Le Forum de Paris, qui se tenait à l’Unesco du 28 au 30 mars, avait comme thème l’« Union pour la Méditerranée », et a tenu une session intitulée « Pour une vision partagée de la circulation des hommes en Méditerranée ». On n’en a guère entendu parler, mais L’Economiste « le premier quotidien économique du Maroc », en a fait un intéressant compte-rendu.
Tout d’abord, on constate une anomalie. Les participants (dont le ministre Hortefeux) parlent de la « circulation des hommes », en clair des flux migratoires, dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée , alors que les thèmes entérinés à Vienne le 13 mars dernier par l’UE, pour cette Union qui n’est rien d’autre que le nouveau nom du « processus de Lisbonne » : environnement, protection civile, transports, etc., ne concernent pas l’immigration.
Il n’y avait donc pas à aborder ce sujet au « Forum de Paris ». Mais tout est bon pour aggraver le déferlement migratoire.
Brice Hortefeux s’est contenté de rappeler la position officielle du gouvernement sur l’immigration (maîtrisée, régulée, choisie, etc.)
Mais d’autres participants en ont profité pour faire avancer leurs souhaits de voir une Europe ouverte à toute immigration, en se servant du concept d’« Union pour la Méditerranée ». On notera particulièrement le propos de l’ambassadeur algérien Missoun Sbih. Pour lui, relate L’Economiste, une approche novatrice serait que l’on pût parler non plus de « maîtrise concertée des flux migratoires », mais de « la dimension humaine » des rapports entre l’Europe et les pays sud-méditerranéens : « On ne peut plus prôner la libre circulation des biens, des capitaux et des services et, en même temps, multiplier les restrictions à la circulation des personnes, donnant ainsi aux populations impliquées le sentiment d’être exclues. » On voit que l’ambassadeur reprend mot pour mot l’argumentation qui a conduit à créer dans l’Union européenne l’espace Schengen. Or il conclut précisément : « Pourquoi pas un Schengen méditerranéen ? Voilà un “projet concret“ qui aurait un impact considérable sur nos opinions publiques et créerait, pour une grande part, les conditions de la réussite du projet » de l’Union pour la Méditerranée.
L’ambassadeur marocain Fathallah Sijilmassi renchérit : « Oui, cessons de parler de flux migratoires, parlons plutôt des populations. Il y a actuellement un million de Marocains en France, et 60% d’entre eux sont des binationaux. C’est cela la réalité humaine de notre relation. Le processus de Barcelone a étouffé sous le trop-plein technocratique et l’insuffisance de dialogue. Nous avons maintenant l’occasion historique d’inverser le mouvement. Ma recommandation est simple : remettre les populations civiles au sein du processus de création de l’Union pour la Méditerranée. L ’important, c’est de construire ensemble. »
Voilà ce que donne le projet ubuesque de Nicolas Sarkozy. Même sévèrement recadré par l’Allemagne, il diffuse son poison. Si le nom a changé, il reste celui d’« Union », qui évoque toujours l’Union européenne. Et si l’Union européenne a créé l’espace Schengen, pourquoi l’Union « pour la Méditerranée » ne ferait-elle pas de même... Et alors le problème de l’immigration serait résolu, puisqu’on ne pourrait plus employer le mot : il n’y aurait plus qu’une « circulation des personnes », libre et illimitée...