Pour terminer, il convient sans doute de dire un mot des « messages » du concile Vatican II, puisqu’ils figurent dans la collection des textes du concile (du moins dans l’édition française – ils ne se trouvent pas sur le site du Vatican).
Cela aussi, ou cela d’abord, était nouveau. On n’avait jamais vu un concile œcuménique publier un « message ». Or il y aura huit messages à la fin du concile. Et il y en avait eu un au début.
C’était le 20 octobre 1962. Ce (trop) long message reprenait l’assurance de Jean XXIII dans son discours d’ouverture que le Concile veut « présenter aux hommes de ce temps la vérité de Dieu dans son intégrité et dans sa pureté », et qu’il veut aussi donner une part importante aux « problèmes terrestres qui touchent à la dignité de l’homme et à une authentique communauté entre les peuples »… Alors il était question de la paix et de la justice sociale… En fait, ce message passa à peu près inaperçu. D’une part en raison de la « révolution » par laquelle les pères conciliaires, dès le premier jour, avaient rejeté les commissions déjà constituées par la curie, précipitant le concile dans l’inconnu, ce qui était naturellement le principal centre d’intérêt en attendant le début des travaux. D’autre part on était en pleine crise des missiles de Cuba, et si à l’époque on ne savait pas encore que ces jours-là on avait frisé la guerre atomique, le malaise était assez palpable pour attirer l’attention de tous les médias.
Le message avait fait flop, mais on recommença à la fin du concile. Avec huit messages soigneusement mis en scène. D’abord le pape Paul VI prenait la parole, puis des cardinaux lisaient les sept autres messages, avant d’en donner le texte à un représentant de la catégorie concernée. Emotion quand un aveugle vint chercher, guidé par son chien, le texte du message « aux pauvres, aux malades et à tous ceux qui souffrent »…
Ces messages sont une suite de chaleureuses banalités, qu’on pourrait même qualifier de vibrante démagogie si l’on ne se souvenait pas que ce sont de vénérables évêques qui s’expriment, et non des candidats cherchant des voix aux élections…
« Il nous semble entendre s’élever de partout dans le monde une immense et confuse rumeur : l’interrogation de tous ceux qui regardent vers le concile et nous demandent avec anxiété : n’avez-vous pas un mot à nous dire ?... À nous, les gouvernants ?... À nous, les intellectuels, les travailleurs, les artistes ?... Et à nous, les femmes ? À nous les jeunes, à nous, les malades et les pauvres ? Ces voix implorantes ne resteront pas sans réponse. C’est pour toutes les catégories humaines que le Concile travaille depuis quatre ans ; c’est pour elles qu’il a élaboré cette “Constitution sur l’Église dans le monde d’aujourd’hui”, que Nous promulguions hier, aux applaudissements enthousiastes de votre assemblée. »
Ce propos de Paul VI a quelque chose de pathétique. Car hélas il n’y avait pas grand monde à se tourner vers l’Eglise, et ceux qui le faisaient attendaient d’un concile œcuménique autre chose qu’un bavardage sur le monde de ce temps…
Le message aux gouvernants est un peu au-dessus du lot. En effet, après les félicitations d’usage, le concile ajoute : « Mais nous avons une parole sacro-sainte à vous dire, et la voici : Dieu seul est grand. Dieu seul est le principe et la fin. Dieu seul est la source de votre autorité et le fondement de vos lois. » Et le message se poursuit sur le même mode dans le paragraphe suivant : « Ne l’oubliez pas : c’est Dieu, le Dieu vivant et vrai, qui est le Père des hommes. Et c’est le Christ, son Fils éternel, qui est venu nous le dire et nous apprendre que nous sommes tous frères. C’est lui, le grand artisan de l’ordre et de la paix sur la terre, car c’est lui qui conduit l’histoire humaine et qui seul peut incliner les cœurs à renoncer aux passions mauvaises qui engendrent la guerre et le malheur. C’est lui qui bénit le pain de l’humanité, qui sanctifie son travail et sa souffrance, qui lui donne des joies que vous ne pouvez pas lui donner et la réconforte dans des douleurs que vous ne pouvez pas consoler. »
On notera aussi quelques jolies formules dans le message « aux hommes de la pensée et de la science » : « Sans troubler vos pas, sans éblouir vos regards, nous venons vous offrir la lumière de notre lampe mystérieuse : la foi. Celui qui nous l’a confiée, c’est le Maître souverain de la pensée, celui dont nous sommes les humbles disciples, le seul qui ait dit et pu dire : “Je suis la lumière du monde, je suis la voie, la vérité et la vie.” Cette parole vous concerne. Jamais peut-être, grâce à Dieu, n’est si bien apparue qu’aujourd’hui la possibilité d’un accord profond entre la vraie science et la vraie foi, servantes l’une et l’autre de l’unique vérité. »
Dans le message aux femmes, qui ont « toujours en partage la garde du foyer, l’amour des sources, le sens des berceaux », le concile a le courage de proclamer que « l’Eglise est fière d’avoir magnifié et libéré la femme ».
Dans le message aux jeunes, le concile souligne que l’Eglise « est la vraie jeunesse du monde ». Mais la conclusion est ratée : « Regardez-la et vous retrouverez en elle le visage du Christ, le vrai héros, humble et sage, le prophète de la vérité et de l’amour, le compagnon et l’ami des jeunes. » Le Christ, c’est d’abord celui qui nous fait entrer dans la vie divine…
Commentaires
Vous êtes dur avec Paul VI, même s'il a été très dur lui aussi avec les catholiques.
Il s'adresse comme cela aux jeunes car les jeunes veulent s'identifier à un héros. Il leur dit votre héros, votre modèle, c'est le Christ. Ne soyez donc pas votre ronchon, monsieur Daoudal.
Quant aux femmes, je me fais souvent cette réflexion que nous sommes tous nés d'une femme qui nous a mis au monde. Aussi lorsqu'un homme agit bien, il honore sa mère et en elle, les autres femmes (c'est la grande solidarité de l'humanité). C'est pourquoi cette concurrence entre les hommes et les femmes ne me semble possible que si l'on oublie le sens particulier de la vocation féminine et la solidarité humaine.
« Heureuses les entrailles qui t'ont porté et les seins qui t'ont allaité. » Cette phrase de l'évangile de saint Luc (saint Luc écrivait en quelque sorte sous la dictée de la Mère de Dieu), nous révèle la psychologie féminine et la solidarité de tout homme avec sa mère, même si Jésus, Notre-Seigneur, rappelle que ce qui fait surtout la gloire d'une femme est surtout d'écouter la parole de Dieu et de la garder, comme sa mère qui "gardait toutes ces choses dans son cœur" (Lc 2,51).