Extrait de la catéchèse fondamentale de Benoît XVI, hier sur le sacerdoce.
Les conditions historiques et sociales dans lesquelles se trouva le curé d'Ars ont indéniablement changé et il est juste de se demander comment les prêtres peuvent l'imiter dans l'identification avec leur propre ministère dans les sociétés actuelles mondialisées. Dans un monde où la vision commune de la vie comprend toujours moins le sacré, à la place duquel « l'aspect fonctionnel » devient l'unique catégorie décisive, la conception catholique du sacerdoce pourrait risquer de perdre son caractère naturel, parfois même à l'intérieur de la conscience ecclésiale. Souvent, que ce soit dans les milieux théologiques, ou bien dans la pratique pastorale et de formation concrète du clergé, s'affrontent, et parfois s'opposent, deux conceptions différentes du sacerdoce. Je remarquais à ce propos il y a quelques années qu'il existe « d'une part, une conception socio-fonctionnelle qui définit l'essence du sacerdoce avec le concept de "service" : le service à la communauté, dans l'exercice d'une fonction... D'autre part, il y a la conception sacramentelle-ontologique, qui naturellement ne nie pas le caractère de service du sacerdoce, mais le voit cependant ancré à l'être du ministre et qui considère que cet être est déterminé par un don accordé par le Seigneur à travers la médiation de l'Eglise, dont le nom est sacrement » (J. Ratzinger, Ministero e vita del Sacerdote, in Elementi di Teologia fondamentale. Saggio su fede e ministero, Brescia 2005, p. 165). Le glissement terminologique du mot « sacerdoce » à ceux de « service, ministère, charge », est également un signe de cette conception différente. Ensuite, à la première, la conception ontologique-sacramentelle, est lié le primat de l'Eucharistie, dans le binôme «sacerdoce-sacrifice», alors qu'à la deuxième correspondrait le primat de la parole et du service de l'annonce.
A tout bien considérer, il ne s'agit pas de deux conceptions opposées, et la tension qui existe cependant entre elles doit être résolue de l'intérieur.
Ainsi, le décret Presbyterorum ordinis du Concile Vatican II affirme : « En effet, l'annonce apostolique de l'Evangile convoque et rassemble le peuple de Dieu, afin que tous les membres de ce peuple... s'offrent eux-mêmes en "victime vivante, sainte, agréable à Dieu" (Rm 12, 1), et c'est précisément à travers le ministère des prêtres que le sacrifice spirituel des fidèles atteint sa perfection dans l'union au sacrifice du Christ, unique médiateur. En effet, ce sacrifice, accompli par les mains du prêtre et au nom de toute l'Eglise est offert dans l'Eucharistie « de manière non sanglante et sacramentelle, jusqu'à ce que vienne le Seigneur lui-même » (n. 2).
Nous nous demandons alors : «Que signifie précisément pour les prêtres évangéliser ? En quoi consiste ce que l'on appelle le primat de l'annonce ? ». Jésus parle de l'annonce du Royaume de Dieu comme du véritable but de sa venue dans le monde et son annonce n'est pas seulement un « discours ». Elle inclut dans le même temps son action elle-même : les signes et les miracles qu'il accomplit indiquent que le Royaume vient dans le monde comme réalité présente, qui coïncide en fin de compte avec sa propre personne. En ce sens, il faut rappeler que, dans le primat de l'annonce également, la parole et le signe sont inséparables. La prédication chrétienne ne proclame pas des « paroles », mais la Parole, et l'annonce coïncide avec la personne même du Christ, ontologiquement ouverte à la relation avec le Père et obéissant à sa volonté. Un service authentique à la Parole exige de la part du prêtre une profonde abnégation de soi, jusqu'à dire avec l'Apôtre : « Ce n'est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi ». Le prêtre ne peut pas se considérer comme «maître» de la parole, mais comme serviteur. Il n'est pas la parole mais, comme le proclamait Jean le Baptiste, dont nous célébrons précisément aujourd'hui la Nativité, il est la « voix » de la Parole : « Voix de celui qui crie dans le désert : préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers » (Mc 1, 3).
Or, être « voix » de la Parole, ne constitue pas pour le prêtre un simple aspect fonctionnel. Au contraire, cela présuppose une substantielle « perte de soi » dans le Christ, en participant à son mystère de mort et de résurrection avec tout son moi : intelligence, liberté, volonté et offrande de son propre corps, comme sacrifice vivant (cf. Rm 12, 1-2). Seule la participation au sacrifice du Christ, à sa khènosi, rend l'annonce authentique ! Tel est le chemin qu'il doit parcourir avec le Christ pour parvenir à dire au Père avec Lui : que s'accomplisse « non ce que je veux, mais ce que tu veux » (Mc 14, 36). L'annonce, alors, comporte toujours également le sacrifice de soi, condition pour que l'annonce soit authentique et efficace.
Alter Christus, le prêtre est profondément uni au Verbe du Père, qui en s'incarnant a pris la forme d'un serviteur, est devenu serviteur (cf. Ph 2, 5-11). Le prêtre est le serviteur du Christ, au sens que son existence, configurée à Lui de manière ontologique, assume un caractère essentiellement relationnel : il est en Christ, pour le Christ et avec le Christ au service des hommes. Précisément parce qu'il appartient au Christ, le prêtre est radicalement au service des hommes : il est ministre de leur salut, de leur bonheur, de leur libération authentique, mûrissant, dans cette assomption progressive de la volonté du Christ, dans la prière, dans le « cœur à cœur » avec Lui. Telle est alors la condition inaliénable de toute annonce, qui comporte la participation à l'offrande sacramentelle de l'Eucharistie et la docile obéissance à l'Eglise.
Commentaires
Nous retrouvons ici l'esprit réaliste qui consiste à unir les idées dans le but de leur faire rendre compte de la réalité et non à les opposer comme des absolus s'excluant l'une l'autre.
En dehors de l'obéissance liturgique à l'Eglise le prêtre viole la liberté des fidèles d'avoir la liturgie catholique.