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« Une langue qui vous est inconnue »

Au hasard de mes pérégrinations sur internet, je suis tombé sur un opuscule intitulé « De l’institut des carmélites réformées par Ste Thérèse » avec en sous-titre : « Ouvrage très utile à toutes les communautés de filles, pour y maintenir l’esprit de prière et de recueillement ». Le livre, imprimé à Bar-le-Duc en 1739, écrit par un certain abbé d’Hauteserre, et muni de la chaleureuse approbation du célèbre abbé de Vence, était d’abord destiné aux carmélites de Montauban, comme on le voit dans l’adresse à « la Reine de Pologne, duchesse de Lorraine et de Bar ».

Les chapitres 11 et 12 concernent l’office divin. L’auteur souligne : « Cette Prière se fait dans une langue qui vous est inconnue. » Au commencement de l’Eglise, poursuit-il, on voit que des fidèles se levaient et priaient avec ferveur en des langues qu’ils ne connaissaient pas. Eh bien les carmélites doivent faire la même chose : « Imitez-les, mes chères sœurs, en quelque sorte, et en récitant l’office dans une langue qui vous est inconnue, entrez, comme les premiers fidèles, dans des transports d’amour, de joie, de reconnaissance ; et malgré l’obscurité des psaumes, vous y trouverez une onction abondante. »

Nulle part le brave abbé ne demande aux carmélites d’apprendre le latin. De réclamer un professeur de latin. Non. Cette langue leur est inconnue et doit le rester. Et l’abbé d’Hauteserre d’expliquer aux religieuses quelles « prières mentales » elles doivent élaborer dans leur tête pendant qu’elles récitent l’office ! Pendant le premier nocturne des matines, ce sont des « sentiments d’adoration », pendant le deuxième nocturne elles doivent « former des actes de demande et de supplication pour tous (leurs) besoins » et « employer l’intercession des saints », etc.

Bref, pendant qu’elles disent en latin les psaumes qui sont la prière donnée par Dieu à l’Eglise, elles ne doivent pas essayer de comprendre de quoi il s’agit, mais inventer leurs petites prières personnelles…

On voit que dans l’Eglise aussi, au XVIIIe siècle, on marchait sur la tête. Et que le mouvement liturgique était devenu une urgente nécessité. Il n’était hélas pourtant pas pour tout de suite.

Commentaires

  • De tout temps il y a eu des dérives liturgiques.
    Voir par exemple la polyphonie et les vèpres épouvantables dans ce genre là:

    http://culturebox.francetvinfo.fr/live/musique/musique-classique/les-vepres-de-monteverdi-a-versailles-150337

  • Permettez-moi de faire observer que c'est ce que prône toujours l'Église avec le Rosaire. On dit des paroles et l'on pense à autre chose (méditation des mystères).

    C'est pourquoi avant le catastrophique "Mouvement liturgique", comme le faisait observer l'abbé Haughton, on pouvait assister à la messe et faire oraison... voire, disait-il avec son humour anglais... dormir.

    Le comble: on pouvait assister à la messe en récitant le chapelet. Il y avait alors superposition de trois prières : deux vocales, une mentale. On pouvait aussi suivre dans son missel, bien sûr !

    Les gens étaient plus libres qu'ils ne le sont aujourd'hui, comme le faisait observer l'abbé Haughton.

    Votre livre n'est donc pas inepte, il est au contraire instructif et rassurant. Le ressort du discours du célébrant de 2014: ont-ils tout compris ? On n'en était pas à la torture du célébrant au discours anxieux et anxiogène d'aujourd'hui.

    Vivement que revive la liberté catholique !

    Quant aux vêpres de Monteverdi, je suis loin de les trouver "épouvantables".

  • l'abbé Houghton, si c'est celui qui habitait en Ardèche à Viviers.

  • Les religieux sont « astreints » à l’office, c’est-à-dire essentiellement à la récitation du psautier, parce que les psaumes sont la prière donnée par Dieu à l’Eglise. Les psaumes ont le Christ pour sujet essentiel, et la prière des psaumes est à la fois la meilleure prière possible et la meilleure école de prière. Il est insensé d’en faire un fond sonore sur lequel on met sa petite prière personnelle. C’est dire au Christ « je sais mieux prier que toi ». C’est se priver du plus grand trésor de la prière chrétienne, c’est verrouiller la porte qui ouvre sur l’escalier conduisant insensiblement à l’union à Dieu, en conformant peu à peu l’âme du priant à l’âme du Christ, à la vie du Christ.

    C’est comme si le prêtre qui dit la messe récitait le canon sans faire attention à ce qu’il dit, en y superposant sa petite prière personnelle qui seule compte. A la limite sa messe est invalide, puisqu’il n’agit pas avec l’intention de faire ce que fait l’Eglise.

  • Merci pour cet excellent post.
    Quand on sait que la "spiritualité du Carmel" a envahi l'ensemble des communautés religieuses aux 18-19 siècles - même les Ordres monastiques, notamment celui des trappistes... - on comprend la "nécessité du Mouvement Liturgique".
    Que par la suite ce Mouvement ait dévié, ou ait été dévié, c'est là une autre question - j'espère que vous nous en reparlerez !

    On a essayé de faire entrer ces Vêpres de Monteverdi - et le reste de ce genre... - sous la rubrique "Musique Sacrée", à l'encontre de toute évidence.
    Il s'agit tout au plus d'un pieux concert.
    Mais cela peut excuser les auteurs spirituels de l'époque, pour lesquels "liturgique" était synonyme de "mondain".
    Qui voulait prier vraiment se voyait condamné à réciter son chapelet au cours d'une messe basse...

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