A la suite du décret sur les évêques vient logiquement le décret « sur le ministère et la vie des prêtres ».
Il s’agit essentiellement d’un rappel de ce qu’est et de ce que doit faire le prêtre, selon l’enseignement de l’Eglise, dans le monde moderne.
En bref, les prêtres reçoivent un « sacrement particulier qui, par l’onction du Saint-Esprit, les marque d’un caractère spécial, et les configure ainsi au Christ Prêtre pour les rendre capables d’agir au nom du Christ Tête en personne », et de participer ainsi à l’annonce apostolique de l’Evangile pour rassembler le peuple de Dieu afin que les membres de ce peuple s’offrent eux-mêmes en « victime vivante, sainte, agréable à Dieu ». Tout ce passage est remarquable, et plus remarquable encore la suite :
« Mais c’est par le ministère des prêtres que se consomme le sacrifice spirituel des chrétiens, en union avec le sacrifice du Christ, l’unique Médiateur, offert au nom de toute l’Église dans l’Eucharistie par les mains des prêtres, de manière non sanglante et sacramentelle, jusqu’à ce que vienne le Seigneur lui-même. C’est à cela que tend leur ministère, c’est en cela qu’il trouve son accomplissement : commençant par l’annonce de l’Évangile, il tire sa force et sa puissance du sacrifice du Christ et il vise à ce que “la Cité rachetée tout entière, c’est-à-dire la société et l’assemblée des saints, soit offerte à Dieu comme un sacrifice universel par le Grand Prêtre qui est allé jusqu’à s’offrir pour nous dans sa Passion, pour faire de nous le Corps d’une aussi grande Tête”. »
La citation est de saint Augustin. On voit que le texte insiste sur le sacrifice eucharistique, qui est l’unique sacrifice du Christ, que le prêtre offre au nom de l’Eglise.
Le décret revient peu après sur ce thème, en évoquant le prêtre comme ministre des sacrements. Il parle du baptême, du sacrement de pénitence, de l’onction des malades, et poursuit : « et, surtout, par la célébration de la messe, ils offrent sacramentellement le sacrifice du Christ ».
Chaque fois qu’ils célèbrent un sacrement, les prêtres sont « hiérarchiquement en union avec l’évêque, assurant ainsi en quelque sorte sa présence dans chacune des communautés chrétiennes ». Or les sacrements (et les ministères) sont tous « liés à l’Eucharistie et ordonnés à elle », « car la sainte Eucharistie contient tout le trésor spirituel de l’Église ». On retrouve ici un élément important de la plus ancienne ecclésiologie : l’Eglise, c’est l’assemblée où l’évêque (puis son délégué) célèbre l’eucharistie. « Ainsi, c’est l’assemblée eucharistique qui est le centre de la communauté des fidèles présidée par le prêtre. »
En conséquence, « la maison de prière où la très sainte Eucharistie est célébrée et conservée, où les fidèles se rassemblent, où la présence du Fils de Dieu notre Sauveur, offert pour nous sur l’autel du sacrifice, est honorée pour le soutien et le réconfort des chrétiens, cette maison doit être belle et bien adaptée à la prière et aux célébrations liturgiques ». Ce n’est donc pas le concile qui a demandé de les défigurer…
Au chapitre des relations entre les évêques et les prêtres (la communion hiérarchique des prêtres avec l’ordre des évêques) on souligne qu’il y a un unique sacerdoce et un unique ministère du Christ, que l’union des prêtres avec les évêques « est affirmée explicitement au cœur de la célébration de l’Eucharistie », et qu’elle est « manifestée de manière excellente dans la concélébration liturgique ».
Puis, au chapitre sur « la vie des prêtres », on lit : « Ce qui ordonne leur vie à la perfection, ce sont leurs actes liturgiques de chaque jour, c’est leur ministère tout entier, exercé en communion avec l’évêque et les autres prêtres. » Dans les « actes liturgiques » est incluse la célébration de l’office divin (qui est loin d’être cité avec la même insistance que la messe, alors que selon le droit canon l’office est quotidiennement obligatoire et non la messe…).
L’insistance se renforce encore par la suite :
« Ministres de la liturgie, surtout dans le sacrifice de la messe, les prêtres agissent de manière spéciale à la place du Christ, qui s’est offert comme victime pour sanctifier les hommes ; ils sont dès lors invités à imiter ce qu’ils accomplissent : célébrant le mystère de la mort du Seigneur, ils doivent prendre soin de mortifier leurs membres, se gardant des vices et de tout mauvais penchant. Dans le mystère du sacrifice eucharistique, où les prêtres exercent leur fonction principale, c’est l’œuvre de notre Rédemption qui s’accomplit sans cesse. C’est pourquoi il leur est vivement recommandé de célébrer la messe tous les jours ; même si les fidèles ne peuvent y être présents, c’est un acte du Christ et de l’Église. En s’unissant à l’acte du Christ Prêtre, chaque jour, les prêtres s’offrent à Dieu tout entiers ; en se nourrissant du Corps du Christ, ils participent du fond d’eux-mêmes à la charité de celui qui se donne aux fidèles en nourriture. »
Et l’on trouve encore ensuite : « Or, cette charité pastorale découle avant tout du sacrifice eucharistique ; celui-ci est donc le centre et la racine de toute la vie du prêtre, dont l’esprit sacerdotal s’efforce d’intérioriser ce qui se fait sur l’autel du sacrifice. Cela n’est possible que si les prêtres, par la prière, pénètrent de plus en plus profondément dans le mystère du Christ. »
Quand j’étais dans la région parisienne, on m’avait demandé de trouver une messe, un jour particulier, en semaine. J’avais téléphoné à tous les presbytères sur des dizaines de kilomètres (tout le nord-ouest du diocèse de Versailles). Il n’y avait aucune messe, nulle part (pas même à la collégiale de Mantes-la-Jolie). Sauf une : celle de l’abbé Aulagnier à Rolleboise. Une messe selon la forme extraordinaire. Tellement extraordinaire qu’elle était la seule dans la région…
Cette anecdote montre comment le décret Presbyterorum ordinis a été appliqué…
Je signalerai enfin, dans les paragraphes sur la vie spirituelle du prêtre, cette belle phrase sur leur docilité à la mission qu’ils assument dans le Saint-Esprit : « De cette docilité les prêtres retrouvent sans cesse le merveilleux modèle dans la bienheureuse Vierge Marie : conduite par le Saint-Esprit, elle s’est donnée tout entière au mystère de la rédemption de l’humanité. »
Commentaires
Très intéressant. Toutes ces notules pourraient et devraient être rassemblée dans un livre qui illustrerait le thème "Vatican II et herméneutique de la continuité". Ce serait rendre un grand service à beaucoup de monde que de mettre à la disposition du grand public en l'ajoutant à la bibliographie sur Vatican II.