Le 18 février dernier, Benoît XVI faisait une « lectio divina » aux prêtres de Rome. Le thème en était le sacerdoce à travers l'Epître aux Hébreux. En voici un extrait, lié à ma note précédente.
La Lettre aux Hébreux résume, enfin, toute cette compassion dans le mot hypakoèn, obéissance: tout cela est obéissance. C'est un mot qui ne nous plaît pas, à notre époque. L'obéissance apparaît comme une aliénation, comme une attitude servile. La personne n'utilise pas sa liberté, sa liberté se soumet à une autre volonté, la personne n'est donc plus libre, mais elle est déterminée par un autre, alors que l'autodétermination, l'émancipation serait la véritable existence humaine. Au lieu du terme "obéissance", nous voulons comme parole-clef anthropologique celle de "liberté". Mais en considérant de près ce problème, nous voyons que les deux choses vont de pair: l'obéissance du Christ est la conformation de sa volonté à la volonté du Père; c'est une manière de porter la volonté humaine à la volonté divine, à la conformation de notre volonté avec la volonté de Dieu.
Saint Maxime le Confesseur, dans son interprétation du Mont des Oliviers, de l'angoisse exprimée dans la prière de Jésus, "non pas ma volonté mais la tienne", a décrit ce processus, que le Christ porte en lui comme vrai homme, avec la nature, la volonté humaine; dans cet acte - "non pas ma volonté, mais la tienne" - Jésus a résumé tout le processus de sa vie, c'est-à-dire celui de porter la vie naturelle humaine à la vie divine et, de cette manière, celui de transformer l'homme: divinisation de l'homme et ainsi rédemption de l'homme, parce que la volonté de Dieu n'est pas une volonté tyrannique, ce n'est pas une volonté qui est hors de notre être, mais c'est précisément la volonté créatrice, c'est précisément le lieu où nous trouvons notre véritable identité.
Dieu nous a créés et nous sommes nous-mêmes si nous sommes conformes à sa volonté; ainsi seulement nous entrons dans la vérité de notre être et nous ne sommes pas aliénés. Au contraire, l'aliénation naît, précisément, lorsque l'on sort de la volonté de Dieu, parce que ce cette manière, nous sortons du dessein de notre être, nous ne sommes plus nous-mêmes et nous tombons dans le vide. En vérité, l'obéissance à Dieu, c'est-à-dire la conformité, la vérité de notre être, est la vraie liberté, parce que c'est la divinisation. Jésus, en portant l'homme, l'être homme, en lui-même et avec lui-même, conformément à Dieu, dans la parfaite obéissance, c'est-à-dire dans la parfaite conformation entre les deux volontés, nous a rachetés et la rédemption est toujours ce processus de porter la volonté humaine dans la communion avec la volonté divine. C'est un processus sur lequel nous prions chaque jour: "Que ta volonté soit faite". Et nous voulons prier réellement le Seigneur, pour qu'il nous aide à voir intimement que cela est la liberté, et à entrer, ainsi, avec joie dans cette obéissance et à "recueillir" l'être humain pour le porter - à travers notre exemple, notre humilité, notre prière, notre action pastorale - dans la communion avec Dieu.