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A propos des discussions avec Rome

La Porte latine a mis en ligne le sermon de l’abbé de Cacqueray, supérieur du district de France de la Fraternité Saint Pie X, dimanche à Saint-Nicolas du Chardonnet. Il s’agissait bien sûr de la levée (et non du retrait, comme indiqué en sous-titre) des excommunications. L’abbé de Cacqueray évoque trois domaines dans lesquels le concile Vatican II s’oppose selon lui à la Tradition, et qui doivent donc être au cœur des discussions avec Rome. Le problème est qu’il caricature tellement l’enseignement de Vatican II qu’on ne voit guère comment il est possible de discuter sur de telles bases.

Le « premier domaine » est celui qui concerne la reconnaissance par les chefs d’Etat de la souveraineté du Christ sur la société. Certes Vatican II marque une évolution sur ce plan, mais au lieu de donner, et de critiquer s’il le veut, les raisons de cette évolution, il assène : « Le Concile a prôné la séparation de l’Eglise et l’Etat et la complète neutralité de l’Etat dans le domaine religieux. » Or les mots séparation et neutralité ne figurent pas dans les textes du concile.

Le « deuxième domaine », c’est la façon dont le concile parle des autres religions : « Il a considéré qu’elles pouvaient être d’autres voies de salut pour les hommes », ce qui a « cassé » l’effort et même la vocation missionnaire. Or il n’y a aucune phrase qui dise cela dans les textes du concile. C’est contraire aux tout premiers mots de ces textes (Lumen gentium cum sit Christus), et à ce que dit Nostra aetate : si les autres religions contiennent « un rayon de la vérité », l’Eglise « est tenue d’annoncer sans cesse le Christ qui est la voie, la vérité et la vie ». Ce qui est souligné dès Lumen Gentium (17), Et il y a un texte entier, de 60 pages (Ad gentes) sur la nécessité de l’activité missionnaire qui commence ainsi : « Envoyée par Dieu aux païens (…), l’Eglise, en vertu des exigences intimes de sa propre catholicité et obéissant au commandement de son Fondateur, est tendue de tout son effort vers la prédication de l’Evangile à tous les hommes. »

L’abbé de Cacqueray cite ensuite le fameux propos sur les musulmans. Mais il ne s’agit pas d’un jugement sur l’islam, il s’agit des personnes de confession musulmane. Et ce témoignage d’« estime » pour ces personnes qui adorent le Dieu créateur, miséricordieux et tout-puissant, vient juste après le propos sur l’Eglise qui « est tenue d’annoncer sans cesse le Christ qui est la voie, la vérité et la vie ». La référence qui est donnée est la lettre de Grégoire VII au sultan de Mauritanie, 889 ans avant Vatican II, que voici :

Ta Noblesse nous a cette année envoyé une lettre pour que nous ordonnions évêque, selon les dispositions de la loi chrétienne, le prêtre Servandus. Ce que nous avons eu à cœur de faire, parce que ta requête nous apparaissait juste et excellente. Tu nous as aussi envoyé des présents et, par déférence envers le bienheureux Pierre, prince des Apôtres, et pour l’amour de nous, tu as renvoyé les chrétiens qui étaient retenus captifs parmi vous ; tu as également promis de renvoyer les autres captifs. C’est Dieu, créateur de toutes choses, sans qui nous ne pouvons rien faire ni même penser de bon, qui a inspiré à ton cœur cette bonne action, c’est lui, qui éclaire tout homme venant en ce monde, qui a éclairé ton esprit en cette intention. Car le Dieu tout-puissant qui veut sauver tous les hommes et n’en perdre aucun, n’apprécie en nous rien tant que l’amour du prochain après l’amour de lui et le soin de ne pas faire à autrui ce que l’on ne veut pas qui nous soit fait. Cette charité, à l’évidence, vous et nous, nous nous la devons plus expressément qu’aux autres nations, puisque nous reconnaissons et confessons, de façon il est vrai différente, le Dieu unique, que chaque jour nous louons et vénérons comme créateur des siècles et maître de ce monde. Car, ainsi que le dit l’Apôtre, “c’est lui qui est notre paix, lui qui des deux n’a fait qu’un peuple”.

