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Ceux qui veulent détruire l'Eglise se réclament de saint François d'Assise

Extraits d’un article d'Alessandro Gnocchi et Mario Palmero, dans Il Foglio, en juillet 2010, traduit et publié à l'époque par Benoît et moi.

Ce n'est pas pour faire de la provocation, mais où est le scandale qui inquiète tant d'âmes pures, qui se sont autoconsacrées refondateurs de l’Eglise ? Je veux dire, où est le vrai scandale ? Parce qu'il est évident que pour ces candides âmes refondatrices, la gamme des péchés, s'étendant de la pédophilie à l'affairisme, qui ont éclaboussé certains membres du clergé, n'est pas le vrai objet du litige. C'est un prétexte, un excellent prétexte, personne ne le conteste, mais l'objectif de toute cette candeur est bien autre chose. Un prêtre pédophile ou un prêtre affairiste ne sera jamais le vrai problème pour ces refondateurs. Et même, dans leur dessein de refonder l'Eglise, un prêtre pédophile ou un prêtre affairiste constituent un excellent point d'appui pour le levier destiné à démolir cette encombrante entité qui persiste à se définir , dans le Credo, "une, sainte, catholique et apostolique". Un prêtre pédophile ou un prêtre affairiste sont les ingrédients essentiels pour la potion qui va dissoudre l'illusion constantinienne du Corps mystique du Christ obstinément visible.

Le véritable scandale, selon les cathorefondateurs, réside dans le fait que l'Église continue à avoir un corps perceptible par tous, croyants et non-croyant, ceux qui l'aiment et ceux qui le haïssent, ceux qui s'en rassasient et de ceux qui s'en fichent. Un corps qui continue à se montrer, à parler, à témoigner de Jésus-Christ dans la splendeur de sa liturgie, de son art, de sa culture, de ses œuvres de charité. Et même dans sa richesse légitime, parce que sans richesse, on ne fait pas la charité, on n'a pas les moyens de donner à son voisin ce dont il a réellement besoin : la nourriture de la terre et la nourriture du ciel. Et pire encore, on ne peut pas rendre au Seigneur l'honneur qui lui est dû dans la beauté débordante du culte, comme Il a demandé une fois pour toutes.

Qui veut une Eglise pauvre rêve d'une Eglise suicidaire, qui renonce à sa mission de parler de Dieu aux hommes et de parler des hommes à Dieu. En fin de compte, qui veut une Eglise pauvre prend comme prétexte, pour son dessein, le scandale des péchés des autres, mais en réalité, ne supporte pas qu'à travers la visibilité et le caractère concret du Corps mystique, on continue à perpétuer sur la terre cette incompréhensible et injustifiable incohérence qu'est l'incarnation du Fils de Dieu.

Bien que cousus de fil blanc et privés de fondement évangélique, des concepts comme la pauvreté radicale de l'Eglise et sa spiritualisation totale ont très bonne cote chez de nombreuses belles âmes. Les "fraticelli" spirituels du troisième millénaire sont habiles et ont beau jeu de rendre la pauvreté agréable puisque, avec astuce, ils prêchent celle de l'institution. Leurs flèches pointent vers ce qu'ils appellent "l'Eglise hiérarchique", en supposant qu'il existe une Eglise "réelle" dont ils seraient eux-mêmes les prophètes. "Eglise pauvre" versus "Eglise riche" devient le défi ultime, entre un mythe ancien et un mythe nouveau dont eux-mêmes dictent les règles truquées. (…)

Le catholique aime son prochain, qu'il soit riche ou pauvre, pour l'amour de Jésus-Christ et dans la perspective de la récompense éternelle. Autre chose que gratis. Quand un journaliste dit à Mère Teresa qu'il serait incapable d'apporter de l'aide à un lépreux, pour tout l'or du monde, elle a répondu : "Mais je le fais pour beaucoup plus". Ce plus est notre Seigneur, et ce n'est pas la poésie de la misère des autres.

