« La restauration, qu’il faut promouvoir, de l’unité entre tous les chrétiens, est l’un des buts principaux du saint concile œcuménique Vatican II », proclame la première phrase du décret sur l’œcuménisme. La deuxième phrase rappelle aussitôt que le Christ a fondé « une seule Eglise », mais que plusieurs confessions chrétiennes prétendent être le véritable héritage de Jésus-Christ. Or cette division est un « objet de scandale » pour le monde et un obstacle à la prédication de l’Evangile. Aujourd’hui un peu partout est né un désir d’unité, et même un « mouvement vers l’unité », qu’on appelle le mouvement œcuménique. Le décret va donc définir l’œcuménisme du point de vue catholique, « après avoir exposé la doctrine relative à l’Église ».
Un premier chapitre expose donc, un peu longuement, car il y a déjà Lumen gentium pour cela, la fondation de l’Eglise par le Christ, et conclut : « Tel est le mystère sacré de l’unité de l’Eglise dans le Christ et par le Christ, sous l’action de l’Esprit Saint ». Plus loin, on lit encore que le Christ a accordé l’unité à son Eglise « dès le commencement » (ab initio), et que cette unité « demeure de façon inamissible dans l’Eglise catholique » (1). Il est donc clair que le concile garde intact le dogme de l’unité de l’Eglise, tel qu’il figure dans le Credo. Et que l’œcuménisme, c’est la réunion de tous les chrétiens dans l’unique Eglise, c’est l’union des chrétiens dans l’unité de l’Eglise.
Le concile reconnaît ensuite, et a raison de le faire, qu’au cours des siècles des communautés éventuellement très importantes « furent séparées de la pleine communion de l’Église catholique, parfois par la faute des personnes de l’une ou de l’autre partie » (2), et que les personnes qui naissent dans ces communautés « ne peuvent être accusés de péché de division ». Baptisées et vivant de la foi au Christ, elles « se trouvent dans une certaine communion, bien qu’imparfaite, avec l’Église catholique ». Malgré des divergences qui « constituent nombre d’obstacles, parfois fort graves, à la pleine communion ecclésiale », ces gens-là sont des chrétiens et « les fils de l’Église catholique les reconnaissent à bon droit comme des frères dans le Seigneur ».
Le concile fait ici référence au commentaire du psaume 32 par saint Augustin : « C’est donc à cette charité que nous vous engageons principalement, mes frères, non seulement entre vous, mais à l’égard de ceux qui sont dehors, soit des païens, qui ne croient pas encore au Christ, soit de nos frères séparés, qui confessent avec nous le même chef, mais qui se divisent de corps. Plaignons, mes bien-aimés, plaignons ces derniers comme des frères ; car ils sont vraiment nos frères, qu’ils le veuillent ou non. Ils ne cesseront d’être nos frères qu’en cessant de dire à Dieu : “Notre Père”. »
Le propos est d’autant plus remarquable que les frères séparés dont parle ici saint Augustin sont les donatistes, qui rebaptisaient les catholiques.
Ils sont donc des frères, mais c’est par la seule Eglise catholique « que peut s’obtenir toute plénitude des moyens du salut », puisqu’elle est le « moyen général de salut ».
L’attitude œcuménique, c’est d’abord « éliminer les paroles, les jugements et les actes qui ne correspondent ni en justice ni en vérité à la situation des frères séparés et contribuent ainsi à rendre plus difficiles les relations avec eux » ; et c’est le dialogue avec eux : pas n’importe quel dialogue, pas improvisé par n’importe qui, mais un dialogue « mené par des experts bien informés, où chacun explique plus à fond la doctrine de sa communauté et montre de façon claire ce qui la caractérise ».
(1) C’est un nouvel emploi du « subsistit in ».
(2) Le concile aurait pu aller plus loin, et reconnaître la réelle responsabilité de prélats romains, voire de papes, dans plusieurs de ces déchirures, même si au final c’est celui qui se sépare de l’unité catholique qui a tort. Une telle reconnaissance de torts romains est même une nécessité de l’œcuménisme. Elle sera peu à peu explicitée après le concile.
Commentaires
Il semble que jamais l'Eglise n'a reconnu les fautes, ou les péchés, des responsables ecclésiastiques en tant que tels.
Le seul qui l'aurait fait serait le pape Adrien VI qui aurait dénoncé les agissements de la Cour romaine, c'est-à-dire celle de son prédécesseur immédiat, Léon X.
Jean-Paul II, et les actes de repentance en général, n'ont jamais reconnu que les fautes des fils de l'Eglise (ce qui est quasi une évidence, je vous l'accorde, car l'Eglise compte en son sein beaucoup de pécheurs - dont moi).
Si je me trompe, veuillez nous citer des documents, s'il vous plaît. Merci.
Je ne vois pas quelle différence vous faites entre "responsables ecclésiastiques" et "fils de l'Eglise", quand ces fils de l'Eglise sont forcément des responsables ecclésiastiques puisqu'ils ont une éventuelle responsabilité dans les schismes.
Si vous voulez dire que le magistère n'a jamais reconnu précisément de fautes de prélats en la matière (mais je ne dis pas: nommément), c'est peut-être vrai, il faudrait aller voir de plus près, notamment les actes de repentance de Jean-Paul II. Et peut-être ai-je confondu Benoît XVI avec le théologien Ratiznger. Mais il y a aussi des reconnaissances implicites, comme la levée d'excommunication ou les accords doctrinaux. (Je pense par exemple à l'accord christologique avec les coptes, où l'Eglise catholique reconnaît que la doctrine copte est catholique, alors que les coptes n'ont pas bougé d'un iota, ce qui montre que la condamnation romaine était injuste.)