Depuis qu’ils connaissent par nous cette grâce que Dieu t’a accordée, plusieurs nobles romains admirent sans réserve et célèbrent ta bonté et tes vertus. Parmi eux, deux de nos familiers, Albericus et Censius, élevés avec nous presque dès l’adolescence dans le palais romain, désirent beaucoup parvenir à ton amitié et à ton affection, et te rendre cordialement service pour ce qui te plaira de notre côté. Ils t’envoient des hommes à eux par qui tu sauras combien ils t’estiment sage et noble et combien ils veulent et peuvent te rendre service. Nous recommandons ces hommes à ta Magnificence, afin que tu apportes tout ton soin à faire preuve, à leur égard, pour l’amour de nous et pour récompenser de leur confiance ceux que nous avons nommé plus haut, de cette même charité que nous désirons toujours manifester à l’égard de toi et des tiens.

Car Dieu sait bien que nous te chérissons sincèrement pour Sa gloire et que nous désirons ton salut et ta gloire dans la vie présente et future, et de cœur et de bouche nous lui demandons qu’après un long séjour en cette vie il te conduise lui-même dans le sein de la béatitude du très saint patriarche Abraham.

Le « troisième domaine » est celui de la collégialité : « Notre Seigneur Jésus-Christ n’a pas fait des Apôtres un Collège qui serait à côté du successeur de Pierre, comme une sorte d’Assemblée Constituante, qui porterait un contre-pouvoir dans l’Eglise. Or le Concile Vatican II a touché à la Constitution même de l’Eglise en faisant du corps des évêques une sorte de Collège, qui est comme un autre pouvoir, qui paralyse celui du Pape depuis le Concile. »

Outre le fait que l’Eglise catholique n’a jamais contesté la collégialité des Eglises orientales, ce que dit l’abbé de Cacqueray est contraire à la lettre même du concile : le collège des évêques ne peut pas être un autre pouvoir, puisqu’il n’existe qu’en union avec son chef le Pontife romain et jamais en dehors de son chef, et sans préjudice pour le pouvoir de celui-ci (Lumen gentium 22). Ce que souligne lourdement la fameuse note explicative qui a été ajoutée pour répondre aux progressistes qui, eux aussi, voyaient le collège comme un contre-pouvoir au pouvoir du pape.

(Quant à l’esprit du concile en la matière, le véritable esprit du concile, c’est l’insistance sur l’Eglise vue comme communion, en tant que corps mystique du Christ, ce qui est d’une autre portée spirituelle que de privilégier son aspect de société hiérarchique.)

La question est que, dans les discussions avec Rome, il ne suffira pas de donner l’interprétation que l’on fait du concile, il faudra se référer aux textes…

Commentaires

  • Tout le problème, tous le problèmes ont une source commune : que valent des textes si, dans les faits, ils ne sont pas appliqués ? Voici la question centrale, préalable, à mon avis, à toutes discussions.

    Si l'on examine les propos de l'abbé de Cacqueray, et que l'on se réfere aux textes, ce que fait M. Daoudal, alors, oui, bien sûr, l'abbé de Cacqueray exagère, et présente des problèmes là où il n'y en a pas.

    Mais, et in fine, c'est tout de même ce qui compte, si l'on se réfere aux faits, alors il est clair que l'abbé de Cacqueray a raison.

    Je prendrai simplement quelques exemples :

    La collégialité, dénoncée par la FSSPX. Naturellement, Lumen Gentium ne présente pas la collégialité des évêques comme un contre-pouvoir au pape, mais dans les faits, c'est bien ce qui se passe (On en a eu un brillant exemple lors de la venue de Benoît XVI en France, et du discours insolent du Cardinal Vingt-trois, sitôt le pape parti).

    Enfin Nostra aetate ne prône pas l'indifférentisme, bien sûr, et rappelle que le salut ne peut s'obtenir que de la seule religion catholique. Mais certains ont interprété "les éléments du salut présents dans les autres religions" comme une affirmation de l'indifférentisme, et, là encore, l'abbé de Cacqueray a raison de dénoncer ce fait, réel, de l'absence de mouvement missionnaire.

    On pourrait les multiplier, ces exemples (usage du latin, communion dans la bouche, orientation del'autel, etc...) pour dire que le concile Vatican II n'a jamais prôné ces usages abusifs. Reste que tous ces usages sont passés dans les moeurs.

    En fait, ce n'est pas une sérieuse et franche discussion entre Rome et la FSSPX qui est nécessaire, c'est entre le clergé français et Rome.