Le cathorefondateur est fait ainsi, et si il est à court d'arguments, il se nourrit de la vulgate théologiquement correcte d'un saint François d'Assise paupériste, plutôt que pauvre. Se gardant bien de relever que pauvreté et paupérisme ne sont pas synonymes, mais contraires. (…)

Il n'existe pas de Saint moins paupériste que le pauvre saint François, moins spiritualiste que le spirituel François. Tout comme il n'y a pas de saint moins matérialiste que le "matériel" saint François. En contraste magnifique avec le manichéisme gnostique qui faisait rage au XIIIe siècle, le Saint d'Assise, en vue de la mort, composait le "Cantique des créatures", un hymne de louange à la bonté de Dieu et à son œuvre. Alors que les Cathares, comme les paupéristes d'aujourd'hui , frémissaient d'indignation devant les choses matérielles, et surtout devant le caractère concret de l'Eglise, puisqu'ils n'y voyaient que corruption, François était rempli de joie parce qu'il n'y lisait que l'immense générosité du Créateur.

Pour le saint d'Assise, la pauvreté était simplement un outil pour faire valoir le caractère absolu de sa dépendance de Dieu. Loin de la misère infligée par la malchance ou la volonté d'autrui, Dame Pauvreté était la dame courtisée et aimée. C'était une Béatrice qui guidait son amoureux à la découverte de la beauté et la bonté d'une création d'autant plus belle et plus bonne, qu'elle aurait pu ne pas exister. C'était la servante qui, en montrant l'existence de la création, disait à un homme concret du moyen âge, dépouillé de tout, combien en fait, il était riche. L'essence du message franciscain n'était pas le paupérisme, ni même la pauvreté, mais la richesse à la disposition de tout homme qui sait avant tout louer le Créateur.

Le siècle de François, comme celui d'aujourd'hui, était parcouru de prédicateurs qui annonçaient un nouveau monde. Beaucoup le faisaient à travers une vie sainte, mais presque tous étaient irrévocablement marqués par l'orgueil du cœur. Le jeune homme d'Assise, au contraire, dans une totale humilité de cœur, n'osait même pas penser à sa propre sainteté et se crucifiait pour ses péchés, plutôt que pour ceux des autres. (..)

Et ce n'est pas un hasard si saint François, qui prônait la pauvreté absolue à ses frères, voulait que la liturgie eucharistique et le culte soient illuminés de splendeur. Ses écrits sont remplis d'actes d'amour envers la Messe et le Saint-Sacrement. « Du Très-Haut Fils de Dieu lui-même, dit-il dans son Testament, je ne vois corporellement rien d'autre, en ce monde, que le Corps très saint le Sang très précieux et je veux que ces très saints mystères par-dessus toutes les autres choses soient honorés et vénérés et placés dans des endroits précieux. » (.. )

Le Poverello avait à l'esprit que le prototype de tous les paupéristes, présenté par l'Evangile, se manifeste en attaquant la beauté de la liturgie. « Six jours avant la Pâque, raconte saint Jean, Jésus arriva à Béthanie, où était Lazare, qu'il avait ressuscité d'entre les morts. Et là, on lui offrit un repas et Marthe servait, et Lazare était un des invités. Alors Marie, prenant une livre de parfum d'un nard très précieux oignit les pieds de Jésus et les essuya avec ses cheveux et toute la maison fut remplie de l'odeur du parfum. Alors Judas Iscariote, l'un de ses disciples, qui devait le livrer, dit : “Pourquoi n'a t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers pour les donner aux pauvres ?” Il disait cela non pas parce qu'il se souciait des pauvres, mais parce qu'il était un voleur, et que comme c'était lui qui tenait la caisse, il prenait pour lui ce qu'on y mettait. Alors Jésus dit : “Laisse-la faire afin qu'on le garde pour le jour de ma sépulture. Les pauvres, vous les aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m'aurez pas toujours.” »

Face au Sauveur qui sanctifie le geste de Marie, faisant de ce gâchis sublime la racine de toutes les splendeurs du culte divin, Judas nous fait voir le scandale de la pauvreté. Et l'évangéliste ne peut s'empêcher de relever la fausseté des arguments du traître.

Deux mille ans plus tard, il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Le paupérisme continue d'être le bélier préféré de ceux qui assiègent l'Eglise. Et ainsi, les cathorefondateurs continuent à prêcher que le salut ne passe pas par l'Église institutionnelle et hiérarchique, ployant sous les scandales et les richesses, mais se réalise dans l'histoire grâce au peuple théophore, pauvre et, par conséquent, saint. Aux cathorefondateurs, il ne peut pas échapper, puisque c'est leur dessein, que de cette façon l'identité chrétienne s'épuise en une étreinte seulement humaine avec le monde. La tâche de l'Eglise, à leur avis, serait de se perdre dans l'autre, sa perfection consisterait à perdre son essence au nom d'un concept mal défini de l'amour. De Créateur et Seigneur de l'univers auquel l'homme doit louange et obéissance, Dieu devient ainsi un être qui s'abandonne au monde, perdant sa souveraineté, son pouvoir, son jugement. Mais une telle divinité, paradoxalement présentée comme parfaitement aimable, apparaît plutôt comme glacée et lointaine, jusqu'à sombrer dans le néant, en parfaite adéquation avec une Eglise purement spirituelle.

