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20e dimanche après la Pentecôte

Chez saint Matthieu et saint Luc, la scène se passe à Capharnaüm. Chez saint Jean, elle se passe à Cana (avec effet à Capharnaüm).

Chez saint Matthieu et saint Luc, l’homme est un centurion. Chez saint Jean, c’est un « basilikos », dit le texte grec : ce mot est un adjectif qui veut dire « royal ». Il peut être employé comme nom, et ici il voudrait donc dire « officier royal » (d’Hérode Antipas). Mais la Vulgate a traduit par « regulus », littéralement « petit roi », « roitelet » (c’est aussi le nom de l’oiseau).

Chez saint Matthieu et saint Jean, le centurion (ou basilikos) va en personne voir Jésus. Chez saint Luc, il envoie une ambassade.

Chez saint Matthieu, la personne « près de mourir » est en grec un « pais » : un serviteur, ou un enfant. Chez saint Luc, c’est aussi un « pais », quand le centurion s’adresse à Jésus, mais au début et à la fin de l’histoire il est qualifié de « doulos » : esclave. Chez saint Jean, c’est clairement le « fils » du « basilikos ».

Chez saint Matthieu et saint Luc, Jésus s’émerveille de la « grande foi » de ce païen de centurion. Chez saint Jean, il reproche un manque général  de foi, chez le basilikos comme chez les autres : « Si vous ne voyez pas des signes et des prodiges, vous ne croyez pas. »

Il s’agit pourtant d’un seul et même épisode, raconté de façon différente selon le projet de chaque évangéliste. Saint Jean reconstruit l’histoire pour faire un parallèle avec le miracle de Cana : les deux épisodes montrent la progression de la foi, depuis l’incrédulité jusqu’à l’épanouissement dans la vie éternelle. Ici, quand Jésus dit : « Ton enfant vit », saint Jean emploie le verbe « vivre » habituel, mais c’est le mot qui partout ailleurs dans son évangile désigne explicitement la vie éternelle. La vie de l’enfant est ici l’équivalent du vin de Cana.

Ce qui montre indiscutablement qu’il s’agit d’un seul et même épisode, c’est l’emploi des mêmes mots au même moment crucial où le centurion-roitelet croit à la parole de Jésus. « Cet homme crut en la parole que Jésus lui avait dite », lit-on chez saint Jean. « Dis, par (ta) parole », et mon serviteur (ou mon enfant) sera guéri, lit-on dans saint Matthieu et saint Luc. Avec cette construction étrange qui attire l’attention : non pas « dis une parole », mais « dis, par (ta) parole » : par le Verbe, car il n’y a pas d’adjectif possessif dans le texte. Et c’est bien le mot Logos qui est utilisé, les trois fois au datif dans les trois évangiles, et c’est aussi le même mot qui est utilisé pour « dire » (alors qu’il y a plusieurs autres mots en grec pour dire « parole » ou « dire ») : « eipe logo » (Matthieu), « eipe logo » (Luc) « to logo ho eipen » (Jean).

Au centre du récit était le Verbe. La foi dans le Verbe qui est dit. La foi qui est ex auditu, par l’audition de la Parole. La Parole qui a guéri l’enfant (ou serviteur) du centurion, et qui me guérit, comme je l’affirme en reprenant à mon compte le mot du centurion avant de communier au Verbe fait chair : « Domine, non sum dignus (…) sed tantum dic verbo et sanabitur anima mea »…

N.B. Histoire de poursuivre une discussion récurrente sur ce blog, on remarquera que le dialogue de cet évangile ne peut être qu’en grec. Qu’il s’agisse d’un officier de l’armée romaine qui parle grec pour se faire comprendre partout dans l’empire, ou d’un officier royal de la cour d’Hérode Antipas, souverain hellénisé jusqu’à l’os régnant dans sa toute nouvelle capitale Tibériade entièrement gréco-latine.

