Que répond le Sauveur à ces hommes qui se demandaient avec étonnement comment il pouvait savoir lire sans avoir appris à le faire ? « Ma doctrine, leur dit-il, ne vient pas de moi, mais de Celui qui m'a envoyé. » Voici le premier mystère que je rencontre dans ces paroles, c'est que dans ce peu de mots sortis de la bouche de Jésus, il semble se trouver une contradiction; car il ne dit pas: Cette doctrine n'est pas la mienne; mais il dit: « Ma doctrine ne vient pas de moi. » Si cette doctrine ne vient pas de toi, comment est-elle la tienne ? Et si elle est la tienne, comment se fait-il qu'elle ne vienne pas de toi? Tu dis pourtant l'un et l'autre: « C'est ma doctrine, elle ne vient pas de moi. » Si Jésus avait dit : « Cette doctrine n'est pas la mienne », il n'y aurait aucune difficulté. Mais, mes frères, examinez d'abord la difficulté, puis attendez-en la solution raisonnée; car celui qui ne comprend pas bien l'état de la question, est-il à même d'en bien saisir la solution ? Voici donc l'état de la question. Le Sauveur dit : « Ma doctrine ne vient pas de moi »; ces mots : « Ma doctrine », semblent être en contradiction avec ces autres : « Ne vient pas de moi ». Rappelons-nous bien ce que l'écrivain sacré dit au commencement de son Evangile: « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. » De là sort la solution de la difficulté. Quelle est la doctrine du Père, sinon son Verbe ? Le Christ est donc la doctrine du Père, s'il en est le Verbe; mais parce que le Verbe est de quelqu'un, parce qu'il est impossible qu'il ne soit de personne, il s'est appelé lui-même sa doctrine, et il a dit qu'elle ne vient pas de lui; car il est le Verbe du Père. Y a-t-il, en effet, quelque chose qui soit davantage tien que toi-même ? Et y a-t-il rien qui soit moins tien que toi-même, si ce que tu es est d'un autre ?
Saint Augustin