Du reste, il ne faut pas chercher ailleurs si, dogme après dogme, syllogisme après syllogisme, article après article, on démonte la doctrine, en commençant par l'enseignement sur le péché originel, le grand tabou de la pensée cathorefondatrice. Le mal et le péché sont des scandales intolérables pour qui est obsédé par la perfection et rejette donc la réalité théologique du péché originel. Il s'ensuit la prétention humaine de courir au secours de Dieu pour le sauver de la responsabilité des taches sans aucun doute présentes dans l'histoire et dans les hommes. Absurdité qui conduit fatalement à l'absorption de la divinité dans l'humain et produit l'idée d'un Dieu innocent en face de la souffrance et indifférent devant le péché parce qu'en définitive, le péché n'existe plus .

Il est évident que désormais nous sommes confrontés à une doctrine inversée où c'est l'homme avec sa théorie qui sauve Dieu, plutôt que Dieu dans sa miséricorde, qui sauve l'homme. Il en émerge une humanité qui, après avoir absorbé Dieu en elle-même, se découvre la cause absolue du mal et du péché qu'elle est forcé de voir dans le monde, malgré sa prétention à la perfection. Mais une humanité parfaite produit le mal parfait, de sorte que chaque construction humaine doit être détruite parce que fruit de ce mal : après l'Eglise-institution corrompue, c'est au tour de l'Etat injuste, puis de la famille oppressive, jusqu'à la fin ultime de tous les liens naturels dans une sorte de délire au tragique parfum dolcinien. Un processus qui a pour moyen et pour fin la négation de la "connaissabilité" de Dieu à travers les choses créées.

Encore une fois, on est en présence d'une opposition radicale au vrai Saint François. Tandis que les paupéristes, tout en se faisant passer pour d'authentique franciscains, nient la possibilité de la théologie naturelle, le saint d'Assise l’a célébrée dans le "Cantique des Creatures", expression religieuse et poétique qui n'a d'égal que la vigueur intellectuelle que saint Thomas traduit dans son intuition métaphysique de l'être.

Ainsi le cercle se referme avec une débâcle théologique qui conduit à la répudiation radicale de l'ordre naturel. Le résultat final est un retour à la barbarie absolue, un vrai appauvrissement de la morale, qui ramène l'humanité au niveau de plus de quarante siècles avant la venue du Christ. Les propagateurs de ces théories, intellectuellement, n'ont rien à voir avec saint François : ils sont contemporains des générations d'avant le déluge.

 

Commentaires

  • Il faut être très patient pour tout ce qui concerne l'accessoire. Par exemple, du balcon de la basilique Saint-Pierre on ne doit pas se formaliser si le Pape dit : bonjour, au-revoir et bon appétit. Certes beaucoup d'entre nous ont appris qu'il était malséant de dire "bon appétit" mais ce n'est vraiment pas méchant et des millions de gens pensent au contraire que c'est très gentil.

    Chez certaines peuplades il est de bon ton de rôter après le repas pour montrer à ses hôtes qu'on apprécie les mets offerts et qu'on les digère bien. Je ne pense pas qu'il y ait un seul missionnaire qui s'en est formalisé.

    Idem pour les bains de foule qui peuvent être uniquement destinés à créer une atmosphère conviviale.
    etc etc

    Par contre il faut être vigilants sur l'essentiel. Est-ce exact que le nouveau pape avait refusé le Motu Proprio dans son diocèse ? Est-ce exact qu'il préfère célébrer dos à Dieu ? qu'il refuse de porter des accessoires qui sont tous symboliques et ont été portés par ses prédecesseurs - à la grande joie du peuple qui aime bien le décorum...même s'il en ignore l'exacte signification.


    La photo montrant deux Franciscains et des jeunes n'est évidemment pas une messe. C'est une simple réunion et il n'y a pas à s'en formaliser. Les moines doivent être en train d'évangéliser.

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