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Saint Grégoire VII

Lettre aux fidèles, de saint Grégoire VII assiégé par l'empereur et réfugié au château Saint-Ange (en 1084, peu avant sa mort en exil à Salerne)

Les princes des nations et les princes des prêtres se sont réunis contre le Christ, Fils du Dieu tout-puissant, et contre son apôtre Pierre, pour éteindre la religion chrétienne et propager partout l'hérétique perversité. Mais, par la miséricorde de Dieu, ils n'ont pu, malgré leurs menaces, leurs cruautés et leurs promesses de gloire mondaine, entraîner dans leur impiété ceux qui mettent leur confiance dans le Seigneur. D'iniques conspirateurs ont levé la main contre nous, uniquement parce que nous n'avons pas voulu couvrir du silence le péril de la sainte Eglise, ni tolérer ceux qui ne rougissent pas de réduire en servitude l'Epouse même de Dieu. En tout pays, la dernière des femmes peut se donner un époux à son gré avec l'appui des lois ; et voici qu'il n'est plus permis à la sainte Eglise, qui est l'Epouse de Dieu et notre mère, de demeurer unie à son Epoux, comme le demande la loi divine et comme elle le veut elle-même. Nous ne devons pas souffrir que les fils de cette Eglise soient asservis à des hérétiques, à des adultères, à des oppresseurs, comme si ceux-là étaient leurs pères. De là des maux de toute nature, des périls divers, des actes de cruauté inouïe, ainsi que vous pourrez l'apprendre de nos légats.

Il a été dit au Prophète, comme le sait votre fraternité : « Du sommet de la montagne, fais entendre des cris, et ne cesse pas. » Poussé irrésistiblement, sans aucun respect humain, me mettant au-dessus de tout sentiment terrestre, j'évangélise à mon tour, je crie et je crie encore, et je vous annonce que la religion chrétienne, la vraie foi que le Fils de Dieu venu sur la terre nous a enseignée par nos pères, est menacée de se corrompre par l'envahissement de la puissance séculière, qu'elle tend à s'anéantir, à perdre sa couleur antique, exposée ainsi à la dérision non seulement de Satan, mais des juifs, des sarrasins et des païens. Ces derniers du moins gardent leurs lois qui ne peuvent être utiles au salut des âmes, et qui n'ont point été garanties par des miracles comme la nôtre que le Roi éternel a attestée lui-même : ils les gardent et ils y croient. Nous chrétiens, enivrés de l'amour du siècle et trompés par une vaine ambition, nous faisons céder toute religion et toute honnêteté à la cupidité et à la superbe, nous semblons dépourvus de toute loi et comme insensés, n'ayant plus le souci qu'avaient nos pères du salut et de l'honneur de la vie présente et de la vie future, n'en faisant même pas l'objet de notre espérance. S'il s'en rencontre qui craignent encore Dieu, c'est uniquement de leur salut qu'ils s'occupent, et non de l'intérêt commun. Qui voit-on aujourd'hui se donner de la peine, exposer sa vie dans les fatigues par le motif de la crainte ou de l'amour du Dieu tout-puissant, tandis qu'on voit les soldats de la milice séculière braver tous les dangers pour leurs maîtres, pour leurs amis et même pour leurs sujets ? Des milliers d'hommes savent courir à la mort pour leurs seigneurs ; mais s'agit-il du roi du ciel, de notre Rédempteur, loin de jouer ainsi sa vie, on recule devant l'inimitié de quelques hommes. S'il en est (et il en existe encore, par la miséricorde de Dieu, si peu que ce soit), s'il en est, disons-nous, quelques-uns qui, pour l'amour de la loi chrétienne, osent résister en face aux impies, non seulement ils ne trouvent pas d'appui chez leurs frères, on les taxe d'imprudence et d'indiscrétion, on les traite de fous.

Nous donc qui sommes obligé par notre charge de détruire les vices dans les cœurs de nos frères et d'y implanter les vertus, nous vous prions et vous supplions dans le Seigneur Jésus qui nous a rachetés, de réfléchir en vous-mêmes, afin de bien comprendre pour quel motif nous avons à souffrir tant d'angoisses et de tribulations de la part des ennemis de la religion chrétienne. Du jour où, par la volonté divine, l'Eglise mère m'a établi, malgré ma grande indignité, et malgré moi, Dieu le sait, sur le trône apostolique, tous mes soins ont été pour que l'Epouse de Dieu, notre dame et mère, remontât à la dignité qui lui appartient, pour qu'elle se maintînt libre, chaste et catholique. Mais une telle conduite devait déplaire souverainement à l'antique ennemi ; c'est pourquoi il a armé contre nous ceux qui sont ses membres, et nous a suscité une opposition universelle. C'est alors que l'on a vu se diriger contre nous et contre le Siège Apostolique plus d'efforts violents qu'il n'en avait été tenté depuis les temps de Constantin le Grand. Mais que l'on ne s'en étonne pas; il est naturel que plus le temps de l'Antéchrist approche, plus il mette d'acharnement à poursuivre l'anéantissement de la religion chrétienne.

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