Le décret « sur l’activité missionnaire de l’Eglise » Ad gentes (« vers les peuples païens ») est de loin le plus long décret de Vatican II, au point qu’il est le troisième plus long texte du concile, après Gaudium et spes et Lumen gentium.
Ce qui suscite deux commentaires. Le premier est qu’il est proprement aberrant de présenter comme « décret » ce qui est un ample exposé doctrinal et pastoral. Le deuxième est qu’en procédant ainsi le concile a sans doute voulu montrer, maladroitement, car ce n’est pas la quantité qui compte, que la mission ad gentes est et demeure une mission essentielle de l’Eglise (ce qui était déjà fortement affirmé dans Lumen gentium) : on tord le cou ainsi à l’opinion qui se répand dans tout l’appareil ecclésiastique que l’ère des missions est terminée et que l’on est entré dans l’ère du dialogue interreligieux, que l’on ne cherche plus les conversions mais le vivre ensemble, etc. Et l’on met face à leurs contradictions ceux qui prétendront que Vatican II a mis fin à la mission ad gentes et que « l’esprit du concile » est celui de la cohabitation harmonieuse entre religions qui sont toutes plus ou moins des moyens de salut.
Dès le début, le texte souligne que « l’Église, en vertu des exigences intimes de sa propre catholicité et obéissant au commandement de son fondateur (cf. Mc 16, 16), est tendue de tout son effort vers la prédication de l’Évangile à tous les hommes ». Qu’elle est donc appelée à sauver « toute créature afin que tout soit restauré dans le Christ ».
Le chapitre sur les « principes doctrinaux » commence par cette affirmation : Ecclesia peregrinans natura sua missionaria est : « Par sa nature, l’Église, durant son pèlerinage sur terre, est missionnaire, puisqu’elle-même tire son origine de la mission du Fils et de la mission du Saint-Esprit, selon le dessein de Dieu le Père. » Après un développement sur la mission du Fils et la mission du Saint-Esprit vient un paragraphe sur l’Eglise envoyée par le Christ : « Allez par le monde entier… » « C’est de là que découle pour l’Église le devoir de propager la foi et le salut apportés par le Christ. »
Plus loin il est clairement noté que « l’activité missionnaire parmi les nations diffère tant de l’activité pastorale à déployer à l’égard des fidèles que des initiatives à prendre pour rétablir l’unité des chrétiens ».
La nécessité de l’action missionnaire de l’Eglise vient précisément du fait qu’il n’y a qu’un seul Dieu et qu’un seul médiateur entre Dieu et l’homme : Jésus-Christ, et qu’il n’y a de salut en aucun autre qu’en lui. « Il faut donc que tous se convertissent au Christ, connu par la prédication de l’Église, et qu’ils soient eux aussi incorporés par le baptême à l’Église, qui est son Corps. Car le Christ lui-même, “en enseignant en termes formels la nécessité de la foi et du baptême (cf. Mc 16, 16 ; Jn 3, 5), a du même coup confirmé la nécessité de l’Église dans laquelle les hommes entrent par le baptême comme par une porte. C’est pourquoi les hommes ne peuvent être sauvés qui, n’ignorant pas que l’Église a été fondée comme nécessaire par Dieu par l’intermédiaire de Jésus Christ, n’auront cependant pas voulu y entrer ou y persévérer” (1). Bien que Dieu puisse par des voies connues de lui amener à la foi sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu (He 11, 6) des hommes qui, sans faute de leur part, ignorent l’Évangile, la nécessité incombe cependant à l’Église (cf. 1 Co 9, 16) – et en même temps elle en a le droit sacré – d’évangéliser, et par conséquent son activité missionnaire garde, aujourd’hui comme toujours, toute sa force et sa nécessité. »
(1) Cette longue citation est de Lumen gentium. Elle se résume en l’adage bien connu, et dont la substance se trouve donc bel et bien dans les textes du concile : Hors de l’Eglise pas de salut.