mais écoutons le gémissement émis par ce prophète : Et m’a été envoyé un des séraphins, qui tenait dans sa main un charbon, qu’il avait pris de l’autel avec des tenailles , et il toucha mes lèvres en disant : voici que tes lèvres ont été touchées par ce charbon : il a enlevé tes iniquités, et t’a purgé de tes péchés sur tout le pourtour de tes lèvres.
Ce n’est pas le moment de se demander pourquoi un seul a été envoyé, et quel est celui qui a été envoyé, et quelle est la grandeur de celui qui manipule ainsi sans crainte le charbon du feu céleste, et qui va même jusqu’à tempérer l’ardeur du feu en le touchant, de façon à purifier les lèvres du prophète et non à les calciner. Mais nous maintenant, avec toute la ferveur de notre âme, suscitons en nous des sentiments de componction, et dans cette misère de notre chair, reconnaissons que nous sommes misérables, et déplorons par de pieux gémissements que nous avons des lèvres impures, pour qu’un de ces séraphins, avec les tenailles de la loi de la grâce, nous apporte de l’autel céleste le sacrement igné de la foi. Pour qu’en calmant l’ardeur du feu, il touche les commissures de nos lèvres, enlève les iniquités, nous purge de nos péchés, et allume ainsi dans notre bouche la flamme d’une confession pleine et entière. Pour qu’il nous apporte le salut et non la torture. Demandons aussi que, jusqu’à nos cœurs, parvienne la chaleur de ce charbon, pour que la suavité d’un tel mystère ne soit pas seulement goûtée par les lèvres, mais que les sens et l’esprit en soient rassasiés.
Après la purification des lèvres, Isaïe parle de l’enfantement ineffable de la Vierge en ces mots : Voici que la Vierge recevra en son sein et enfantera un Fils. De la même façon nous, nous proclamons la gloire du sacrement de la passion et de la résurrection.