Pie XI, en 1931, avait introduit cette fête, 1.500 ans après le Concile d'Ephèse, qui avait légitimé pour Marie le titre de Theotókos, Dei Genitrix. Dans ce grand mot de Dei Genitrix, de Theotókos, le Concile d'Ephèse avait résumé toute la doctrine du Christ, de Marie, toute la doctrine de la rédemption. Et il vaut donc la peine de réfléchir un peu, pendant un instant, sur ce dont parle le Concile d'Ephèse, ce dont il parle en ce jour.
En réalité, Theotókos est un titre audacieux. Une femme est la Mère de Dieu. On pourrait dire: comment est-ce possible? Dieu est éternel, il est le Créateur. Nous sommes des créatures, nous sommes dans le temps: comment une personne humaine pourrait-elle être la Mère de Dieu, de l'Eternel, étant donné que nous sommes tous dans le temps, que nous sommes tous des créatures? L'on comprend donc qu'il existait une forte opposition, en partie, contre ce mot. Les nestoriens disaient: on peut parler de Christotokos, oui, mais pas de Theotókos. Théos, Dieu, est au-delà, au-dessus des événements de l'histoire. Mais le Concile a décidé cela et précisément ainsi, il a mis en lumière l'aventure de Dieu, la grandeur de ce qu'Il a fait pour nous. Dieu n'est pas demeuré en lui: Il est sorti de lui, il s'est tellement uni, de manière si radicale avec cet homme, Jésus, que cet homme Jésus est Dieu, et si nous parlons de Lui, nous pouvons toujours également parler de Dieu. Ce n'est pas seulement un homme qui avait à faire avec Dieu qui est né mais, en Lui, Dieu est né sur la terre. Dieu est sorti de Lui-même. Mais nous pouvons également dire le contraire: Dieu nous a attirés en Lui, de sorte que nous ne sommes plus hors de Dieu, mais que nous sommes en lui, dans l'intimité de Dieu même.
La philosophie aristotélicienne, nous le savons bien, nous dit qu'entre Dieu et l'homme existe seulement une relation non réciproque. L'homme se réfère à Dieu, mais Dieu, l'Eternel, est en Lui, Il ne change pas: Il ne peut avoir aujourd'hui cette relation et demain une autre. Il demeure en lui, Il n'a pas de relation ad extra. C'est un terme très logique mais qui conduit au désespoir: donc Dieu n'a pas de relation avec moi. Avec l'Incarnation, avec l'événement de la Theotókos, ceci a été modifié de manière radicale parce que Dieu nous a attirés en Lui-même et Dieu en tant que tel est relation, et nous fait participer de sa relation intérieure. Ainsi, nous sommes dans son être Père, Fils et Saint-Esprit, nous sommes à l'intérieur de son être en relation, nous sommes en relation avec Lui et Lui a réellement créé une relation avec nous. En ce moment, Dieu voulait être né d'une femme et être toujours Lui-même: tel est le grand événement. Ainsi, nous pouvons comprendre la profondeur de l'acte du Pape Jean XXIII qui confia l'assemblée conciliaire, synodale, au mystère central, à la Mère de Dieu qui est attirée par le Seigneur en Lui-même et ainsi nous tous avec Elle.
Commentaires
Benoît XVI enseigne avec profondeur que Aristote, immense philosophe, n'est pas considéré comme l'alpha et l'omega par les chrétiens. Ainsi Gilson enseignait que saint Thomas avait une conception originale de l'acte d'être. Conception restée étrangère à Aristote.
Quel mystère que celui de l'être humain !
Dans un de vos ouvrages, monsieur Daoudal, vous écrivez que Caïphe ouvrant sa porte et voyant les arbres fruitiers en fleur, la referma en décidant que l'hiver était toujours là. C'est le drame de beaucoup d'humain : décider que l'hiver est là et qu'il ne cessera jamais.
L'être humain est sacré, mis à part pour Dieu, la raison l'établit. Il est d'un ordre transcendant les données terrestres. Mais puisqu'une femme de la race d'Adam, donc de sa race, est "mère de Dieu" la foi le confirme et porte cette vérité à une distance "infiniment plus infinie" par rapport aux simples données de la raison.
Il reste vrai que, humainement et rationnellement parlant, Dieu demeure transcendant et totalement inaccessible à l'homme.
Mais ce qui est vrai dans un sens : l'homme ne peut par lui-même accéder à Dieu, ne l'est pas vrai dans l'autre : Dieu peut se pencher vers l'homme et venir à lui, car il est tout-puissant. Il peut sortir de lui-même.
Dieu a donc pu s'incarner dans une Vierge.