Extrait d’une interview de Mgr Di Noia, vice-président de la commission Ecclesia Dei, sur le site du National Catholic Register.
La Fraternité Saint-Pie X fait valoir que le Concile Vatican II a promulgué un enseignement qui n'est pas infaillible ni irréformable. C’était pastoral et non dogmatique. S'il en est ainsi, pourquoi est-il important qu’elle l’approuve ?
Il comporte une partie dogmatique importante. La sacramentalité de l'ordination épiscopale, pour prendre un exemple, est un développement de l'enseignement sur l'épiscopat, il est donc doctrinal.
Traditionnellement, les doctrines étaient énoncées comme des canons avec des anathèmes. Il n'y en a pas ici, mais il y a beaucoup de magistère ordinaire, et une réaffirmation de celui-ci. Il est doctrinalement riche. Mais a-t-il cherché à clarifier ce que Trente ou Vatican I ont laissé ouvert en ce qui concerne l'Écriture et la Tradition ?
Il y a des développements doctrinaux ici et là. Et la Fraternité pense, bien sûr, que tout l'enseignement sur la liberté religieuse est en rupture avec la tradition. Mais certaines personnes très intelligentes ont essayé de faire remarquer que c'est un développement qui est cohérent.
Ce que j'ai tenté de faire valoir, c'est que tout ce qu'ils ont à faire est de dire qu'il n'y a rien dans le Concile qui soit contraire à la Tradition et que chaque texte, ou toute partie de textes qui est controversée, doit être lu dans le contexte du Concile - et lu à la lumière de la Tradition. Il me semble qu’en dépit de leurs difficultés ils devraient être en mesure de le faire.
Que répondez-vous à l'argument affirmant que si les documents du Concile ne sont ni infaillibles ni immuables alors ils ne sont pas contraignants ?
Dire qu'ils ne sont pas contraignants est un sophisme. Le Concile contient des pans entiers du magistère ordinaire, ce qui est de fide divina [de foi divine].
En ce qui concerne la Constitution pastorale "sur l'Eglise dans le monde moderne" [Gaudium et spes], elle fait des commentaires sur la nature de la culture dont tout le monde, en général, s'accorde maintenant à dire que c’était trop optimiste. Eh bien, cela n'est pas de fide divina. Ce n'est pas précis, c’est très imprécis. Mais le Concile est plein du magistère ordinaire. Lorsque je travaillais à la Conférence épiscopale américaine, et que je parlais, par exemple, de Veritatis Splendor, les gens me demandaient : «Est-ce que c’est infaillible ? » Je répondais : « La question la plus importante c’est : Est-ce que c’est vrai ? »
Ce que je voulais dire c'était qu'on donne une trop grande importance à l'infaillibilité. C'est pourquoi Jean-Paul II et Benoît XVI ont décidé de ne plus définir quoi que ce soit infailliblement, parce qu’on voit ce qui se passe : les gens disent : « Je dois seulement croire ce qui a été défini infailliblement. » Or c'est très peu de chose. C’est pour cela qu’il y a une distinction entre le magistère ordinaire et extraordinaire. Le magistère extraordinaire, c'est ce que l'Église définit, et cela implique presque toujours le règlement de différends. L'Eglise n’aurait peut-être jamais dit que Marie est la Mère de Dieu, si Nestorius ne l'avait pas nié. Mais avec le magistère ordinaire, il y a d'énormes quantités de choses de ce que nous croyons qui sont de fide divina et qui n'ont jamais été définies. C'est pourquoi on a parlé du magistère ordinaire, pour essayer de sortir de cette lecture réductrice qui dit qu’on ne doit croire que ce qui est infaillible. Donc, non, le Concile a réellement un enseignement contraignant. Les Pères l'ont écrit en tant qu'évêques de l'Eglise en union avec le Pape, c'est pourquoi le Concile est si important.