L’ineffable Martin Schulz, chef du groupe socialiste au Parlement européen, distribue les blâmes plus vite que son ombre, s’en prenant nommément, et de façon souvent grossière, aux chefs d’Etat et de gouvernement qui ne lui plaisent pas. On l’a vu avec le président polonais, plus récemment avec Berlusconi (lequel avait répliqué précédemment qu’il y a quelques décennies Martin Schulz aurait pu être choisi comme kapo...). On se souvient aussi comment ce grand démocrate avait tenté d’empêcher la formation du groupe ITS au Parlement européen.
Après le référendum français de 2005, il s’en était pris aux socialistes français qui avaient fait campagne pour le non, et plus généralement aux hommes politiques français qu’il accusait de ne pas avoir fait campagne sur la Constitution européenne elle-même mais sur d’autres sujets.
Cette fois, bien sûr, il s’en prend au Premier ministre irlandais Brian Cowen :
« Je crois nécessaire une évaluation critique du rôle du gouvernement irlandais. 70% des Irlandais ont dit ne pas savoir ce qu’il y avait dans le traité. C’est la faute du gouvernement. Depuis six semaines, l’Irlande est gouvernée par un homme qui n’a pas fait grand-chose (pour expliquer le traité). Une fois de plus, la politique européenne a été sacrifiée sur l’autel des intérêts nationaux. »
C’est évidemment très injuste. Brian Cowen a mobilisé tout le ban et l’arrière-ban de l’establishment politique, médiatique, économique, pour faire campagne pour le oui. Il a même présidé une conférence de presse commune des trois principaux partis (ce qui n’est quand même pas banal) pour montrer l’unité de la classe politique en faveur du traité. Et s’il n’est là que depuis six semaines, c’est parce que l’ancien Premier ministre a démissionné de façon à ce que le scrutin ne soit pas pollué par les considérations de politique intérieure... Tout a été fait, au contraire, pour le oui. Ce n’est assurément pas la faute de Brian Cowen si les Irlandais ne savaient pas ce qu’il y a dans le traité.
Pour faire bonne mesure, Martin Schulz s’en est pris également au commissaire européen Charlie McCreevy, qui selon lui a déclaré « Je ne connais pas le traité, je ne l’ai pas lu, c’est trop compliqué. » « C’est scandaleux ! », s’exclame Martin Schulz (qui ne semble pas savoir que Brian Cowen lui-même a avoué qu’il ne l’avait pas lu, parce qu’il n’avait « pas eu le temps »...). Et lui, il l’a lu ?
J’ai retrouvé cette autre déclaration de McCreevy : « J’imagine qu'il y a moins de 250 personnes parmi la totalité des 4,2 millions d'Irlandais qui ont lu le traité de la première à la dernière page. J’imagine aussi qu'il y a moins de 10% des 250 qui comprend chaque section et sous-section. » Ce qui est simplement réaliste, quoique sans doute optimiste, car le traité est littéralement illisible. Et McCreevy d’ajouter : « Je ne m’attends pas à ce que des Irlandais sains d’esprit le lisent. » Même un commissaire européen peut être de bon sens...
On aimerait que Martin Schulz nous dise combien d’Allemands sains d’esprit ont lu le traité et savent ce qu’il y a dedans.
Il est vrai qu’on ne leur demande pas leur avis. C’est beaucoup plus démocratique. C’est la démocratie à la Martin Schulz : vous n’avez pas besoin de le savoir, on sait pour vous.
Pour faire voter oui, Charlie McCreevy s’en tenait à des arguments basiques, comme celui-ci : « Si l’Irlande vote non, elle deviendra un paria. » On voit ici que le commissaire et Martin Schulz sont d’accord...
Et que les Irlandais ont préféré l’honneur d’être paria que le déshonneur d’être les valets de ces gens-là.
Commentaires
Merci de votre note. Elle est incroyable !
Jusqu'à une date récente (mais sans doute est-ce encore le cas, je n'ai pas eu le temps de vérifier), l'UE n'avait pas mis à disposition le Traité de Lisbonne et sa version consolidée (donc lisible).
C'était un choix assumé pour éviter ce qui s'était passé en France et Hollande.
Aujourd'hui, c'est de la faute à l'Irlande.
Ce matin, jeudi, BFM annonce les propositions sarkopéistes pour "éviter" les conséquences du vote irlandais en les faisant revoter un texte qui comporterai un article soulignant la règle de l'unanimité concernant les décisions économiques et fiscales (is it a joke ?) et continuer en attendant comme si le vote irlandais n'avait pas eu lieu.
Quid des vrais questions; l'obligation d'appliquer la culture de mort et d'ouvrir les frontières à encore plus d'invasion incontrolée depuis des pays de culture et de religion pour le moins difficile a intégrer?
Derrière cette proposition de "mickey" plane l'ombre de l'adhésion turque et des pressions étasuniennes qui veulent poursuivre la fuite en avant de la mondialisation.
L'expression libre de la volonté des peuples est terminée en Europe, prenons acte et préparons nous à l'étape suivante qui verra imposer les décision de la dictature bruxelloise directement par la force sans plus s'embarrasser d'apparences démocratiques