Le motif premier de la lettre [de saint Clément aux Corinthiens] offre à l’évêque de Rome la possibilité d’une ample intervention sur l’identité de l’Église et sur sa mission. Si à Corinthe il y eut des abus, observe Clément, la cause est à rechercher dans l’affaiblissement de la charité et d’autres vertus chrétiennes indispensables. Et c’est pour cela qu’il rappelle les fidèles à l’humilité et à l’amour fraternel, les deux vertus vraiment constitutives de l’être de l’Église : « Nous sommes une portion sainte, les admoneste-t-il, il nous faut donc accomplir tout ce qu’exige la sainteté ». En particulier, l’évêque de Rome rappelle que le Seigneur lui-même « a établi où, et par qui, il veut que soient remplis les offices liturgiques, afin que toute chose, faite saintement et selon son bon plaisir, soit agréable à sa volonté… Au pontife suprême, en effet, sont confiées des fonctions liturgiques qui lui sont propres, aux prêtres a été alloué leur propre rôle, aux lévites reviennent des fonctions appropriées. À l’homme laïc sont confiées les fonctions laïques » (on note ici, que dans cette lettre de la fin du Ier siècle, apparaît pour la première fois dans la littérature chrétienne le terme grec (laikós, qui signifie « membre du laos », c’est-à-dire « membre du Peuple » de Dieu).
De cette façon, en référence à la liturgie de l’ancien Israël, Clément dévoile son idéal de l’Église. Elle est réunie par l’« effusion en nous de l’unique Esprit de grâce » infusé dans les divers membres du Corps du Christ, en qui tous, unis sans aucune séparation, sont « membres les uns des autres ». La distinction nette entre le laïc et la hiérarchie ne signifie nullement une opposition, mais seulement cette connexion organique d’un corps, d’un organisme, aux diverses fonctions. En effet, l’Église n’est pas un lieu de confusion et d’anarchie, où chacun à tout moment peut faire ce qu’il veut : chacun, dans cet organisme à la structure articulée, exerce son ministère selon la vocation reçue. En ce qui regarde les chefs des communautés, Clément explique clairement la doctrine de la succession apostolique. En dernière analyse, les normes qui la régissent viennent de Dieu même. Le Père a envoyé Jésus-Christ, lequel à son tour a donné mandat aux Apôtres. Puis ceux-ci ont envoyé les premiers responsables des communautés lesquels ont établi que d’autres hommes dignes leur succéderaient. Ainsi, tout procède « de façon ordonnée selon la volonté de Dieu ». Par ces mots, par ces phrases, saint Cément souligne comment l’Église est structurée sacramentellement et non pas politiquement. L’action de Dieu qui vient vers nous dans la liturgie précède nos décisions et nos idées. L’Église est avant tout un don de Dieu et non pas notre création, et, ainsi, cette structure sacramentelle qui est la sienne n’y garantit pas seulement l’organisation commune mais encore la prééminence du don de Dieu, dont nous avons tous besoin.