Jérôme, né à Venise de la famille patricienne des Emiliani, fut initié au métier des armes dès sa première adolescence, et préposé, en des temps très difficiles pour la république, à la défense de Castelnovo, près de Quero, dans les monts de Trévise. Ses ennemis s’emparèrent de la citadelle ; et lui-même, jeté dans une horrible prison, eut les pieds et les mains chargés de fers. Privé de tout secours humain, il eut recours à la très sainte Vierge qui exauça ses prières. Elle lui apparut, brisa ses liens et le conduisit sain et sauf en vue de Trévise, le faisant passer au milieu des ennemis qui occupaient toutes les routes. Une fois entré dans la ville, il suspendit à l’autel de la Mère de Dieu, à laquelle il s’était voué, les menottes, les entraves et les chaînes qu’il avait emportées avec lui. De retour à Venise, il se donna tout entier au service de Dieu, se dépensa d’une façon admirable pour les pauvres, et eut surtout compassion des enfants orphelins qui erraient dans la ville, dénués de tout et dans un état pitoyable. Louant des salles pour les recueillir, il les nourrissait de ses propres ressources et les formait aux mœurs chrétiennes.
A cette époque abordèrent à Venise le bienheureux Gaétan et Pierre Caraffa, qui devint plus tard Paul IV : goûtant l’esprit dont Jérôme était animé, et approuvant le nouvel institut destiné à recueillir les orphelins, ils l’amenèrent à l’hôpital des incurables, dans lequel, tout en élevant les orphelins, il devait servir les malades avec une égale charité. Sur leur conseil, il partit pour le continent voisin, et érigea des orphelinats, à Brescia d’abord, puis à Bergame et à Côme ; ce fut surtout à Bergame qu’il déploya son zèle. Outre deux orphelinats, l’un pour les garçons, l’autre pour les filles, il ouvrit un établissement pour recevoir les femmes de mauvaise vie qui se convertissaient. Enfin, dans un humble village du territoire de Bergame, à Somasque, sur les limites des possessions vénitiennes, il fonda une résidence pour lui et les siens ; il y organisa sa congrégation qui a pris, de ce lieu, le nom de Somasque. Elle s’est développée et répandue dans la suite, et, ne se bornant plus à l’éducation des orphelins et au service des églises, elle s’appliqua pour le plus grand bien de la société chrétienne, à initier les jeunes gens aux lettres et aux bonnes mœurs, dans les collèges, les académies et les séminaires. C’est pour cela que saint Pie V l’a mise au rang des Ordres religieux, et que d’autres Pontifes lui ont accordé des privilèges.
Ne pensant qu’aux orphelins à recueillir, Jérôme se dirige sur Milan et Pavie ; dans ces villes, grâce à la faveur de nobles personnages, il procure providentiellement à une multitude d’enfants, un gîte, des provisions, des vêtements et des maîtres. Revenu à Somasque, il se fait tout à tous ; aucun labeur ne le rebutait quand il prévoyait que sa peine profiterait au prochain. Il abordait les cultivateurs dispersés dans les champs, leur venait en aide au temps de la moisson, et leur expliquait les mystères de la foi. Il nettoyait les enfants atteints de maladies à la tête, les soignait patiemment, et pansait si bien les pauvres gens qui avaient des plaies dégoûtantes, qu’on l’eût dit doué de la grâce des guérisons. Ayant découvert une caverne sur la montagne dominant Somasque, il s’y retira, et là, se frappant à coups de fouet, restant à jeun des jours entiers, faisant oraison la plus grande partie de la nuit, ne prenant qu’un peu de sommeil sur la pierre nue, il pleurait ses péchés et ceux des autres. Au fond de cette grotte, une source d’eau jaillit du roc même. Une constante tradition l’attribue aux prières du Saint ; elle n’a point cessé de couler jusqu’à ce jour, et cette eau, portée en divers pays, rend la santé à beaucoup de malades. Enfin, une peste étant venue à sévir dans la vallée, Jérôme en fut atteint pendant qu’il se dévouait auprès des pestiférés et qu’il portait les cadavres sur ses épaules au lieu de la sépulture. Sa mort précieuse, qu’il avait prédite quelque temps auparavant, arriva l’an 1537: les nombreux miracles qu’il opéra pendant sa vie et après sa mort le rendirent illustre ; Benoît XIV le béatifia et Clément XIII l’inscrivit solennellement aux fastes des Saints.
(bréviaire)