Commentaires

  • Je trouve Wikipedia bien culottée... "Par contre, rien n'indique qu'il parlait grec54 et certains de ses disciples semblent même avoir dû jouer le rôle d'interprètes" (mentionnant uniquement Geza Vermes 2003) http://fr.wikipedia.org/wiki/J%C3%A9sus_de_Nazareth

    Ça mériterait à tout le moins d'y faire figurer une contradiction.

  • Pour verbo plutôt que verbum, a-t-on éclairci ?

  • Réponse à Métonyme. La construction étrange 'dic verbo' est effectivement, comme très souvent dans la Vulgate, un décalque pur et simple de l'original grec, qui écrit aussi bien dans Matthieu grec (8, 8) que dans Luc (7, 7) 'eipé logô', en latin 'dic verbo'.

    Je ne suis pas assez grammairien pour dire si ces constructions sont insolites, en grec comme en latin, ou si elles se retrouvent ailleurs.

    Il est très vraisemblable que les pécheurs du lac de Tibériade commercialisaient leur poisson sur le marché d'exportation et donc qu'ils parlaient, ou au moins baragouinaient, le grec. Et Jésus lui-même était couramment bilingue puisque son procès devant Pilate n'a pu se dérouler qu'en grec, et sans interprète.

    Mais il ne fait pas de doute cependant que dans son ministère public Jésus employait la langue vernaculaire de son temps et de ses compatriotes, soit l'araméen. Nous le constatons surtout par l'évangile de Marc, interprète de Pierre, évangile qui est truffé de mots araméens, ainsi que d'expressions araméennes à peine transposées.

    Le Verbe, l'auteur de toutes paroles et de tout langage, aurait-il eu besoin d'interprètes ?

  • Bien peu vraisemblable qu'il s'agisse du même épisode, à moins de faire des évangiles canoniques des romans bien peu historiques. Ma parole, vous étes un exégète historicocritique dernier cri, enclin à voir partout des doublets !

    Dans ma Synopse des quatre évangiles comme dans ma Biographie de Jésus-Christ, je les ai nettement distingués, ces deux épisodes : N° 26. Séjour à Cana. Guérison du fils d'un fonctionnaire royal. Chez le seul saint Jean (4, 43-54) et N° 48. Guérison du serviteur d'un centurion. A Capharnaüm, chez Matthieu (8, 1; 5-10; 13) et Luc (7, 1-10).

    Le lieu du miracle n'est pas le même : l'un à Cana, où Jésus s'est réellement rendu, pour la deuxième fois, après sa première Pâque, d'après Jean, dans la première année de son ministère, en l'an 30 donc, et l'autre à Capharnaüm, dans la deuxième année de son ministère public, après le Sermon sur la montagne, en 31 donc.

    L'officier n'est pas le même. Chez Jean il est un fonctionnaire royal, donc un employé d'Antipas. Chez Matthieu et Luc il est un centurion de l'armée romaine, ce qui n'est pas du tout la même chose.

    Le bénéficiaire n'est pas le même : chez Jean, il s'agit clairement du fils du fonctionnaire royal, et l'on comprend que l'officier se déplace lui-même à Cana, car Jésus n'a pas encore fait de miracle à Capharnaüm. Il apprend le miracle de la bouche de ses domestiques en redescendant à Capharnaüm. Circonstance précise : il apprend simplement le miracle le lendemain : "C'était hier, à la septième heure." (Jn 4, 52).

    Un fonctionnaire d'Hérode était un juif comme lui. Chez Luc il est clairement laissé entendre que le fonctionnaire n'est pas juif, et donc un païen : "Il aime en effet notre nation, et c'est lui qui nous a bâti la synagogue." (Lc 7, 5). Et Jésus lui-même souligne que le centurion n'était pas juif : "Chez personne en Israël je n'ai trouvé une telle foi." (Mt 8, 10). De plus le centurion fait clairement allusion à son métier de militaire: "J'ai sous moi des soldats, et je dis à l'un : Va ! et il va..." (Lc 7, 8). Un fonctionnaire d'Hérode n'était pas un militaire.

    Chez Matthieu et Luc il s'agit seulement du serviteur du centurion de l'armée romaine. Sans doute 'pais' peut vouloir dire aussi enfant, donc fils. Mais il ne s'agit pas ici du fils puisqu'il est clairement appelé 'doulos', soit esclave ou serviteur, ce que n'était pas un fils.

