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A Carnoët, la Bretagne redécouvre ses saints fondateurs

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Un article de La Croix sur la « vallée des saints » et ses statues géantes (cf. la dépêche de l'AFP que j'avais reproduite en septembre).

Six statues géantes représentant les saints fondateurs de la Bretagne ont été posées sur une colline du centre Bretagne. Le projet de la vallée des saints est d'en édifier un millier.

Le lieu est sans aucun doute sublime, culminant à 238 mètres, dominant la forêt de Fréau, embrassant un vaste panorama, aux confins des Côtes-d'Armor et du Finistère, mais en cet après-midi pluvieux de novembre, le brouillard ne permet pas d'y voir très loin. Bravant le mauvais temps, une vingtaine de personnes ont malgré tout grimpé le raidillon en terre qui part de la chapelle Saint-Gildas afin d'aller voir les nouvelles statues exhibées plus haut.

Tournant le dos à une motte féodale, au sommet d'un petit tertre, orientés vers les villes bretonnes dont la légende rapporte qu'ils les ont fondées, six saints bretons de granit sont en effet posés là comme pour l'éternité : Malo, Brieuc, Patern (Vannes), Corentin (Quimper), Pol Aurélien (Saint-Pol-de-Léon), Samson (Dol-de-Bretagne).

Du haut de leurs quatre mètres, pesant chacune dix tonnes, les statues installées fin octobre seront rejointes par une quarantaine d'autres entre mai et octobre 2010, et dans quelques années, les mille saints bretons qui ont donné leur nom à autant de paroisses devraient pouvoir s'élever sur cette colline du centre Bretagne curieusement rebaptisée « vallée des saints ».

À l'origine de ce pari un peu fou, se trouve Philippe Abjean, professeur de philosophie à Saint-Pol-de-Léon, qui a fondé l'association « la vallée des saints ». « Notre idée, explique-t-il, est de faire un lieu spirituel majeur tout en défendant le patrimoine culturel breton. Ce projet servira aussi la filière du granit. Il pourra devenir un lieu touristique de grande envergure et c'est une manière de mettre l'Église hors les murs et de rassembler au-delà des querelles de chapelle. »

Le projet suscite des interrogations dont il revendique de ne pas avoir toutes les réponses. « Le lancement de la vallée des saints est davantage un appel, une intuition qu'une décision raisonnée, poursuit-il, mais ça marche. » Il en veut pour preuve la facilité avec laquelle il dit avoir recueilli les premiers fonds, à raison de 10 000 € par statue. « C'est quelque chose qui paraît impossible en pleine crise mais cela s'est fait tout naturellement. C'est dans l'esprit breton de faire quelque chose de démesuré. Ce que nous entreprenons, c'est une cathédrale du XXIe siècle ! Il y a encore des braises sous la cendre, il suffit de souffler. »

Ayant reçu l'agrément d'association d'intérêt général à caractère culturel, habilitée à recevoir les dons, les premiers partenaires, banques, sociétés de transport, grande distribution, union des industries de carrières et de matériaux de construction, ont répondu présent. Il n'a pas été très difficile de trouver sept sculpteurs tentés par cette entreprise hors normes. Sélectionnés à partir de maquettes, ils ont sculpté leurs statues l'été dernier en public à Saint-Pol-de-Léon, l'association leur fournissant à chacun un bloc de dix tonnes de granit. Elles ont été posées sur le site à la fin octobre.

L'an prochain, les sculpteurs viendront travailler sur le site, dans une ancienne ferme transformée en résidence d'artistes. L'association a aussi en projet la reconstitution d'un monastère celtique, un lieu culturel permettant de revisiter la statuaire des saints bretons et leur légende, des pèlerinages, offices, veillées.... « On laisse les choses se faire, dit Philippe Abjean. C'est un projet qui implique toutes les générations. »

Le choix du site, étudié en début d'année, a suscité l'intérêt de plusieurs villes bretonnes comme Huelgoat, Carhaix, Saint-Pol-de-Léon, mais le choix s'est fait sur Carnoët, une petite commune de 760 habitants. « Notre dossier était le plus modeste, reconnaît Rémi Lorinquer, agriculteur et maire de la commune depuis 1989, mais c'est un lieu exceptionnel sur lequel la commune dispose de 38 hectares d'un seul tenant que nous mettons à disposition de l'association par convention. »

Le maire et les habitants de Carnoët sont les premiers surpris de l'engouement pour le site et en espèrent un regain d'activité économique. Chaque fin de semaine, environ un millier de personnes viennent voir les statues. Ce qui fait craindre à certains l'émergence d'un lieu de visite uniquement touristique avec les contraintes que cela peut entraîner, tandis que l'association « La vallée des saints » imaginait davantage une « colline inspirée » à la manière de Taizé ou Paray-le-Monial.

À quelques kilomètres de là, dans le presbytère de Callac où le recteur, le P. Hubert Forget, dessert depuis cinq ans les 14 clochers de la paroisse qui englobe Carnoët, la vallée des saints est au cœur des conversations. « Ça prend le contre-pied du mouvement de désaffection spirituelle actuel, commente le recteur. La question est de savoir si cela va toucher les vrais chemins de la foi ? Cela dépendra de ceux qui le feront vivre. L'Église locale doit regarder cela avec un esprit ouvert et intéressé et voir quelle part elle peut prendre dans ce projet. »

Jean-Luc POUSSIER (à Carnoët)

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