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Notules sur un concile (30) Orientalium Ecclesiarum

Le titre est transparent : il s’agit du décret sur les Eglises orientales, mais plus précisément des Eglises orientales catholiques, c’est-à-dire en pleine union avec Rome.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le grand patriarche grec-catholique Maximos IV, qui représentait avec autorité l’intraitable tradition byzantine au concile (1), n’était pas du tout ravi que le concile élabore un tel texte. Car cela laissait penser que les Eglises orientales catholiques étaient des communautés marginales dont il fallait traiter à part de la grande Eglise latine. Et c’était d’autant plus malvenu que le texte le plus important du concile était une constitution dogmatique sur l’Eglise, qui devait donc parler de l’Eglise en général, et pas seulement de l’Eglise latine.

Toutefois, il est bon que ce décret existe. Car même si la reconnaissance pleine et entière des Eglises orientales était théoriquement assurée depuis l’encyclique Orientalium dignitas de Léon XIII (rappelée dès le début du texte), il était loin d’en être toujours ainsi dans l’ensemble du personnel ecclésiastique, y compris chez les théologiens et même à la curie.

Le préambule du décret est donc un grand et bel éloge des Eglises orientales… par l’Eglise catholique. Comme si elles n’étaient pas l’Eglise catholique. Ce n’est qu’une maladresse de langage, mais elle est significative du fait qu’il est vraiment difficile pour des Romains, ou des Latins, d’accepter ces Eglises comme des Eglises.

Et c’est ce que l’on voit encore dès le premier chapitre, intitulé « les Eglises particulières ou rites ». On continue de faire une équivalence entre Eglise et rite. Ce qui a permis pendant des siècles de parler de « rites orientaux », et non d’Eglises orientales, en faisant semblant de croire qu’il s’agissait simplement de particularismes liturgiques, tout en cherchant à latiniser de force les dits rites…

Si l’on comprend bien, ce que l’on entend par rite, ici, c’est à la fois la liturgie, la discipline ecclésiastique et le patrimoine spirituel de chaque Eglise, donc le tout de chaque Eglise, ce qui permet l’équivalence… Il n’en demeure pas moins que lorsque l’on parle de rite, on parle avant tout de liturgie. Or le « rite byzantin » n’est pas une Eglise, c’est la liturgie de toutes les Eglises dites « grecques-catholiques » (melkite, ukrainienne, roumaine, etc.)

L’important est assurément de réaffirmer que « c’est le dessein de l’Eglise catholique de sauvegarder dans leur intégrité les traditions de chaque Eglise particulière ou rite ». Et il important aussi que le concile « déclare solennellement » que les Eglises d’Orient ont « le droit et le devoir de se gouverner selon leurs propres disciplines particulières ». Mieux même, si elles se sont « écarté indûment, du fait des circonstances de temps ou de personnes », de leur rite liturgique et de leur discipline, elles doivent s’efforcer de « revenir à leur traditions ancestrales ».

Le plus important, dans ce décret, tant du point de vue de la tradition que du point de vue œcuménique, est sans doute ce qui est dit des patriarches orientaux.

D’abord la définition : « Par patriarche oriental on entend un évêque qui a juridiction sur tous les évêques, y compris les métropolites, sur le clergé et les fidèles de son territoire ou de son rite, selon les normes du droit et restant sauve la primauté du Pontife romain. »

Puis ce que le concile décide :

« En vertu d’une très ancienne tradition de l’Église, un honneur particulier est dû aux patriarches des Églises orientales, car ils président à leurs patriarcats respectifs comme pères et chefs.

« C’est pourquoi le Concile a décidé que leurs droits et leurs privilèges seraient restaurés, conformément aux anciennes traditions de chaque Église et aux décrets des Conciles œcuméniques.

« Ces droits et ces privilèges sont ceux qui étaient en vigueur au temps de l’union entre l’Orient et l’Occident, même s’il faut les adapter quelque peu aux conditions actuelles. Les patriarches avec leurs synodes constituent l’instance supérieure pour toutes les affaires du patriarcat, sans exclure le droit d’instituer de nouvelles éparchies et de nommer les évêques de leur rite dans les limites du territoire du patriarcat, restant sauf le droit inaliénable du Pontife romain d’intervenir dans chaque cas. »

Le décret traite ensuite de questions particulières et pratiques résultant du fait que plusieurs Eglises vivent souvent sur le même territoire. Et de l’œcuménisme, puisque « aux Églises d’Orient en communion avec le Siège apostolique romain appartient à titre particulier la charge de promouvoir l’unité de tous les chrétiens, notamment des chrétiens orientaux ».

Et, après avoir rappelé que « la communicatio in sacris, qui porte atteinte à l’unité de l’Église ou bien comporte une adhésion formelle à l’erreur, un danger d’égarement dans la foi, de scandale ou d’indifférentisme, est interdite par la loi divine », le décret la permet très largement (2) : « Les principes rappelés restant posés, on peut conférer aux Orientaux, qui en toute bonne foi sont séparés de l’Église catholique, les sacrements de pénitence, de l’Eucharistie et de l’onction des malades, s’ils les demandent d’eux-mêmes et sont bien disposés ; de plus, il est permis également aux catholiques de demander ces mêmes sacrements aux ministres non catholiques dans l’Église desquels les sacrements sont valides, chaque fois que la nécessité ou une véritable utilité spirituelle le demandent et qu’il est physiquement ou moralement impossible de s’adresser au prêtre catholique. » Réglementation qui est naturellement « confiée à la vigilance et au gouvernement des hiérarques des lieux. »

Dans la réalité, ces dispositions peuvent certainement aider des fidèles, mais à la marge. Et il serait irréaliste de s’alarmer d’une éventuelle communicatio in sacris généralisée. Premièrement parce que les orthodoxes y sont souvent opposés, et deuxièmement et surtout parce que les Eglises orientales sont les Eglises de communautés particulières : on ne va pas à la messe de la communauté d’à côté (même si elle est également catholique, à plus forte raison si elle ne l’est pas).

(1) Maximos IV refusa de participer à la cérémonie d’ouverture du concile, parce dans l’ordre protocolaire les patriarches venaient après les cardinaux, au même rang que les archevêques, et que c’était (de fait) une atteinte à la dignité patriarcale. Il eut gain de cause : dès la deuxième session, les patriarches eurent une table particulière devant les cardinaux. Maximos IV n’en faisait pas du tout une affaire personnelle : il défendait les traditions orientales et pensait à l’œcuménisme avec les orthodoxes.

(2) Avant le concile elle était théoriquement interdite. Toutefois on sait que Mgr Szeptycki, archevêque grec-catholique de Lvov, « métropolite de Kiev et administrateur de toute la Russie », avait demandé à saint Pie X, en 1908, que lui soit concédé la possibilité de permettre aux fidèles la communicatio in sacris, « chaque fois qu’ils le jugent opportun en conscience ». Le pape écrivit sur la demande : « Tollerari posse » : cela peut être toléré. On sait qu’en bénéficia la vieille mère du bienheureux exarque Leonid Feodorov, qui était devenue catholique précisément en 1908, six ans après son fils, mais souhaitait continuer de suivre les offices orthodoxes.

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