    Sans doute Matthieu et Luc ont une manière différente de raconter l'épisode : chez Luc, le centurion envoie vers Jésus quelques-uns des anciens des juifs, puis des amis, pour lui dire : "Je ne suis pas digne...", tandis que chez Matthieu il se déplace lui-même dans Capharnaüm.

    Mais pour moi le récit original serait dans Luc et Matthieu grec l'aurait seulement un peu abrégé, ou modifié, mais le discours soit des amis soit du centurion lui-même, et la réponse de Jésus, sont en substance les mêmes. Il s'agit bien, chez Luc et Matthieu, du même épisode.

    On ne trouve rien de tel chez Jean.

  • Dans l'ouest de l'empire romain,on ne parlait pas grec mais latin et les officiers subalternes ne parlaient pas le grec.

  • Oui, mais nous sommes dans l'est de l'empire romain, où l'on parlait grec.

    Pour les langues qu'on parlait à l'époque de Jésus, je vous renvoie à Daniel-Rops, Jésus en son temps, pages 309-311. Il résume bien la question. Je vous cite une phrase ou deux : "Se superposant, dans le Proche-Orient, à l'araméen qui restait usuel parmi le peuple, le grec était devenu la langue du négoce, de la diplomatie, de la vie intellectuelle. Les fonctionnaires romains en ces pays parlaient grec."

    Je vous rappelle qu'il y avait à Jérusalem des synagogues d'hellénistes où, bien sûr, l'on parlait grec. Plusieurs apôtres portaient des noms grecs : Philippe, André le propre frère de Pierre.

    Sur le titulus de la croix, Pilate s'est exprimé en latin, langue officielle de l'empire, en grec langue usuelle de l'empire en Orient, et en araméen langue du peuple.

  • Pour moi il y a eu plusieurs épisodes différents. Chaque évangéliste raconte celui dont il a été le témoin ou qui l'a le plus frappé.

    Pendant trois ans NSJC a partouru le pays en faisant des miracles. Il a bien pu en faire 4 avec des personnalités différentes, quoique toutes étrangères, de bonne volonté et ayant un être cher malade.

    Parfois les évangélistes ne nomment pas les miracles : ils disent "Il passait, guérissant tous les malades". Donc il y en avait un paquet et comme les Romains occupaient le pays, il y avait aussi beaucoup de Romains.

  • Nous savons que la légion X Fretensis était cantonnée en Palestine et que l'une de ses garnisons occupait Capharnaüm et que son recrutement était italien et plus précisément sicilien principalement et d'autre part la Tradition nous rapporte que le centurion était originaire de Malaga en Andalousie.
    Tous ces hommes s'exprimaient habituellement en latin.

  • Citez vos sources, SVP. D'après Petitfils qui a étudié la question, la Legio X Fretensis était l'une des quatre légions à la disposition du gouverneur de Syrie.

    'Jésus', page 328.

  • Et l'on a bien le sentiment venu du coeur lorsqu'on lit la Vulgate :Domine non sum dignus ut intres sub tectum meum:sed tantum dic verbo,et sanabitur puer meus que ce sont les propres paroles du centurion.

  • J'ai lu hier dans "La Bible grecque des Septante" (Dorrival, Harl, Munnich) Cerf/CNRS, que dès le 1er siècle avant Jésus-Christ, en Palestine, les deux tiers des inscriptions funéraires juives étaient uniquement en grec. (Le tiers restant étant aussi en grec, mais avec la traduction en araméen.)

  • ..."et sanabitur puer meus"...
    amédée, ici à la messe du dimanche on dit "...et sanabitur anima mea"... je me demande d'où vient cette différence.

  • Je ne sais pas,Daoudal connaît certainement la réponse.

  • L'évangile rapporte le propos du centurion: "...et mon serviteur sera guéri".

    La liturgie a modifié la phrase pour faire dire à celui qui va communier: ""et mon âme sera guérie".

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