Satan et Hadès discutaient ainsi, quand une voix tonna : « Élevez vos frontons, princes. Élevez-vous, portes éternelles, et le roi de gloire entrera. » A ces mots, Hadès dit à Satan : « Va-t-en, si tu es vaillant, et livre-lui bataille. » Satan sortit. Alors Hadès dit à ses démons : « Fermez bien les portes de bronze, poussez les barres de fer, renforcez les verrous, exercez une surveillance sans relâche. Car s'il descend chez nous, il deviendra notre maître. »
Nos ancêtres, en entendant ces paroles, éclatèrent en invectives : « Glouton, éternel affamé, disaient-ils, ouvre donc et laisse entrer le roi de gloire. » David le prophète disait : « Ne sais-tu pas, aveugle, que lorsque je vivais sur terre, j'ai lancé cette prophétie : Princes, élevez vos frontons » ? Isaïe à son tour : « Et moi, averti par le Saint-Esprit, j'ai écrit : Les morts ressusciteront, et ils se réveilleront, ceux qui dorment dans les tombeaux, et ils exulteront, ceux qui vivent sur la terre. Et j'ai dit : Où est, mort, ton aiguillon ? Où, enfer, ta victoire ? »
La voix à nouveau retentit : ouvrez vos portes. En entendant cette parole pour la seconde fois, Hadès demanda, comme s'il ne savait pas : « Quel est ce roi de gloire ? » Les messagers du Maître lui dirent : « C'est le Seigneur le fort, le vaillant, le Seigneur vaillant des combats ~. » A peine avaient-ils prononcé ces mots que les portes de bronze se fracassèrent, et les barres de fer se rompirent et tous les morts furent déliés des chaînes qui les retenaient, et nous avec eux. Et le roi de gloire entra, sous l'aspect d'un homme, et les ténèbres de l'enfer devinrent éblouissantes.
Aussitôt Hadès cria : « Nous sommes vaincus ! Malheur à nous ! Mais qui es-tu donc, toi qui possèdes une telle puissance et un tel empire ? Qui es-tu, toi qui es venu ici exempt de faute ? Toi qui parais petit et réalises de grandes choses, toi qui es humble et sublime, esclave et maître, soldat et roi, toi qui commandes aux morts et aux vivants ? Tu fus cloué en croix et déposé au tombeau, et te voilà soudain libre et tu as anéanti notre royaume. Es-tu ce Jésus, dont Satan, notre chef suprême, nous a parlé, nous disant que la croix et la mort te feraient hériter le monde entier ?
Alors le roi de gloire empoigna par le sommet de la tête le chef suprême, Satan, et le livra aux anges, disant : « Mettez-lui des chaînes aux mains et aux pieds, au cou et à la bouche. » Puis, le donnant à Hadès, il dit : « Prends-le et surveille-le étroitement jusqu'à mon retour. »
Hadès reçut Satan et lui dit : « Belzébuth, héritier du feu et du châtiment, ennemi des saints, qu'est-ce qui t'a poussé à faire crucifier le roi de gloire ? Il est descendu chez nous et nous a dépouillés. Retourne-toi et vois il ne me reste plus de morts. Tous ceux que tu avais gagnés par le bois de la connaissance, la croix te les a repris. Tes délices se sont changées en douleur. En voulant tuer le roi de gloire, tu t'es tué toi-même. Je t'ai reçu avec mission de bien te garder. Eh bien, tu sauras d'expérience quels maux je suis capable d'infliger. O chef des diables, prince de la mort, racine du péché, comble du mal ! Quel vice trouvais-tu en Jésus pour désirer sa perte ? Comment as tu osé lui nuire ? Pourquoi as-tu cherché à faire choir dans les ténèbres un homme qui t'a enlevé tous ceux qui depuis l'origine étaient morts ? »
Hadès parlait encore à Satan quand le roi de gloire étendit sa main, saisit Adam notre premier père, et le ressuscita . Puis, se tournant vers les autres, il dit : « Venez avec moi, vous tous qui devez votre mort au bois que celui-ci a touché. Car voici : je vous relève tous par le bois de la croix ! » Alors il les fit tous sortir, et l'on vit notre premier père Adam rempli de joie : « Je rends grâce à ta magnanimité, Seigneur, disait-il, car tu m'as fait remonter du fond des enfers. » Et tous les prophètes et tous les saints disaient : « Nous te rendons grâces, Seigneur, sauveur du monde, qui as tiré nos vies de la corruption. »
Et tandis qu'ils parlaient, le Seigneur bénit Adam en marquant son front du signe de la croix. Il fit le même geste avec les patriarches et les prophètes, les martyrs et les ancêtres, et d'un bond les fit sortir de l'enfer. Et pendant qu'il marchait, les saints pères chantaient derrière lui, et disaient : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Alléluia. A lui la louange de tous les saints. »
Actes de Pilate (ou Evangile de Nicodème), 21-24.
Commentaires
" Ceci arriva dans la dix-huitième année de l'empire de Tibère, César, empereur des Romains, et d'Hérode, fils d'Hérode, empereur de Galilée, l'an dix-huitième de sa domination, le huit des calendes d'avril, qui est le vingt-cinquième jour du mois de mars sous le consulat de Rufin et de Rubelius ; la quatrième année de la deux-cent deuxième olympiade lorsque Joseph et Caïphe étaient grands-prêtres des Juifs ; et Nicodème écrivit alors en lettres hébraïques, le récit de tout ce qui s'était passé lors du Crucifiement du Seigneur et après sa Passion."
C'est le préambule de l'évangile de Nicodème.
Ce système de datation est incohérent à bien des égards.
La 18e année de Tibère courait d'août 31 à août 32 et serait en avance d'une année. Le Christ est mort début 33, la 19e année de Tibère.
Le Christ est mort le 3 avril 33 (certains disent à tort le 7 avril 30) mais non un 25 mars.
Le consulat de Rufin et de Rubelius indique l'an 29 de notre ère, qui est en réalité la 15e année de Tibère (d'août 28 à août 29) et le début de la prédication de Jean-Baptiste dans la vallée du Jourdain. (Consuls en 29 : Caius Fufius Geminus (janv. - juin) Lucius Rubellius Geminus (janv. - juin) d'après Wikipédia). Tertullien les appelle les deux Gemini, mais pour lui le Christ serait mort l'année même de son baptême, ce qui est impossible.
La quatrième année de la 202e olympiade va de juillet 32 à juillet 33 et serait exacte : le Christ est mort à Pâque 33.