Je reviens de l’enterrement de Jean-Claude Varanne. J’ai pu vérifier l’état de totale destruction de la liturgie des défunts. Les seuls vestiges d’une quelconque liturgie, dans ce très long baratin (pieux et digne…), étaient un passage de l’Evangile et le Notre Père…
L’officiante était une religieuse, en civil, assistée d’une laïque. C’est elle qui nous a appris qu’elle était religieuse. Elle a dit aussi qu’il n’y avait pas de prêtre parce qu’il n’y a pas de prêtre. Pourtant à la porte de l’église il y avait le « planning » des messes dans les environs pour le mois de mai. Il y a donc au moins un prêtre quelque part. Mais sans doute a-t-il des choses plus importantes à faire que de célébrer le saint sacrifice de la rédemption, de l’appliquer à un défunt et de profiter de l’occasion pour faire œuvre d’apostolat.
Je me disais que cette femme qui se dit religieuse ferait un bon pasteur protestant.
De fait, je vois sur le site de l’Oratoire du Louvre ce qui est dit de la cérémonie des obsèques dans l’Eglise réformée de France, et je constate que c’est globalement ce à quoi j’ai assisté :
« Cette cérémonie a trois objectifs:
Être ensemble, réunir ceux qui ont aimé le disparu pour témoigner du fait que l'on n'est pas seul dans le deuil, mais que la communion humaine et fraternelle est essentielle.
Rendre grâce à Dieu pour une existence qui nous a été donnée et au bénéfice de laquelle on a été. Ce point est d'ailleurs essentiel puisque souvent les protestants désignent par "service d'action de grâce" le service funèbre.
Et enfin: entendre l'Évangile, et partager l'espérance commune de notre foi dans le deuil pour dire que l'homme n'est pas condamné à mort, mais qu'il est promis à la vie. »
« Le service funèbre peut se dérouler de la façon suivante : Orgue - Louange et accueil - Annonce de l'Évangile de la vie - (Cantique) - Confession de foi - (Témoignages d'une ou deux personnes de la famille) - Lectures dans la Bible - Orgue (ou cantique) – Prédication - Orgue (ou cantique) - Prière et "Notre Père" - Annonces - (Offrande) - Bénédiction de l'assemblée - (Cantique) – Orgue. Si l'on pense qu'il y aura peu de personnes présentes capables de chanter un cantique, il est préférable de ne pas mettre du tout de cantiques et de les remplacer par de la musique (orgue, disque, ou musicien contacté par la famille). »
En l’occurrence, il s’agissait de disques. Les « trois objectifs » ont été en effet les trois points autour desquels tournaient la prédication de la religieuse. Je remarque toutefois qu’il y a dans l’office protestant une « confession de foi » et des « lectures de la Bible », mais nous n’avons pas eu cela. L’office des défunts, en Seine-et-Marne, c’est l’office protestant, mais substantiellement allégé. Naturellement, la présence d’un prêtre, et la présence réelle du Christ, seraient incongrues.
Commentaires
Cher Monsieur,
J'ai récemment assisté à un office funèbre dans un petit village des Vosges et le spectacle (désolé d'employer ce mot) était exactement le même que celui que vous décrivez.
Philippe Muray disait que la société n'avait plus besoin des protestants, parce que tout le monde était devenu protestant. Avait-il tort ?
En tant que prêtre, présidant la liturgie "in persona Christi capitis" selon la forme dite "ordinaire" de Paul VI, je suis très intéressé par votre article qui touche à plusieurs questions.
Il y a la forme générale de la célébration : Messe ou liturgie des funérailles en dehors de la Messe. Je crois que cela relève d'une décision pastorale prudentielle à prendre en concertation avec la famille. D'une part, tous ne sont pas prêts à vivre la pleine participation active au Sacrifice du Christ, représenté et rendu présent efficacement dans le sacrement de la Messe. Il peut être judicieux d'ouvrir les gens à la prière déjà liturgique des funérailles catholiques en dehors de la Messe, pour les inviter à la Messe du dimanche suivant sur la paroisse, au sein d'une communauté de Foi. Je sais que ce n'est pas simple, parce que les gens viennent souvent de loin. Mais cela peut être plus judicieux, en particulier pour éviter des communions intenables...
Il y a aussi le but de la célébration. De mémoire, je dirai qu'il est triple : se souvenir du défunt en l'aimant, centrer la proclamation foi et la prière liturgique sur la Résurrection du Christ qui a vaincu la mort et nous ouvre l'Espérance de vie éternelle, prier pour le défunt afin qu'il soit sauvé et pour ceux qui vivront sur terre la blessure de la séparation, en se soutenant mutuellement dans l'attente de se retrouver avec le Christ pour toujours (ce qui suppose qu'on s'ouvre à sa miséricorde ).
Sous cet aspect du but de la célébration, le danger est souvent de transformer une célébration riche de la prière de l'Eglise et nourrie de l'Ecriture Sainte en une banale canonisation sentimentale qui ressemble à une "distribution des prix" et à une proclamation de "valeurs" qui fleure bon la religion laïque qui se substitue trop souvent à la nôtre. Le salut, la gravité de la vie, l'espérance dans le pardon sont les principales victimes de cette fausse religion. Je suis de ceux qui pensent qu'on peut et qu'on doit célébrer proprement et valablement dans la forme ordinaire du rite catholique, avec toute l'estime requise pour l'autre forme qui était celle de mon enfance.
La dernière question qui me vient à l'esprit est celle de la présidence par un prêtre (d'ailleurs lui seul, en vertu du sacrement de l'ordination, peut rendre efficacement le Christ comme tête de l'Eglise, et accomplir des actes que seul le Christ peut poser, ce que signifie le mot "présider"). J'en ai discuté souvent avec mes confrères. J'ai été souvent surpris avec bonheur par l'attachement qui demeure chez eux envers la célébration des funérailles. Tout prêtre sait que c'est là qu'on rencontre des peines immenses, des regrets, des craintes, des révoltes, des manques de foi, des réconciliations aussi ou des âmes incroyables qui tiennent dans la foi et dans la charité les uns envers les autres. Etant moi-même aumônier de clinique (avec des cancers, des fins de vie) en plus du service paroissial, je sais le travail apostolique immense qui peut se faire autour de la fin de vie et de la mort. C'est pourquoi, avec un confrère nous nous disions que nous ne lacherons pas les sépultures tant que ce sera humainement possible (en faisant tout pour que cela puisse le rester). Autant la participation de laïcs éclairés à la préparation et à la célébration des obsèques est belle et profitable (j'en fais l'expérience), autant je ne crois pas à la substitution, surtout pas à notre époque.
Reste enfin à faire la part des choses entre des erreurs pratiques et un esprit de système qui, par le biais de la pratique, tend à effacer ou à diluer la présence irremplaçable du sacerdoce ordonné en régime catholique qui est celui auquel je donne ma foi. Et là, çà et là on se trouve devant un problème beaucoup plus grave et à mon sens mal traité, qui est la destruction insidieuse du sacrement de l'ordination dans certaines pratiques et discours collectifs et idéologiques à tous niveaux. C'est exactement là que je situe le risque de protestantisation de l'Eglise catholique.
Il fallait cébrer la messe de funérailles à St Nicolas du Chardonnet pour assister à un vraie cérémonie.
Pourquoi ne pas avoir choisi St Nicolas du Chardonnet?