  • Bravo, M. Daoudal, pour ces réactions de bon sens (qui sont, je l'avoue toute honte bue, les mêmes que les miennes).
    Si je vais au-delà de ma réaction spontanée pour tenter de saisir de l'intérieur ce que l'abbé lefébvriste veut dire, cependant, je me dis que, sans doute, quand l'abbé de Cacqueray parle d'autres religions, cela doit comprendre, en language très traditionnel dirons-nous, les autres confessions chrétiennes. Et là effectivement le décret Unitatis Redintegratio dit bien que l'Esprit du Christ ne refuse pas de se servir des autres Églises ou communautés séparées comme moyens de salut - en précisant que la force de ces moyens dérive de la grâce confiée à l'Église catholique; et effectivement cela heurte les thèses de ce qui était jusqu'alors, non - je pense - la doctrine de toute l'Église, mais une école théologique - peut-être dominante - en ecclésiologie. Il reste qu'en parlant d'« autres religions » en général il induit ses ouailles en erreur.

    Quant à Dignitatis Humanae, la déclaration commence (fin du par. 1) par souligner qu'elle ne veut rien changer à la doctrine sur le devoir de l'homme et des sociétés envers la vraie religion. Et on ne voit pas en quoi le droit à la liberté de religion dans de justes limites implique l'impossibilité qu'un chef d'État reconnaisse la royauté sociale du Christ.

  • Mon cher Ysengrin
    pour condamner les dérives dont vous parlez on n'a pas besoin de la FSSPX. Le pape ne cesse de dénoncer le soi-disant esprit du concile qui fait faire le contraire de ce que le concile a dit. Et il a établi le principe d'une herméneutique de continuité qui fait lire les textes du concile à la lumière de la Tradition (comme le demandait déjà Jean-Paul II), à l'inverse de l'herméneutique de rupture qui a prévalu dans de nombreux endroits.
    La FSSPX parle bien des TEXTES. C'est pourquoi je parle aussi des textes.
    Et je vois par votre conclusion que nous ne sommes pas vraiment en désaccord.

  • Quant à Dignitatis humanae loin de critiquer le Christ Roi et la confession catholique, de l'Etat rappelle que l'Etat est laïc et n'a pas à donner de leçon à l'Eglise dont il doit favoriser l'action. Il n'a aucun titre à se substituer à Elle ou, pire, bafouer sa liberté.

  • Je suis en train de relire "VATICAN II ET L'EVANGILE" (Ed Objections 2003) de l'abbé Guimllaume de Tanouarn qui a été exclu de la FSSPX.Ouvrage préfacé par l'abbé R. de Cacqueray lui-même ! Cet ouvrage intéressant pour les non spécialistes (comme les autres) se veut une clécdec lecture efficace pour comprendre l'impact sans précédent de cette assemblée d'évêques sur la vie de l'Eglise(...)l'objecti de l'auteur est d'indiquer comment une nouvelle identité chrétienne se construit aujourdhui sur Vatican II et pourquoi ce nouveau christianisme introuit, dans le coeur de l'Eglise, une crise durable.Les solutions conciliaires sont-elles ou non conformes à cette Tradition bimillénaire qui représente pour chaque catholique quelque chose comme le code génétique de sa roissance intérieure ? Quel meilleur moyen pour lever le doute qui s'est insinué lentenment dans les coeurs que d'interroger l'Evangile ?Tout simplement..." (Extrait de la p.4 de couverture)
    Un petit livre qui me semble valable pour les non spécialistes dont le suis.
    Quant aux différences entre "intégristes" comme ils disent et modernsites ou "concilaires" comme ils disent, elles ont de quoi faire réfléchir, évidemment ! Que je sache, malgré leurs accords, les prêtres de l'Institut du Bon Pasteur qui viennent de la Fraternité St Pie X n'ont pas renié, leurs positions comme exposées dans ce livre par l'abbé de Tanouarn.Alors, peut-être qu'une "intégration" par des accords semblables mais encore plus généreux de la FSSPX est-elle possible comme pour l'IBP ? Car, évidemment, personne, à vue humaine, ne voit le St Père revenir sur les applications du Concile, ce qui s'est passé à Assise, les repentances et les changements graves décrits dans ce livre.Car c'est là que je ne comprends plus toutes ces querelles ! Ou bien il n'-y-a pas eu de changements et de crise, de diminution interne de vérités de toujjours et alors ceux qui ont désobéi ont tout à fait tort mais hélas, et c'est un mystère, c'est le contraire qui s'est produit et il fautque tout soit un jour remis à plat pour le bien de l'Unique Eglise, ce que seul Dieu pourra.

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