Dans un article du Monde :
C'était chez Nesma, Soraya était là, son voile sombre autour de son visage rond (les prénoms ont été modifiés). Toutes deux comprenaient les questions, mais répondre en français, prononcer les voyelles, le E, le I, leur était difficile. (...) Soraya, 29 ans, et Nesma, 44 ans, sont soeurs, algériennes (...).
Elles ont raconté leur histoire par bribes, depuis leurs débuts toutes seules, en France, directement d'Algérie. C'était il y a sept ans pour Nesma, cinq pour Soraya. Nesma était enceinte du premier de ses deux garçons. Soraya avait ses trois grands enfants. Depuis, un petit dernier est né et un fils de 14 ans l'a rejointe il y a un an.
Elles accordent plein de raisons à leurs difficultés. Les cours de langue collectifs où "les enfants sont interdits". La crèche, la halte-garderie, "souvent complètes". Les courses, à pied, pas de voiture. L'obligation de cuisiner tous les midis car les cantines scolaires ne sont pas halal. (...) A la maison, elles ne parlent que l'arabe. "Je sais que c'est ça le problème." Son plus petit va intégrer l'école maternelle en septembre sans connaître le français.
(...) Les deux soeurs ne regardent que les chaînes algériennes. Toutes leurs amies sont dans la même situation. Pas entendu parler du débat sur l'identité nationale, rien sur la burqua. Soraya dit qu'elles ont juste "vu Sarkozy, des fois".
Nesma résume, fataliste, "on est ici, c'est tout". Elles sont venues "pour les enfants, les médecins". Travailler leur paraît inaccessible alors elles s'appliquent à leur logis. Elles bénéficient des allocations familiales, de la CMU, de l'épicerie sociale et des Restos du coeur. (...)
Le mari de Nesma "regrette" par moments d'être ici. Avec la crise, il est au RMI. Celui de Soraya attend toujours son visa, au pays. Son cadet est dans une classe de "primo-arrivants".
(...) Nesma, à l'avenir, rêverait d'avoir cinq enfants et une fille, si possible.