La jeune veuve, avec ses trois enfants, fut chassée du château de Wartburg et se mit à la recherche d'un lieu où trouver refuge. Seules deux de ses servantes demeurèrent à ses côtés, l'accompagnèrent et confièrent les trois enfants aux soins des amis de Ludovic. En voyageant de village en village, Elisabeth travaillait là où elle était accueillie, elle assistait les malades, elle filait et elle cousait. Au cours de ce calvaire supporté avec beaucoup de foi, avec patience et dévouement à Dieu, certains parents qui lui étaient restés fidèles et considéraient comme illégitimes le gouvernement de son beau-frère, réhabilitèrent son nom. Ainsi Elisabeth, au début de l'année 1228, put recevoir un revenu approprié pour se retirer dans le château de famille à Marbourg, où habitait aussi son directeur spirituel Conrad. C'est lui qui rapporta au Pape Grégoire IX le fait suivant: «Le Vendredi saint de 1228, les mains posées sur l'autel dans la chapelle de sa ville de Eisenach, où elle avait accueilli les frères mineurs, en présence de plusieurs frères et de parents, Elisabeth renonça à sa propre volonté et à toutes les vanités du monde. Elle voulait renoncer aussi à toutes ses possessions, mais je l'en dissuadais par amour des pauvres. Peu après, elle construisit un hôpital, elle recueillit les malades et les invalides et elle servit à sa table les plus misérables et les plus abandonnés. L’ayant moi-même réprimandée à ce propos, Elisabeth répondit qu'elle recevait des pauvres une grâce spéciale et l’humilité» (Epistula magistri Conradi, 14-17).
Nous pouvons percevoir dans cette affirmation une certaine expérience mystique semblable à celle vécue par saint François: le Poverello d'Assise déclara en effet dans son testament, qu'en servant les lépreux, ce qui auparavant lui était amer fut transmué en douceur de l'âme et du corps (Testamentum, 1-3). Elisabeth passa les trois dernières années de sa vie dans l'hôpital qu'elle avait fondé, servant les malades, veillant avec les mourants. Elle essayait toujours d'accomplir les services les plus humbles et les travaux répugnants. Elle devint ce que nous pourrions appeler aujourd'hui une femme consacrée dans le monde (soror in saeculo) et forma, avec d'autres amies, vêtues de gris, une communauté religieuse. Ce n'est pas par hasard qu'elle est la patronne du Tiers Ordre régulier de saint François et de l'Ordre franciscain séculier.